Décidément, même les morts ne peuvent pas reposer en paix en Palestine. Selon The New York Times, au moins six cimetières de la Bande de Ghaza ont été saccagés par des tanks et des bulldozers israéliens, détruisant des dizaines de sépultures.
Soixante-douzième (72e) jour de l’agression sioniste contre le peuple palestinien ce dimanche 17 décembre. Une nouvelle journée de deuil et d’horreur pour la population de Ghaza. «Au 72e jour de l’agression : des dizaines de chouhada et de blessés suite à des bombardements israéliens sur différentes régions de la Bande de Ghaza» titrait l’agence d’information palestinienne Wafa, faisant le décompte quotidien des atrocités commises aux quatre coins de l’enclave assiégée.
Ainsi, au moins 20 personnes ont été tuées hier dans un bombardement qui a ciblé plusieurs habitations de la vieille ville de Ghaza et le périmètre de l’hôpital baptiste et de la mosquée Al Omari, indique l’agence Wafa. Neuf Ghazaouis des familles Amarine et Hamouda, résidant à Haï Al Zaytoune, à l’est de la ville de Ghaza, ont été fauchés par des frappes d’artillerie couplées à des tirs de drones. Six autres personnes ont trouvé la mort dans un raid aérien qui a ciblé une maison à Haï Al Shujaiya.
Toujours dans la capitale de l’enclave palestinienne, cette fois à Haï Al Nasr et Cheikh Radhwan, les chars israéliens poursuivent leur incursion dans les deux quartiers, couverts par des tirs de drones et des tirs de missiles et d’obus d’artillerie. Cette incursion violente, affirme Wafa, s’est soldée par plusieurs morts dont le chiffre exact n’a pas été précisé, ainsi que de nombreux blessés.
Une partie des victimes «gisent encore dans la rue, les ambulances ayant été dans l’incapacité de les évacuer». Les familles des chouhada ont été obligées, selon Wafa, d’enterrer leurs morts «dans les cours des maisons ou dans le périmètre des habitations». Parmi les victimes, ont été dénombrés au moins «20 chouhada de la famille Salem après que sa maison constituée de quatre étages eut été détruite par un F-16».
Même les morts n’ont pas la paix
En évoquant la difficulté des Palestiniens à enterrer leurs morts et à faire leur deuil, il convient de signaler ces images choquantes partagées sur le réseau X (ex-Twitter) et donnant à voir des scènes de destruction du cimetière de Jabaliya par l’armée israélienne.
Ahmed Masoud, un écrivain d’origine palestinienne établi à Londres, a son propre père enterré au cimetière de Jabaliya, et dont la tombe, affirme-t-il, a été détruite par les tanks israéliens. Dans un post sur X, il a publié une photographie de la tombe de son père, feu Mahmoud Mohamed Masoud, mort le 23 février 2023.
On le voit, lui, Ahmed, se recueillant sur sa tombe il y a quelques mois. Et on voit ce qui est advenu de cette partie du cimetière à travers le reportage filmé d’un journaliste palestinien documentant cet acte innommable, soutenant que les Israéliens «ont démoli un grand nombre de sépultures». Cette partie du cimetière apparaît complètement rasée, et des traces de chenilles de bulldozer sont imprimées sur le sol aplati.
Commentant ces images, Ahmed Masoud écrit : «Même les morts à Ghaza ne peuvent échapper à la brutalité israélienne. C’est le cimetière du camp de Jabaliya où mon père a été enterré en février. Je suis allé lui rendre visite en mai. Les chars israéliens l’ont maintenant détruit et la tombe de mon père a disparu. Je ne pourrai plus lui rendre visite ni lui parler.»
The New York Times a enquêté sur le même sujet et a publié il y a quelques jours un article attestant de ces profanations systématiques sous le titre : «Satellite Imagery and Video Shows Some Gazan Cemeteries Razed by Israeli Forces» («Des images satellite et des vidéos montrent certains cimetières de Ghaza rasés par les forces israéliennes» ; https://www.nytimes.com/2023/12/14/world/middleeast/gaza-cemeteries-damage-israel.html).
