Aux dernières statistiques de l’Association internationale du transport aérien (IATA), lorsque la proportion mondiale d’accidents avec perte de cellule est d’un pour 5 millions de vols, en Afrique, cette proportion est d’un accident pour 270 000 vols.
Autrement dit, si l’Afrique, qui abrite 18% de la population mondiale, ne représente que 3% des activités de transport aérien (fret et passagers combinés), elle y concentre, toutefois, au moins 17% des accidents. Comment améliorer la sécurité opérationnelle, tracer une feuille de route collaborative pour réduire les incidents et accidents dans les airs comme au sol, etc. ?
C’est autour de ces questions qu’ont échangé plus de 300 acteurs de l'aviation civile internationale issus de tous les pays de l'Afrique et de l'océan Indien. Le contexte, la 26e réunion du Groupe régional Afrique-océan Indien de planification et de mise en œuvre (Apirg) et la 9e réunion du Groupe régional de sécurité de l’aviation-région Afrique-océan Indien (RASG), tenues du 6 au 10 novembre courant, au Palais des congrès de Cotonou (Bénin).
Lors de ces assises, œuvre de l'Organisation de l'aviation civile internationale (OACI) sur la base du principe de rotation entre les régions Afrique orientale et australe (ESAF) et Afrique occidentale et centrale (Wacaf), l’Apirg a pu examiner, à travers son cadre de performance pour la planification et la mise en œuvre de la navigation aérienne dans la région, les résultats des activités de ses organes contributeurs, y compris les progrès réalisés dans la mise en œuvre du plan régional de navigation aérienne, et d’autres initiatives régionales.
Quant à la réunion RASG-AFI, y ont été discutées les questions de sécurité de l’aviation civile dans la région, l’état de la mise en œuvre des objectifs et cibles du Plan mondial pour la sécurité, ainsi que l’état de mise en œuvre des projets liés à la sécurité, est-il précisé dans un communiqué parvenu à notre rédaction ce week-end.
Conscients de l'importance de la question relative à la sécurité de la navigation aérienne, qui reste confrontée à nombre de difficultés, les conférenciers, qui ont débattu, 5 jours durant, des «défis organisationnels, risques opérationnels de sécurité, lacunes en infrastructures, en capacité et en efficacité de la navigation aérienne», ont élaboré un plan d’action et une série de propositions pour les soumettre à l’OACI.
D’autant que, le transport aérien, tel qu’il a été déploré lors des deux réunions dont les travaux se sont achevés vendredi, est «le secteur où nous avons un important trou à combler par rapport aux autres continents en termes d’infrastructures, de systèmes, d’équipements, de ressources humaines et de compétences».
Le continent, qui dispose de bonnes perspectives de développement pour le voyage et le tourisme, doit ainsi relever le défi persistant de la sécurité pour contrer les «zones de turbulences» tous azimuts. Pour ce faire, le rajeunissement de son parc s’impose et les colosses de l’industrie aéronautique sont déjà en course.
Une chaîne de fournisseurs évaluée à 235 milliards de dollars
Selon leurs estimations, d’ici 2040, la flotte des compagnies africaines devrait connaître une augmentation de 3,6% par an afin de répondre au trafic passagers, évalué à 5,4%. Troisième au monde sur la même période, ce taux sera en nette progression par rapport à celui du continent européen (3,1%).
L’on estime aussi que le continent, qui compte actuellement 265 avions Airbus en opération auprès de 36 compagnies aériennes, aura besoin, au cours des deux prochaines décennies, de pas moins d’un millier de nouveaux appareils modernes et économes, dont 295 gros-porteurs et 885 monocouloirs.
A pied d’œuvre, l’Algérie a déjà passé une commande de huit Boeing 737-9 et signé un protocole d’accord pour deux 737-800BCF (Boeing Converted Freighter), et ce, outre l’accord conclu avec Airbus pour sept gros-porteurs, deux A350-1000 et cinq A330-900. Toujours d’après les prévisions de l’IATA, les besoins des transporteurs africains en personnels devraient se situer à 63 000, dont 19 000 pilotes, 20 000 techniciens et 24 000 membres du personnel navigant. La chaîne des fournisseurs est, quant à elle, évaluée à 235 milliards de dollars.
Malgré cette base solide et ces projections, fort prometteuses, car susceptibles de favoriser l'amélioration de sa contribution à l’expansion de l’Afrique, le secteur de l’aviation, qui soutient quelque 7,7 millions d'emplois et 63 milliards de dollars d'activité économique, aura encore du temps de naviguer à vue.
Et pour cause : «Les contraintes des infrastructures, les coûts élevés, le manque de connectivité, les obstacles réglementaires, l'adoption lente des normes mondiales et les pénuries de compétences» qui, en plus de tant d’autres problèmes, ont fait subir aux transporteurs des pertes cumulées de 3,5 milliards de dollars entre 2020-2022, selon les chiffres de l’IATA.
Cette dernière prévoit d’autres pertes supplémentaires de l’ordre de plus de 200 millions de dollars en 2023, du fait des «coûts élevés du carburant, l'augmentation des redevances d'utilisation des infrastructures, les diverses taxes et différents prélèvements statutaires, d'autres coûts d'intrants inflationnistes et les obstacles réglementaires». Le retour et le maintien de la rentabilité des compagnies aériennes africaines s’en trouvent ainsi sérieusement compromis.