Analyse et décryptage des conclusions de la mission du FMI en Algérie

18/12/2023 mis à jour: 03:32
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Une simple mission de consultation dont les conclusions ne s’imposent nullement au pays

A l’issue de son séjour à Alger du 3 au 14 décembre 2023 dans le cadre des consultations au titre de l’article IV des statuts du FMI avec l’Algérie pour l’année 2023, la mission du FMI a publié un communiqué de presse qui présente ses propres conclusions.

 Ces dernières n’engagent qu’elle-même et nullement le Conseil d’administration (CA), la plus haute instance de direction du FMI. Les autorités algériennes ne sont pas tenues de les avaliser ni de s’y conformer. Dès son retour à Washington, la mission va rédiger ce qui s’appelle un rapport des services du FMI au titre de l’article IV pour 2023 en reprenant les positions des autorités algériennes. Ce rapport va faire l’objet d’un processus de revue intense de la part des principaux départements au sein du FMI avant d’être transmis à la direction générale pour approbation. 

Suite à cela, le rapport sera envoyé au département du secrétariat pour finalisation et transmission aux administrateurs. Une date sera retenue pour un examen formel ou informel de ce rapport par le Conseil d’administration. Si le rapport ne soulève pas de problèmes particuliers, une réunion formelle du Conseil d’administration du FMI ne sera pas nécessaire. 

Le rapport sera alors adopté au cours d’une réunion du CA sur la base de la procédure de l’achèvement des consultations par défaut d’opposition (lapse of time basis). Sa publication interviendra après la réunion du CA. L’ensemble du processus devrait prendre entre 30-45 jours.
 

La situation macroéconomique en 2023 selon la mission du FMI 

Dans son communiqué de presse, la mission précise que la croissance économique devrait atteindre 4,2% en 2023 (3,8% dans le rapport du FMI d’octobre 2023), tirée essentiellement par les hydrocarbures, l’industrie, la construction et les services. Pour ce qui est du secteur extérieur, le solde des transactions courantes de la balance des paiements devrait enregistrer un excédent pour la deuxième année consécutive en dépit de la baisse des prix des hydrocarbures. Les réserves internationales sont à un niveau confortable, équivalent à 14 mois d’importations à fin octobre 2023. 

«Curieusement et contrairement aux communiqués de presse publiés à l’issue de missions identiques à travers le monde, l’équipe du FMI ne fournit aucune donnée statistique pour 2023 en ce qui concerne l’inflation, le déficit budgétaire, le ratio du compte courant de la balance des paiements par rapport au PIB et le niveau des réserves internationales en dollars. Elle indique de façon vague que l’inflation et le déficit budgétaire sont élevés. Un panorama macroéconomique raccourci vu l’absence de quatre indicateurs de base.» 

Les perspectives macroéconomiques pour 2024 et le moyen terme de la mission du FMI 

L’année 2024 : La mission précise que les perspectives de l’économie algérienne sont favorables mais l’inflation demeure élevée. Elle indique que : 

- (1) la croissance devrait rester robuste en 2024 ; 
- (2) l’inflation devrait se modérer ; 
- (3) le solde des transactions courantes de la balance des paiements devrait enregistrer un léger excédent du fait de la baisse supplémentaire des prix des hydrocarbures et d’une hausse modérée des importations ;
- (4) le déficit budgétaire devrait se creuser davantage en 2024 du fait de la hausse des dépenses salariales, des transferts budgétaires et des dépenses d’investissement public. Ce déficit serait partiellement financé par des retraits de recettes des hydrocarbures accumulées au niveau du Fonds de régulation des recettes. «De nouveau, un autre raccourci dans la mesure où aucune donnée n’est fournie sur les projections macroéconomiques de base pour 2024. Incompréhensible.» 
 