D’après le quotidien américain, l’armée sioniste a saccagé au moins six cimetières, à Jabaliya, à Al Shujaiya, à Beit Hanoun, à Beit Lahia, à Cheikh Ijlin... «Les forces terrestres israéliennes ont endommagé ou détruit au moins six cimetières lors de leur avancée dans le nord de la Bande de Ghaza, la plupart au cours des dernières semaines, selon une analyse de nouvelles images satellite et séquences vidéo réalisée par le New York Times», écrit le journal américain.
«Dans le quartier Shujaiya de la ville de Ghaza où de violents combats ont fait rage ces derniers jours, poursuit l’article, les forces israéliennes ont rasé une partie du cimetière tunisien pour y installer une position militaire temporaire. Une image satellite prise dimanche montre des véhicules blindés et des fortifications en terre sur des tombes intactes quelques jours plus tôt.»
47 morts à Jabaliya et Deir al Balah
Revenons à notre triste décompte. A Jabaliya que nous citions tantôt, les habitants continuent à compter leurs morts. 24 personnes ont péri dans ce camp suite à des bombardements intensifs qui ont fait au moins 90 blessés, par ailleurs, d’après l’agence Wafa. Ces raids «ont ciblé la maison de la famille Chihab. Et il reste encore plusieurs victimes sous les décombres», souligne l’agence d’information palestinienne.
A Jabaliya toujours, 11 autres personnes de la famille Khella ont été tuées par une frappe aérienne.Au camp de Deir Al Balah, au centre de la Bande de Ghaza, une maison a été pulvérisée par l’aviation israélienne. Bilan : 12 morts et un grand nombre de blessés.
Une série de raids sur Khan Younès, précisément à Haï Al Amal, ont fait plusieurs morts. A Rafah, des frappes aériennes ont ciblé le camp de Youbna, causant des destructions massives.
En Cisjordanie, 5 Palestiniens ont été tués par des tirs de drones ce dimanche dans le camp de Nour Chams, à Tolkaram, d’après le ministère palestinien de la Santé.
L’armée israélienne a en outre déclaré le camp zone militaire fermée et y a poursuivi une campagne d’arrestations et de destruction tous azimuts. Le nombre de morts enregistrés à Tolkaram s’élève désormais à 51 depuis le 7 octobre, selon Wafa, portant à 297 le nombre total de victimes en Cisjordanie occupée. Catherine Colonna plaide pour une nouvelle trêve.
Et alors qu’un agent diplomatique français a été tué mercredi dernier dans un bombardement à Rafah, attaque que la France a «condamnée» en exigeant «que toute la lumière soit faite sur les circonstances de ce bombardement», la ministre française des Affaires étrangères, Catherine Colonna, était ce dimanche en Israël. Elle entamait une visite au Moyen-Orient où elle devait se rendre à Tel-Aviv, Ramallah et Beyrouth. La France est «préoccupée au plus haut point» par la situation à Ghaza, a déclaré Mme Colonna, avant d’appeler Israël à une «nouvelle trêve immédiate et durable». «Trop de civils sont tués» à Ghaza, a-t-elle martelé.
Même émotion exprimée par le pape François ce dimanche, déplorant la mort samedi de deux femmes, tuées par un sniper israélien à la paroisse de la Sainte-Famille, à Ghaza.
«Je continue à recevoir de Ghaza des nouvelles très graves et douloureuses. Des civils sans défense sont la cible de bombardements et tirs. Une mère et sa fille (...) ont été tuées et d’autres personnes blessées par des tirs de snipers. Cela s’est produit même à l’intérieur de la paroisse de la Sainte-Famille où il n’y a pas de terroristes mais des familles, des enfants, des personnes malades ou handicapées», a dénoncé le Pape à l’issue de la prière de l’Angélus ce dimanche.