Alors que l'armée décide de transférer les détenus de Ste Teiman : Ces prisons mouroirs qui détruisent les détenus palestiniens

27/03/2025 mis à jour: 10:43
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Prisonnier palestinien à sa sortie des geôles de l'Etat hébreu - Photo : D. R.

Mauvais traitements, tortures, privation de nourriture et de visites d’avocats, de soins et isolement sont les abus les plus infligés aux détenus palestiniens dans les prisons israéliennes.

Souvent détenus sans procès, coupés du monde extérieur, privés de soins et de douche, les prisonniers palestiniens vivent l’enfer dans les centres de détention. Certains sont des loques humaines à leur sortie de prison et malheureusement d’autres y laissent leur vie.

C’est le cas de cet adolescent de 17 ans, Walid Khaled Abdoullah Ahmed, originaire de Silwad, à l’est de Ramallah, arrêté le 30 septembre 2024, et décédé dimanche dernier, à la prison de Megiddo, dans le nord d’Israël. Selon le Club des prisonniers palestiniens, une ONG palestinienne de défense des droits des détenus, il est devenu le 63e prisonnier à mourir en détention dans la prison israélienne, depuis le 7 octobre 2023.

Devenus de véritables mouroirs, certains de ces centres ont fait l’objet de nombreux rapports alarmants d’ONG et d’organismes onusiens de défense des droits de l’homme, où la torture, la maltraitance et les maladies constituent le lot quotidien des détenus palestiniens. L’un des exemples le plus frappant, est la base militaire de Sde Teiman, transformée en centre de détention clandestin, situé dans le désert du Néguev, au sud d’Israël, où ils font systématiquement l’objet de viols, d’abus, de torture et d’autres traitements inhumains.

Il aura fallu la diffusion, l’été 2024, d’une vidéo montrant  un groupe de soldats israéliens en train de violer un détenu palestinien et des plaintes d’Ong israéliennes et palestiniennes, pour que l’Etat hébreu annonce une enquête et l’audition de neuf soldats sur ces graves violations aux droits humains, libérés quelques mois plus tard,  alors que les  abus commis dans ces camps,  sont extrêmement graves, ont indiqué des ONG israéliennes de défense des droits de l’homme en se basant sur les témoignages de dizaines de détenus et anciens détenus ayant fait l’objet d’une plainte devant la justice.

A la suite d’une requête déposée par cinq organisation de défense des droits de l’homme, pour la fermeture de la prison Sde Teiman, les plaignants ont  expliqué que  dans ce centre de détention pour les «combattants illégaux» présumés de Ghaza,  plus de 1000 personnes y seraient enfermées dans des conditions quasi infernales, sans lits ni autres installations.

Les témoignages ont révélé une réalité extrêmement dure, notamment des coups et des sévices, des interventions chirurgicales sans anesthésie, le maintien des détenus pendant des jours dans des positions douloureuses, le maintien des détenus menottés et les yeux bandés 24 heures sur 24, parfois avec une telle violence que cela a entraîné des amputations, le fait de bander les yeux des détenus même lorsqu’ils se soulagent ou reçoivent des soins médicaux, et le maintien de certains détenus en couches.  La Cour suprême a rendu son arrêt en septembre dernier, dans lequel elle fait injonction pour «une amélioration des conditions de détention».

Mardi dernier, des centaines de prisonniers palestiniens ont été transférés vers des camps récemment ouverts. Une décision sévèrement critiquée par les ONG qui affirment «qu’au lieu de corriger les abus présumés contre les Palestiniens détenus sans inculpation ni procès - y compris les coups, le menottage excessif et une alimentation et des soins de santé médiocres,  l’armée israélienne a simplement déplacé l’endroit où ils se produisent», a écrit l’agence américaine, AP (Associated press).

«Ce que nous avons vu, c'est l'érosion des normes fondamentales pour une détention humaine», a déclaré Jessica Montell, directrice de Hamoked, l'un des groupes de défense des droits humains qui ont adressé une pétition au gouvernement israélien. Dans le rapport de Hamoked, le site était «destiné à accueillir et soigner temporairement les militants arrêtés lors de l’attaque du Hamas contre Israël le 7 octobre 2023.

Mais il s’est transformé en un centre de détention de longue durée, tristement célèbre pour les brutalités infligées aux Palestiniens arrêtés à Ghaza, souvent sans inculpation». Selon l’ONG, les détenus transférés vers les prisons  d’Ofer et d’Anatot affirment que leurs «conditions de détention n’y sont pas meilleures, et ce,  selon plus de 30 personnes interrogées par les avocats de Hamoked et de Médecins pour les droits de l’homme-Israël».

Après l’ordre d’injonction faite par la Cour suprême, pour «améliorer» le traitement à Sde Teiman, au plus tard,  la fin du mois en cours, l’armée a annoncé en juin dernier qu’elle transférait des centaines de détenus, dont 500 envoyés à Ofer, construit sur un terrain vague non loin d’une prison civile qui porte le même nom et où les conditions de détention sont aussi infernales qu’à Sde Teiman.  «En vertu de la loi israélienne en vigueur en temps de guerre, l’armée peut détenir les Palestiniens de Ghaza pendant 45 jours, sans accès au monde extérieur.

En pratique, beaucoup restent bien plus longtemps», a expliqué l’ONG Hamoked. Les témoignages glaçants sur les mauvais traitements des détenus palestiniens sont également repris dans un rapport de 23 pages, élaboré par le bureau onusien des droits de l’homme, dans lequel il est indiqué que «des milliers de Palestiniens détenus on été en grande partie soumis dans certains cas, à un traitement pouvant s’apparenter à de la torture y compris des abus sexuels sur des femmes et des hommes».

