Bachir Derraïs : «on est en train de perdre du terrain par rapport a nos voisins»

09/07/2023 mis à jour: 06:17
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Producteur et réalisateur diplômé de l’Institut national des arts dramatiques de Bordj El Kiffan, il a produit plusieurs films dont L’Autre monde de Merzak Allouache ou The Murdered sun et Voyage à Alger de Abdelkrim Bahloul et a surtout réalisé et produit Ben M’Hidi, biopic sur le révolutionnaire, qui n’est toujours pas sorti.

 

Propos recueillis par Chawki Amari

 

-On ne vous a pas vu dans le cinéma depuis un certain temps, des projets en cours ? 

Pour être franc, en tournant Ben M’Hidi, je n’étais pas à l’aise, j’avais dit que j’arrêtais de faire du cinéma en Algérie, ensuite le film a été bloqué, une autre autorisation de tournage m’a été refusé, donc en tant que réalisateur, je ne fais plus de films, les conditions ne sont pas prêtes, mais je produit toujours, un film de Abdelkrim Bahloul et un autre de Viviane Candas, adaptation des Mille et une nuits. Je ne suis pas le seul, tous les réalisateurs sont en stand-by, tout le monde attend la loi sur le cinéma alors que quand le Président est arrivé, des décisions ont été annoncées mais il n’y a toujours rien 4 ans après, ce qui décourage les acteurs du secteur. 
 

-Où en est Ben M’Hidi, ce film qui a tant de peine à sortir ? Quelles sont les séquences qui posent problème ?  

Les Moudjahidines ont changé d’avis, après avoir annoncé la levée des réserves, donc le problème est forcément à leur niveau vu que je n’en ai aucun avec le ministère de la Culture qui a lui-même annoncé la sortie du film. Donc j’ai été à la Présidence, j’ai donné des comptes rendus, j’attends de voir ce qui va se passer mais je sais qu’il y ait des problèmes dans le film, notamment sur l’altercation entre Ben M’Hidi et Ben Bella au Caire, le Congrès de la Soummam et le rôle de Abane Ramdane, même si on ne me le dit pas clairement. Donc le film ne sort pas alors qu’on devait signer des contrats de distribution ce printemps. Donc en septembre, on devra prendre les décisions qui s’imposent.
 

-Etes-vous confiant dans l’avenir du cinéma avec les nouvelles dispositions, intentions et déclarations des décideurs ? 

On est en train de casser une dynamique et perdre du terrain par rapport à nos voisins. Au Moyen-Orient, au Qatar, aux Emirats arabes ou en Arabie Saoudite, on met énormément d’argent dans les films, on a compris que ce sont des outils de propagande et de lobbying qui fonctionnent comme un ministère des Affaires étrangères et j’ai l’impression qu’en Algérie, on n’a pas saisi cet aspect. Par exemple, malgré la crise économique que subit la Tunisie, le cinéma n’a pas été touché, les aides continuent et les films sortent, contrairement à l’Algérie où à part les films de commandes des Moudjahidines, les longs métrages sont bloqués. On est absents des festivals internationaux et d’autres pays prennent la place, même les étrangers hésitent à venir tourner en Algérie, c’est trop flou, il n’y a rien de concret. Il y a une régression, des lourdeurs, on a multiplié les institutions publiques de cinéma alors qu’il y en avait déjà beaucoup, ça pénalise le cinéma. On parle de formation, de financements mais on attend toujours. Je suis pessimiste pour l’instant mais on verra. 

 


 

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