Dès 2009, Israël a mis en place un tribunal militaire spécialement dédié au traitement des «atteintes à la sécurité» commises par les mineurs palestiniens. La responsabilité criminelle des individus est définie à partir de l’âge de 12 ans et les arrestations s’opèrent en violation flagrante et assumée de la Convention des Nations unies relative aux droits de l’enfant.
Les enfants palestiniens sont une cible privilégiée pour le système répressif de l’Etat hébreu. On le savait un peu mais c’est bien autre chose que de le voir à travers certains «profils» de détenus ayant quitté les prisons israéliennes depuis deux jours.
Faisant partie du contingent des prisonniers libérés dans le cadre de l’accord sur la trêve entre Tel-Aviv et le mouvement Hamas, des pré-ados et des ados ont pu enfin retrouver leurs familles dans des scènes de joie qui ont bravé l’interdiction de toute effusion signifiée par l’armée israélienne.
Des domiciles où se sont regroupés des proches dans l’attente de recevoir les libérés ont même été évacués manu militari en Cisjordanie, sans doute de peur de voir ces moments de liesse souligner une quelconque victoire pour la résistance palestinienne.
Mais c’est raté ; les images de ces retrouvailles émouvantes, grandement zappées par les médias occidentaux, montrent des jeunes filles et des jeunes garçons, que le séjour en prison semble avoir plutôt galvanisés, défier l’interdiction avec leurs familles ; dans certaines localités, des manifestations de rue ont même pu être improvisées, avec les «héros» du jour portés sur les épaules. Sur le plan de l’image, l’impact est certain.
Les voilà donc ces dangereux «terroristes», comme les décrit Israël, des garçons imberbes, la voix de l’entre-deux âges des pré-adultes, des filles parties enfants et revenues jeunes filles ou jeunes femmes, si coupables que leur libération a dû passer par un accord de trêve de guerre.
Une des guerres les plus meurtrières de l’histoire récente contre les civils, et qui dénote à son tour de l’acharnement israélien contre les tout jeunes Palestiniens : près de 40% des victimes des raids et des bombardements sur la Bande de Ghaza durant les 50 jours d’enfer sont des enfants. Une constante stratégique manifestement à Tel-Aviv que de frapper la société palestinienne au cœur et de la terroriser par le ciblage systématique de la toute jeunesse.
Adultes à 12 ans…
Des milliers de jeunes Palestiniens subissent l’arbitraire d’un système judiciaire hypermilitarisé que le droit international, les instances onusiennes chargées de la protection de l’enfance et les ONG n’ont eu de cesse de dénoncer. Entre 700 et 1000 mineurs palestiniens sont, chaque année, jugés par les tribunaux militaires israéliens. Près de 1500 enfants ont été ainsi emprisonnés depuis l’année 2000 en Cisjordanie.
Pour le seul mois d’octobre dernier, le Club des prisonniers palestiniens fait état de l’arrestation de 145 enfants, faisant monter le nombre global à près de 900 depuis le début de l’année.
Les torts se résument souvent à des jets de pierres sur ces patrouilles qui vont dans les camps de réfugiés pour faire dans la répression et la provocation. Le délit est passible de 10 à 20 ans de prison dans des «procès» expéditifs, où l’on peut également invoquer la notion flottante de «menace sur la sécurité» comme motif d’emprisonnement sans l’obligation légale de documenter les faits.
Dès l’année 2009, Israël a mis en place un tribunal militaire spécialement dédié au traitement des «atteintes à la sécurité» commises par les mineurs. La responsabilité criminelle des individus est définie à partir de l’âge de 12 ans et les arrestations s’opèrent sur simple ordre militaire dans une violation flagrante et assumée de la Convention des Nations unies relative aux droits de l’enfant.
De nombreux rapports du Fonds des Nations unies pour l’enfance (Unicef) ont déjà pointé du doigt la répression et les maltraitances subies par les tout jeunes Palestiniens, les décrivant comme «généralisées, systématiques et institutionnalisées». Lors des arrestations, selon la plateforme des ONG françaises pour la Palestine, 88% des mineurs et leurs familles ne sont pas notifiés des motifs, alors que 97% d’entre eux n’ouvrent pas droit à être représentés par un avocat durant les interrogatoires.
La prison ou la mort
L’ONG Save the children (Sauvez les enfants) note dans un rapport daté de juillet dernier, et se basant sur des enquêtes détaillées, que quatre sur cinq des enfants arrêtés sont battus et 69% sont fouillés à nu. Près de la moitié (42%) arrivent blessés aux interrogatoires, note-t-on encore, souvent des blessures par balle et des fractures. Enfin, le sadisme va jusqu’aux conditions de transfert des prisonniers, puisque des cas de transport par «cages» sont signalés par la même ONG.
Mais il n’y a pas que les prisons pour mater de l’enfant palestinien. Un rapport de l’ONG Human Rights Watch interpellait les «alliés d’Israël», en août dernier, sur l’obligation de mettre fin à l’«utilisation systématique et illégale de la force létale contre les Palestiniens, y compris les enfants».
Le document confirme une tendance à l’acharnement meurtrier du côté des forces israéliennes, en indiquant que l’année 2022 a été la plus meurtrière pour les enfants palestiniens en Cisjordanie depuis 15 ans. L’année en cours, note également le rapport, est partie pour égaler ou dépasser les seuils de l’année de 2022, puisqu'au 22 août dernier, au moins 34 enfants palestiniens ont été abattus en Cisjordanie.
Ayant enquêté sur des cas précis, concernant des jeunes âgés entre 13 et 17 ans, la division Droits des enfants au sein de l’ONG a conclu, entre autres, que majoritairement, «les forces israéliennes ont tiré sur la partie supérieure du corps des enfants, sans sommation, et sans faire usage de mesures courantes moins létales, telles que les gaz lacrymogènes, les grenades à concussion ou les balles en caoutchouc».
Citant le journal israélien Haaretz (celui-là même menacé de représailles gouvernementales aujourd’hui pour sa couverture de la guerre à Ghaza jugée pas assez favorable à Tel-Aviv), le rapport de Human Rights Watch apprend que «depuis décembre 2021, les soldats sont autorisés à tirer sur les Palestiniens en fuite s’ils ont précédemment jeté des pierres ou des cocktails Molotov».
Même s’il s’agit d’enfants. «Les enfants palestiniens vivent dans un contexte réel d’apartheid et de violence structurelle, où ils risquent à tout moment d’être abattus, sans aucune perspective sérieuse d’obligation de rendre des comptes», conclut Bill Van Esveld, directeur adjoint de la division Droits des enfants au sein de l’ONG.