A défaut d’un cessez-le-feu durable, des tractations sont en cours en vue d’aboutir à une trêve de quelques semaines dans la Bande de Ghaza. Et pour donner toutes ses chances à la paix, les efforts diplomatiques s’intensifient. Le secrétaire d’Etat américain, Antony Blinken, et le chef de la diplomatie française, Stéphane Séjourné, ont entamé chacun une tournée au Proche-Orient pour stopper le bain de sang à Ghaza.
Une semaine après la réunion de Paris, qui a rassemblé dimanche 28 janvier le chef de la CIA, William Burns, avec de hauts responsables du renseignement égyptiens et israéliens et le Premier ministre qatari, Mohammed Ben Abderrahmane Al Thani, et qui a abouti à une proposition d’accord en vue d’une trêve entre Palestiniens et Israéliens, le mouvement de résistance Hamas n’a toujours pas rendu sa réponse.
«Les négociations se poursuivent pour parvenir à une seconde trêve, plus longue que celle d’une semaine qui avait permis fin novembre la libération d’une centaine d’otages retenus à Ghaza en échange de Palestiniens détenus par Israël», indique l’AFP, avant d’ajouter : «Le chef du Hamas, Ismaïl Haniyeh, installé au Qatar, est attendu en Egypte pour discuter d’un projet d’accord élaboré par les médiateurs qatari, américain et égyptien.»
Le plan de désescalade issu de la réunion de Paris «prévoit d’abord une trêve de six semaines avec la libération de 200 à 300 Palestiniens détenus en Israël en échange de 35 à 40 otages, selon une source du Hamas».
Dès le lendemain des pourparlers parisiens, le Premier ministre qatari, en visite à Washington, avait étalé son optimisme. «Nous avons réalisé des progrès notables hier en jetant les bases d’une avancée sur la question des otages», s’est-il félicité.
Ismaïl Haniyeh avait fait d’emblée savoir, selon le site web Al Jazeera Mubasher : «Notre réponse à la proposition sera basée sur le principe que la priorité est de mettre un terme à l’agression contre Ghaza et le retrait des forces d’occupation de la Bande de Ghaza.» Haniyeh avait en même temps assuré que «le mouvement Hamas est ouvert à toute discussion à propos de toute initiative sérieuse et fiable qui conduise à une cessation complète de l’agression».
«Il est prématuré de parler d’un accord»
Jeudi, le porte-parole du ministère des Affaires étrangères du Qatar, Majed Al Ansari, a annoncé que l’accord-cadre a été «approuvé par la partie israélienne». «Nous avons maintenant une première confirmation positive de la part du Hamas», a-t-il déclaré dans la foulée.
Mais il est vite contredit par un cadre du mouvement islamiste qui fait savoir à l’AFP que la déclaration du porte-parole qatari était «précipitée et fausse».
Ce samedi 3 février, c’est au tour d’Oussama Hamdane, membre du bureau politique du Hamas chargé des relations extérieures, d’éclairer sur les intentions de la résistance palestinienne.
M. Hamdane a donné samedi une conférence de presse à Beyrouth où il a remis les pendules à l’heure, précisant d’emblée : «Il est prématuré de parler d’un accord sur une trêve.»
«Nous apprécions les efforts consentis par l’Egypte et le Qatar en vue de parvenir à un accord de cessez-le-feu durable à Ghaza pour mettre fin à l’agression qui se poursuit contre notre peuple»n a-t-il insisté, selon un compte-rendu de l’agence Anadolu.
«Le mouvement a reçu la proposition de l’accord général qui a été discuté à la réunion quadripartite de Paris. Les discussions et les concertations au niveau de la direction du mouvement ont porté sur la finalité des négociations», fera remarquer le responsable palestinien.
De fait, l’un des points à propos desquels les discussions intra-palestiniennes auraient été les plus âpres est l’objet même des négociations avec Israël : est-ce simplement pour conclure une trêve de quelques semaines ou bien pour un cessez-le-feu pérenne, «et un retrait total de l’armée de l’occupant de la Bande de Ghaza», explicite Oussama Hamdane.
D’autres points à l’ordre du jour des réunions de concertation ont porté, selon le même responsable, sur d’autres revendications formulées par le Hamas et ses alliés opérationnels : «La levée du blocus qui se poursuit depuis 17 ans, la prise en charge des déplacés et la reconstruction de ce qu’a détruit l’occupant.»
Oussama Hamdane a abordé aussi le sort des détenus palestiniens et la nécessité de «conclure une transaction sérieuse sur l’échange de prisonniers» avec l’oppresseur.
