«Dans la mesure où il y a toujours un risque que l’inflation persiste, un resserrement graduel de la politique monétaire contribuerait à la contenir», a affirmé jeudi dernier le FMI.
Le Fonds monétaire international (FMI) ne demande rien de moins à la Banque d’Algérie que de recourir à «une utilisation plus active du taux directeur» comme preuve de sa détermination à «répondre aux risques inflationnistes».
Dans un communiqué rendu public le 14 décembre sur leur site web, les services du FMI, qui achèvent leur mission de consultations au titre de l’article IV en Algérie, notent que «dans la mesure où il y a toujours un risque que l’inflation persiste, un resserrement graduel de la politique monétaire contribuerait à la contenir, et ce, en utilisant les différents instruments à la disposition de la Banque centrale, y compris une utilisation plus active du taux directeur qui signalerait la détermination de la Banque centrale à répondre aux risques inflationnistes». Autrement dit, le FMI demande ainsi à la Banque centrale de relever son taux directeur afin de mieux lutter contre l’inflation.
L’autorité monétaire qui, visiblement, a préféré écarter cette option ces derniers temps, sera-t-elle amenée à revoir sa copie ? Rien n’est moins sûr. Il n’y a aucun signe pour l’instant qui laisse croire que la BA serait sur le point de souscrire à cette démarché alors que le gouvernement semble, pour sa part, être optimiste en la matière.
La dernière déclaration de l’ex-Premier ministre sur le sujet, en affirmant en octobre dernier, à l’occasion de la Déclaration de politique générale du gouvernement, que l’inflation «devrait reculer à 7,5% pour l’ensemble de l’année 2023» après qu’il ait précisé que ce taux d’inflation s’est établi 9,5%, au cours des sept premiers mois de 2023, principalement tirée par les produits alimentaires (+13,2%).
Le nouveau Premier ministre, Nadir Larbaoui, qui garde pour l’instant le mystère entier sur les actions prioritaires à mener sur le terrain de l’économie, hormis peut-être l’urgence du front social, le pouvoir d’achat en l’occurrence, va-t-il être sensible à l’argument du FMI ? Il s’agit autant de questions qui restent posées alors qu’Aimene Benabderrahmane avait souligné en octobre dernier, dans le cadre de la stratégie de lutte contre l’inflation, que «la Banque d’Algérie a pris une série de mesures, dont le taux de change nominal».
Selon lui, «le taux de change réel nominal augmenté de 8,1% sur une base annuelle en juillet 2023 a contribué à la réduction de l’inflation importée». Il a précisé à ce propos que cette hausse de la valeur du dinar a été réalisée à la faveur de la bonne performance des principaux indicateurs économiques en Algérie notamment le solde positif continuel de la balance des paiements.
Le ministre des Finances, Laaziz Faid, avait affirmé alors que les mesures prises par les autorités publiques, notamment en assurant l’abondance des matières premières, la régulation et la subvention des prix contribueront à réduire le taux d’inflation en baisse continue depuis plusieurs mois. Le gouvernement avait décidé également la réduction des droits douaniers en les ramenant de 30 à 5% sur l’importation des viandes bovine et ovine fraîches, réfrigérées et emballées sous vide, ainsi que le bétail vivant importé.
De même qu’il a été décidé «la surveillance des prix et la lutte contre la spéculation sur les prix des matières premières, ce qui devrait réduire l’inflation au cours des mois restants de l’année en cours».Mais force est d’admettre que l’inflation en Algérie reste toujours importante. Après des années d’inflation relativement modérée, l’indice des prix à la consommation a augmenté de 7,2% en 2021, puis 9,3% en 2022.
Au cours des 8 premiers mois de l’année 2023, l’inflation s’est accélérée à 9,7%, celle des produits agricoles frais étant considérablement plus élevée (24,1%), probablement en partie à cause de l’effet de la faible pluviométrie sur la production agricole, avec un impact disproportionné sur les ménages à faible revenu. Tel est le constat de la Banque mondiale dans son dernier rapport de suivi de la situation économique en Algérie rendu public le 26 octobre.
facteurs nationaux
Il apparaît ainsi que la donne n’a pas vraiment changé depuis l’apparition de ce phénomène à l’échelle mondiale, dans le sillage de la crise de la pandémie. Les produits agricoles frais restent donc le facteur majeur dans le maintien du niveau élevé de l’inflation en Algérie. Cependant, ce rapport de la BM fait observer que «les facteurs nationaux jouent maintenant un rôle plus important dans la dynamique de l’inflation».
Par ailleurs, la Banque mondiale n’a pas manqué de décortiquer la politique monétaire de l’Algérie dans sa stratégie de lutte contre l’inflation, notamment l’inflation importée. «Après quatorze années consécutives de dépréciation du taux de change, le dinar s’est apprécié de 6,2% par rapport au dollar américain et de 4,0% par rapport à l’euro au S2-2022, la Banque d’Algérie cherchant à ralentir l’inflation importée», a-t-elle affirmé.
Dans le même temps, elle a pris le soin de mettre le curseur –faut-il se demander pourquoi ? – sur la politique monétaire de l’Algérie. «La politique monétaire est restée inchangée depuis l’augmentation du taux de réserves obligatoires en avril 2023, mais la croissance de la masse monétaire a ralenti au T2-2023. En avril 2023, la Banque d’Algérie a rehaussé le taux de réserves obligatoires de 2 à 3%, revenant ainsi au niveau pré-pandémique, afin de réduire les pressions inflationnistes.
Entre temps, la croissance de la masse monétaire a ralenti, la croissance des dépôts bancaires passant de 19,6% en g.a. au T1-2023 à 10,4% au T2-2023, en raison de la baisse des dépôts d’hydrocarbures et de l’augmentation du taux de réserves obligatoires. La croissance du crédit au secteur privé est restée modérée, tandis que la croissance du crédit aux entreprises publiques s’est légèrement accélérée», a-t-elle souligné.
D’où la question : la BA doit-elle aller plus loin ? Dans ce même communiqué cité plus haut, le FMI se félicite de «l’adoption de la nouvelle loi monétaire et bancaire qui vise à stimuler l’innovation et l’inclusion financières (comme que la création des institutions bancaires numériques ou islamiques), à moderniser les outils à la disposition de la Banque centrale en matière de supervision financière et de gestion des crises, et à réformer l’organisation de la Banque centrale et les opérations de politique monétaire».
Selon lui, «le renforcement de la transmission de la politique monétaire requiert une gestion proactive de la liquidité, une amélioration des outils d’analyse et de prévision (y compris une mise à jour du panier de l’indice des prix à la consommation) et un approfondissement du marché monétaire et du marché de la dette publique. Une flexibilité accrue du taux de change contribuerait à absorber les chocs et renforcerait l’efficacité de la politique monétaire». Bref, tout un programme. Un tout autre programme…