Le moyen terme 

la mission indique que les perspectives économiques sont tributaires des réformes visant à diversifier l’économie et assurer une croissance inclusive, tirée par le secteur privé, ainsi que la création d’emplois. Elle précise en outre un certain nombre de risques auxquelles l’économie algérienne fait face, y compris : 
- (1) l’inflation qui pourrait demeurer élevée ; 
- (2) la volatilité des prix des hydrocarbures qui pourrait compromettre la croissance économique et le niveau des recettes budgétaires ; 
- (3) la persistance de déficits budgétaires élevés qui réduiraient la marge de manœuvre budgétaire et causerait un resserrement des contraintes de financement ainsi qu’une hausse de la dette publique ; 
- (4) les effets du changement climatique tel que illustré par les épisodes récents de sécheresse qui contraignent la production et la consommation. 

Sur le plan macroéconomique, la mission souligne : 

- (1) l’importance d’un rééquilibrage budgétaire graduel afin de préserver la solidité des finances publiques (adoption d’un cadre budgétaire de moyen terme pour se prémunir contre la volatilité des recettes des hydrocarbures et d’autres chocs ; plans de financement à moyen terme afin de diversifier les sources de financement et réduire ainsi la dépendance à l’égard du secteur bancaire domestique) ; 
- (2) le besoin d’un resserrement graduel de la politique monétaire pour contenir l’inflation en s’appuyant sur les différents instruments à la disposition de la banque centrale, y compris une utilisation plus active du taux directeur qui signalerait la détermination de la Banque centrale à répondre aux risques inflationnistes ; 
- (3) la nécessaire flexibilité accrue du taux de change afin de permettre à l’économie d’absorber les chocs externes. Sur le plan structurel, des recommandations sont avancées pour le renforcement de la transmission de la politique monétaire, ce qui requiert une gestion proactive de la liquidité, une amélioration des outils d’analyse et de prévision (y compris une mise à jour du panier de de l’indice des prix à la consommation) et un approfondissement du marché monétaire et du marché de la dette publique. 

Par ailleurs, en appui de la diversification de l’économie et de la création de la création de l’emploi, la mission propose une mise en œuvre continue du Plan d’action du gouvernement, une hausse de l’investissement privé, une amélioration du climat général des affaires, un plus grand développement des marchés financiers domestiques et la recherche de nouvelles opportunités pour les exportations hors hydrocarbures, dans la continuité de l’action menée par les autorités. Encore une fois, aucune référence à des indicateurs macro-économiques-clés sur le moyen terme et des recommandations vagues. 
 

Évaluation de la qualité du communiqué de la mission du FMI 

De façon synthétique, la mission a publié un communiqué qui manque de visibilité et recommande des remèdes appropriés (sans les étayer par des données statistiques), à savoir un renforcement des politiques macroéconomiques (ajustement budgétaire symétrique affectant les recettes et les dépenses et resserrement de la politique monétaire afin de maîtriser l’inflation et enrayer les risques d’enracinement d’une inflation élevée. 
 

Curieusement, aucune mention des obstacles structurels pesant sur l’inflation) et des réformes structurelles (secteur financier, climat des affaires, diversification des exportations ; ce qui semble un peu court). Pour les statistiques, la mission n’en fait aucune mention, alors qu’elles sont cruciales pour l’information du public et pour mener des analyses macroéconomiques solides et articuler des politiques publiques efficientes. «Un communiqué trop général et mal structuré qui ne répond pas aux objectifs assignés à de tels documents.» 
 

Décryptage du communiqué 

Au-delà du langage feutré, de l’absence curieuse de certaines données macro-économiques de base pour 2023, 2024 et le moyen terme (éléments-clés des communiqués de presse des autres missions du FMI à travers le monde, car ils sont lus par le public et les professionnels), il faut comprendre ce qui suit : «L’amélioration macroéconomique en 2023 est partielle et reflète essentiellement des facteurs extérieurs et non pas la mise en place d’un plan global et cohérent de refondation de l’économie. 

Pour 2024 et le moyen terme, l’économie algérienne a besoin cruellement de réformes structurelles en profondeur pour assurer sa diversification et sa résilience».

 

 

Par Abdelrahmi Bessaha , Expert international
 


 

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