D’autres revendications d’importance sont mises en avant : «La reconnaissance internationale effective du droit de notre peuple à l’autodétermination et l’établissement d’un Etat palestinien pleinement souverain avec Al Qods comme capitale», complète le représentant du Hamas.
Concertation avec le FPLP et le Jihad Islamique
Oussama Hamdane a affirmé, au cours de cette même conférence de presse, que la formation dirigée par Ismaïl Haniyeh est «en concertation permanente avec l’ensemble des forces et des factions de la résistance palestinienne».
Dans cet esprit, Haniyeh s’est entretenu avec le secrétaire général adjoint du FPLP, Jamil Mezher, et avec le secrétaire général du Jihad islamique, Ziad Al Nakhalah, selon deux communiqués du Hamas cités par l’agence Anadolu.
Le patron du Hamas et le chef adjoint du FPLP sont tombés d’accord, selon un des communiqués, sur le fait que «le Déluge d’Al Aqsa s’inscrit dans le sillage du combat pour la libération (de la Palestine) du joug de l’occupation et pour l’établissement d’un Etat palestinien indépendant avec Jérusalem pour capitale, et la reconnaissance du droit au retour (des réfugiés palestiniens) conformément aux résolutions internationales pertinentes et au droit international et humanitaire».
Oussama Hamdane a été interrogé à Beyrouth au sujet de ce qu’a rapporté récemment le Wall Street Journal, attribuant les «tergiversations» du Hamas à des dissensions au sein du leadership de la guérilla palestinienne.
«Les allégations de certains médias faisant état de divergences entre les dirigeants du Hamas sont fausses», a rétorqué le responsable palestinien, précisant que «la proposition de la réunion de Paris est toujours à l’étude entre les dirigeants du mouvement».
Vendredi dernier, The Wall Street Journal publiait en effet un article sous le titre «Les divisions du Hamas sur la proposition de cessez-le-feu soutenue par les Etats-Unis bloquent les négociations». «Les divisions entre les principaux dirigeants du Hamas empêchent le groupe militant d’adhérer à une proposition soutenue par les Etats-Unis visant à mettre fin aux combats à Ghaza et à libérer davantage d’otages, selon des responsables proches des négociations», écrit le journal américain.
Et d’expliquer : «Dans un renversement de la dynamique habituelle du groupe, le plus haut dirigeant du Hamas à Ghaza, Yahya Sinwar, et d’autres, las après des mois de guerre, se disent prêts à accepter la proposition d’une pause initiale de six semaines dans les combats.»
Y aurait-il donc divergence entre dirigeants de l’intérieur et dirigeants de l’extérieur de la Bande de Ghaza, en d’autres termes, entre les militaires et les politiques du mouvement ?
Une chose semble certaine : à la lumière des éléments de langage fournis par Oussama Hamdane et de la teneur des consultations avec les partenaires de combat, le message qui se dégage est que si les négociations devaient reprendre avec Israël, elles ne doivent pas se limiter à une trêve à court terme mais s’étendre à un vrai processus politique pour un règlement définitif de la question palestinienne.
Blinken et Séjourné au Proche-Orient
En attendant la réponse officielle du Hamas, les efforts diplomatiques s’intensifient pour stopper le bain de sang à Ghaza. Antony Blinken, le secrétaire d’Etat américain, a entamé hier une nouvelle tournée au Moyen-Orient, la cinquième depuis le début de la guerre contre Ghaza.
Il doit se rendre en Egypte, au Qatar, en Cisjordanie occupée, en Arabie Saoudite et en Israël. «Je retourne au Moyen-Orient (…) pour continuer à travailler avec nos partenaires sur les moyens de parvenir à une paix durable dans la région», a posté vendredi sur X le responsable américain.
De son côté, le chef de la diplomatie française, Stéphane Séjourné, a amorcé samedi un périple oriental qui durera jusqu’au 6 février. Hier, il s’est posé au Caire, où il a été reçu par le président égyptien, Abdel Fattah Al Sissi.
Sur la plateforme X, l’hôte de l’Egypte a posté hier ce message : «Pour ma première visite au Proche-Orient, j’ai tenu à me rendre d’abord en Egypte, partenaire stratégique de la France.
Au président Al Sissi, j’ai rappelé notre engagement pour un cessez-le-feu humanitaire à Ghaza et une relance de la solution politique à deux Etats.» Stéphane Séjourné poursuivra sa tournée diplomatique en se rendant respectivement en Jordanie, en Israël, dans les Territoires palestiniens occupés et au Liban.