Les assurances du gouvernement concernant la sécurisation des approvisionnements de l’Algérie en céréales en cette période de conflit entre la Russie et l’Ukraine se poursuivent.
Hier, le ministre de l’Agriculture et du développement rural (MADR), Mohamed Abdelhafid Henni, est encore revenu sur cette question cruciale. Dans un contexte toujours volatil sur le marché des céréales, il a rassuré sur la disponibilité de stocks, notamment ceux de blé dur. Le ministre a en effet précisé, sur les ondes de la Radio nationale, que le pays détient un «stock suffisant jusqu’à la fin de l’année 2022», ajoutant que «le stock du blé tendre suffira jusqu’au mois d’août 2022». C’est-à-dire de quoi couvrir les besoins pendant cinq mois pour un blé dont les quantités nécessaires sont assurées majoritairement par les importations à hauteur de 90%, contrairement au blé dur.
«En plus de la production nationale de céréales, les approvisionnements seront honorés par les fournisseurs traditionnels de l’Algérie», a-t-il indiqué dans ce sillage. Et de souligner que les capacités de stockage dont dispose le pays peuvent atteindre les 66 millions de quintaux (q). «Le pays dispose d’espaces de stockage suffisants, dépassant les 44 millions de quintaux. Avec l’apport des capacités de stockage au niveau des minoteries et des semouleries, ces capacités s’élèveront à 66 millions de quintaux», a-t-il expliqué.
Le 17 mars, devant les députés, le ministre a indiqué que l’Office algérien interprofessionnel des céréales (OAIC) se charge du programme d’importation et de constitution du stock stratégique de céréales, qui devrait suffire d’ici à août 2022.Auparavant, précisément en janvier 2022, le ministre avait évalué les capacités de stockages de l’OAIC à 28 millions de quintaux, soit moins 16 millions de quintaux par rapport au chiffre révélé hier. Ce qui suscite des interrogations sur les capacités réelles de l’OACI qui, pour rappel, n’a collecté en 2021 que 13 millions de quintaux de blé sur une production globale de 27 millions. Une production en forte baisse (moins de 34%) par rapport à celle de 2020.
Une production en baisse et des besoins en hausse
La tendance s’annonce identique cette année, avec la faiblesse de la pluviométrie, selon Arezki Mekliche, professeur à l’Ecole nationale supérieure d’agronomie (ENSA), contacté hier à cet effet. Spécialiste en céréaliculture, Arezki Mekliche prévoit une faible production cette année. «Si à l’est et au centre du pays, il est possible de rattraper la situation après la période de sécheresse, à l’Ouest où la production représente le tiers de la moyenne nationale, ce n’est pas évident.
Ce qui va impacter négativement sur la récolte globale prévue en deux parties, en mai pour le Sud et en juin-juillet pour le Nord», nous explique-t-il. Et d’ajouter : «Si on arrive à produire cette année 30 millions de quintaux, ça sera un miracle. Nous allons continuer à dépendre du marché international pour nos approvisionnements en blé pour encore longtemps, avec des besoins estimés annuellement à 100 millions de quintaux, dont 80 à 90% proviennent des importations.»
Pour M. Mekliche, tant que l’aspect technique n’est pas pris efficacement en charge, les rendements resteront faibles. «Il ne suffit pas de parler. On doit mettre les moyens, que ce soit pour le financement, la mécanisation agricole ou l’accès aux intrants.»
A ce sujet, le ministre a assuré, jeudi dernier, que l’OAIC prépare la campagne de labour-semailles et moisson-battage par l’approvisionnement des céréaliculteurs en intrants de production (semences et engrais)mais aussi d’engins de labour et de moisson. Et ce, en sus de l’accompagnement technique et financier des agriculteurs. Cependant, sur le terrain, le manque d’efficacité dans la mise en œuvre des mesures porte un coup dure à une filière de plus en plus exposée aux aléas du marché international, comme c’est le cas actuellement.
Certes, l’Algérie, qui a diversifié ses fournisseurs en blé, est pour l’heure épargnée par la crise des céréales avec l’enchérissement des prix des matières premières énergétiques, comme l’a souligné la Banque mondiale (BM) dans son dernier rapport, cependant le risque lié au recours à des mesures protectionnistes par les pays producteurs est à prendre en considération dans ce contexte de tensions sur le marché des matières premières.
En plus des prix des céréales, ceux des oléagineux et des produits destinés à l’alimentation des volailles (maïs et soja) sur les marchés mondiaux sont également volatils. Ce qui s’est répercuté sur le marché national. Cédé avant la crise russo-ukrainienne à 6000 DA le quintal, le maïs se vend actuellement aux aviculteurs à 9500 DA/q, nous apprend un fournisseur d’aliment pour volailles rencontré au Salon Sipsa Filaha.
D’où l’urgence d’accélérer le programme (déjà entamé) de production du maïs fourragé. Et ce, d’autant qu’il s’agit d’assurer la survie d’une filière avicole fortement dépendante des importations.