«Violation flagrante du droit humanitaire»

Publié il y a quelques mois, ce rapport a souligné que depuis les attaques du 7 octobre 2023,  «des milliers de Palestiniens, dont des médecins, des journalistes, des activistes, des malades, des habitants et des combattants ont été arrêtés et  emmenés de Ghaza vers  Israël,  en général menottés et les yeux bandés  et des milliers d’autres emprisonnés en Cisjordanie occupée et en Israël au secret, sans qu’on leur donne les raisons de leur détention».

Fruit d’une enquête, le document décrit  les pénibles conditions de détention dans des «centres militaires ressemblant à des cages, où les détenus ne portaient souvent rien d’autre que des couches pendant de longues périodes». Les témoignages font état de «bandages prolongés sur les yeux, de privation de nourriture, de sommeil et d’eau, de chocs électriques et de brûlures de cigarettes.

Certains détenus ont déclaré que des chiens avaient été lâchés sur eux, d’autres qu’ils avaient été soumis à la torture par l’eau, ou que leurs mains avaient été attachées et qu’ils avaient été suspendus au plafond». Pour les auteurs de ce rapport, au moins 53 détenus palestiniens sont morts dans des installations militaires et des prisons israéliennes depuis le 7 octobre.

«Les témoignages recueillis par mon bureau et d’autres entités font état d’une série d’actes épouvantables, tels que la simulation de noyade (waterboarding) et le lâcher de chiens sur des détenus, entre autres, en violation flagrante du droit international des droits de l’homme et du droit international humanitaire», a déclaré dans un communiqué le chef des droits de l’homme de l’ONU, Volker Türk, à l’occasion de la publication du rapport remis au secrétaire général de l’Onu.

Le rapport de son bureau a révélé, également, que les forces de sécurité israéliennes  «auraient commis des actes de violence sexuelle et sexiste à l’encontre d’hommes et de femmes détenus à Ghaza et en Cisjordanie, y compris à Al Qods (Jérusalem-Est). Il s’agit notamment de nudité forcée, de coups portés alors qu’ils étaient nus, y compris sur les parties génitales, de l’électrocution des parties génitales et de l’anus, de fouilles à nu humiliantes et répétées, ainsi que d’attouchements inappropriés sur des femmes par des soldats masculins et féminins».

Le Haut-Commissariat  de l’Onu  aux droits de l’homme (HCDH)  a déclaré avoir reçu aussi,  des informations «concordantes» selon lesquelles «le personnel des forces armées israéliennes insérait des objets dans l’anus des détenus» et précisé que  les conditions «dans les centres de détention gérés par l’armée semblent pires», avant de souligner que des enfants figuraient parmi les détenus, et dans certains cas avec des adultes. Selon l’ONU, Israël «n’a pas non plus fourni d’informations sur le sort ou le lieu de détention de nombreuses personnes, et le Comité international de la Croix-Rouge s’est vu refuser l’accès aux installations où elles sont détenues». 

Selon l’ONG Hamoked, jusqu’au 4 mars 2025, et selon les données obtenues auprès des autorités pénitentiaires israéliennes, le nombre total des détenus palestiniens, depuis le 7 octobre 2023, est de 9406, parmi lesquels 3405 détenus administratifs, 2960 détenus de sécurité, 1086 prisonniers de sécurité et 1555 «combattants illégaux».

Jusqu’à 700 enfants palestiniens poursuivis

Dans un communiqué rendu public hier, le Club du prisonnier a affirmé que selon  les déclarations des détenus libérés et des avocats, «des problèmes de santé graves avaient prolongé la détention à la prison de Megiddo, où sont détenus également des enfants, y compris le martyr Walid Ahmed, qui a été martyrisé à la suite d’un crime médical, parmi des centaines d’enfants détenus et déployés dans trois prisons centrales, dont Megiddo, ainsi qu’Ofer et Damon, où ils font face aux mêmes conditions». Selon l’ONG Palestinienne de défense des détenus,  «les jeunes, récemment libérés de la prison de Megiddo, ont confirmé que la majorité des enfants avaient des problèmes de santé et faisaient face à des conditions de détention difficiles et tragiques».

Pour le Club, «le système de détention prive délibérément les détenus, y compris les enfants et les femmes, des facteurs qui peuvent aider à réduire la propagation de la maladie, notamment (qualité de la nourriture, arrêter le crime de la famine, fournir des vêtements et des articles de toilette personnels, et suffisamment d’exposition à la lumière et à la ventilation), car  ils sont totalement inexistants dans la propagation des maladies».

«Chaque année, environ 500 à 700 enfants palestiniens, dont certains n›ont que 12 ans, sont détenus et poursuivis par le système judiciaire militaire israélien» , a, quant à lui, affirmé  l’ONG Defense for Children Palestine (DCI-Palestine), dans un rapport, datant de juin 2024 et,  a t-elle ajouté,  «l’accusation la plus courante est d’avoir jeté des pierres».

Les prisons israéliennes sont devenues des centres de tortures dont les Palestiniens n’en sortent soit dans le cercueil soit en loques humaines, ravagées par les séquelles d’un traitement épouvantable, les maladies et la sous-alimentation, comme l’étaient de nombreux prisonniers libérés dans le cadre de l’accord de cessez-le-feu à Ghaza. S. T.

 

 

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