Les prix des viandes rouges ont augmenté d’un coup de 400 DA ces dernières semaines. Le kilo de viande bovine s’affiche désormais à 1700 DA chez le boucher.
A l’instar de beaucoup de produits d’alimentation de base qui ont vu leurs prix exploser. Pour chercher des explications à cette hausse, nous nous sommes rapprochés d’un important opérateur dans la filière de la viande fraîche, patron de surcroît de l’un des plus grands abattoirs au niveau du centre du pays.
«Le prix de gros de la viande ici même à l’abattoir est désormais de 1200 DA le kilo pour la viande locale et de 1300 DA le kilo pour les bêtes importées comme l’aubrac», affirme cet homme qui souhaite garder l’anonymat.
Selon lui, il suffit de rajouter les frais divers comme le transport puis les marges bénéficiaires, pour voir le kilo de viande s’afficher tout à fait logiquement aux alentours des 1700 DA le kilo chez le boucher.
«Ceci pour le bovin, tandis que l’ovin, que j’achète en général au marché de Oued Souf, il me revient à 1400 DA le kilo et on prévoit encore une explosion des prix dans les semaines prochaines, à l’approche du Ramadhan», dit-il.
Selon notre interlocuteur, la crise de la Covid-19 a entraîné une hausse mondiale de tous les produits de consommation, y compris les intrants des aliments du bétail. Cette hausse des matières premières s’est conjuguée à la dégringolade du dinar face aux monnaies fortes puis à la hausse des frais de fret maritime.
«A cela, il faut aussi ajouter le fait qu’avant, les importateurs bénéficiaient de lignes de crédit et travaillaient avec l’argent de la banque. Aujourd’hui ce n’est plus le cas. Ils doivent payer rubis sur l’ongle leurs commandes», dit-il encore.
Toujours selon notre interlocuteur, il y a encore peu, la valeur d’un veau importé, destiné à l’engraissement, oscillait entre 29 et 30 millions de centimes au grand maximum, et ce, même acheté en troisième main. Achetée directement chez l’importateur, cette même bête pouvait valoir 26 ou 27 millions de centimes.
A cette somme qui représente la valeur de la bête, s’ajoutent les frais de son alimentation à raison de 4000 DA le mois. «En six mois d’élevage, la bête consomme pour près de 15 millions de centimes, sans compter les frais des médicaments, d’entretien, etc. Je connais beaucoup de gens qui font dans l’élevage et dans l’engraissement qui ont arrêté. Certains qui engraissaient jusqu’à 200 bêtes n’ont plus qu’une poignée de têtes juste pour garder la main et quelques jobs. Le métier ne rapporte plus», dit-il.
À cela, il faut ajouter les prix des aliments du bétail qui ont augmenté ces derniers mois. «Le quintal d’aliment du bétail est désormais à 7000 et à 8000 DA, car les prix du soja, du maïs et du son ont augmenté de 200%.
Ce n’est pas tout, l’aliment vendu au départ à 1500 DA, le quintal arrive chez l’éleveur à 4 500 DA, car les «smasra» et autres revendeurs et intermédiaires rachètent en gros les quantités produites par l’ONAB (l’Office national des aliments du bétail) afin de les revendre aux fellahs et aux éleveurs», nous apprend notre interlocuteur.
En plus de la dévaluation du dinar, la crise sanitaire a explosé les prix des matières premières. Aujourd’hui, les banques n’offrent plus de lignes de crédit.
Chute vertigineuse de la consommation
Il y a encore quelques années, l’élevage était florissant. Les importateurs avaient jeté leur dévolu sur l’aubrac, une race bovine réputée pour la qualité de sa viande, dédaignant petit à petit le charolais qui offre pourtant des quantités importantes de viande, mais dont les os sont réputés pour être trop volumineux. Seulement, la crise s’est installée petit à petit, touchant toute la filière.
La crise actuelle que vit le pays a entraîné une chute vertigineuse de la consommation de la viande dans les ménages. «Ça tourne vraiment au ralenti. Nous avons perdu près de 70% de parts de marché, car les gens mangent de moins en moins de viande», révèle notre opérateur.
Pour lui, la condition principale pour réguler le marché de la viande est que l’importation des bêtes d’engraissement doit revenir à l’Etat qui doit ensuite les dispatcher sur les éleveurs et agriculteurs afin d’éliminer les intermédiaires qui se sucrent sur le dos du consommateur et des gens de la filière. «Si le fellah achète une bête directement à la source, il peut gracier près de 10 millions de centimes sur le prix de départ et consacrer cette somme à l’engraissement», dit-il.
Pour finir, notre interlocuteur dont la famille active dans la filière de la viande depuis plusieurs décennies tient à tirer la sonnette d’alarme : «Il y a trop de pertes chez les petits éleveurs, ceux-là mêmes qui maintiennent en vie la filière. Si cela continue comme ça, dans quelques années, il n’y aura plus aucun éleveur aucun fellah chez nous. Nous serons obligés de tout importer.»