Alors que la classe politique et les rebelles de l’Azawad appellent au dialogue : Dangereuse recrudescence des attaques terroristes au nord du Mali

02/10/2023 mis à jour: 07:15
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Photo : D. R.

Alors que la situation sécuritaire se dégrade dangereusement dans le Nord malien, Bamako persiste à ignorer les appels à la reprise du dialogue de la classe politique malienne et de nombreux groupes rebelles signataires de l’Accord d’Alger.

La dernière semaine du mois de septembre 2023 a été sanglante pour les forces armées maliennes, au nord du Mali. Après les attaques au centre du pays, contre les camps militaires de Dioura, à Mopti, et d’Acharane, qui ont fait des dizaines de morts dans les rangs des forces armées, hier matin, Bamako a annoncé des «combats intenses» à Bamba dans la région de Gao, assiégée depuis plusieurs semaines par les terroristes d’Al Qaida. Le communiqué de l’Armée malienne ne fait pas mention du blocus imposé par les hordes de Daesh à Ménaka, ni à l’attaque avec des obus qui a ciblé la ville de Ménaka.

Durant les deux dernières semaines du mois écoulé, près d’une centaine de militaires ont été tués dans des attaques ou des batailles, tantôt avec Al Qaida et Daesh , tantôt avec les rebelles armés de l’Azawad, dont une bonne partie revendique le retour au dialogue. Une revendication qui a pour objectif de faire appliquer l’Accord d’Alger et isoler, en même temps, les organisations terroristes qui ont profité du retrait des troupes de la Minusma (Mission des Nations unies pour la stabilité du Mali), pour faire du nord du pays et du centre leur bastion.

Pendant ce temps, plus de 3000 Casques bleus de la Minusma ont déjà plié bagage alors que le reste du contingent de cette force onusienne devra quitter le pays avant la fin de l’année en cours, à la demande des putschistes qui, depuis leur coup d’Etat, ont perdu le contrôle du nord du pays, à partir de Tombouctou. Le Mali a peu de moyens pour chasser les groupes terroristes de son territoire et surtout de faire face à une rébellion jusque-là limitée à quelques groupes de mouvements rebelles de l’Azawad. Son nouvel allié, le groupe Wagner, s’est embourbé dans une vaste étendue de désert.

Le Burkina Faso et le Niger peinent également à faire face à l’offensive d’Al Qaida et de Daesh contre leurs soldats. Attaque qui a fait une cinquantaine de morts en quelques jours. Certains mouvements rebelles de l’Azawad regroupés au sein du CSP (Cadre stratégique permanent) qui compte parmi ses membres des éléments de la CMA (Coordination des mouvements de l’Azawad) a annoncé avoir comptabilisé 98 corps de soldats maliens lors de l’attaque de Dioura, une région située totalement au sud du périmètre d’évolution de la CMA.

Dans ses communiqués, l’Armée malienne affirme avoir «repoussé des attaques importantes et complexes» alors que les rebelles touareg et les groupes terroristes évoquent «des attentats» et de «lourdes pertes» parmi les soldats. Pendant que la guerre fait rage, des appels au retour à la table des négociations sont lancés aussi bien par des groupes de rebelles signataires (en 2015) de l’Accord d’Alger, que par une grande partie de la classe politique malienne.

Ainsi, la plateforme des mouvements du 14 juin 2014 d’Alger, connue sous le nom de Plateforme, déclaré dans un communiqué n’être «nullement engagée dans la confrontation armée en cours ou à venir avec l’Etat du Mali», après avoir condamné les attaques armées et exprimé son soutien «sans faille» au gouvernement. La Plateforme constituait avec la CMA les principaux acteurs de la rébellion armée de 2012 composée de plusieurs groupes proches de Bamako qui avaient signé, avec la CMA, l’Accord d’Alger.

Des appels au dialogue pour sauver l’accord d’Alger

Les deux groupes ont constitué, en 2021, le «Cadre stratégique permanent», censé mettre en œuvre l’Accord d’Alger. Depuis le début de la reprise des armes, les responsables de la CMA n’ont pas cessé de qualifier leurs actions de «légitime de défense» contre l’armée malienne. Ils ont dénoncé «l’occupation» des terrains par les militaires qu’ils qualifient «en violation avec les accords d’Alger. Pour eux, l’armée malienne a rompu ses engagements et violé les dispositions de l’accord qu’elle a signé». Ils ont appelé eux aussi au retour à la négociation et, surtout, à l’application de ce dernier.

De ce fait, ils ont assuré dans certains cas la reprise des armes contre les forces maliennes. Dans un communiqué rendu public la semaine écoulée, la Plateforme a elle aussi appelé à l’exécution de cet accord, tout en annonçant son retrait du «Cadre stratégique permanent». D’autres groupes du CSP ont également exprimé leur opposition à l’action armée et plaidé pour le dialogue. A Bamako, et après la recrudescence des attaques armées, une trentaine de partis politiques ont lancé, la semaine écoulée, un «Appel pour la Paix et la Stabilité du Mali» et exhorté les putschistes à privilégier «le dialogue avec les acteurs du processus de paix».

L’appel a été signé par une «Plate-forme» de 27 partis politiques (liste encore ouverte), à l’initiative l’URD (Union pour la République et la Démocratie). Les signataires ont dénoncé «les attaques récurrentes et barbares», notamment celles menées contre le bateau Tombouctou, les positions des forces maliennes à Bamba, Bourem et contre l’aéroport de Tombouctou. Ils ont appelé «la classe politique malienne et la société civile à s’unir autour des autorités de la Transition afin de relever les défis», «invité le gouvernement et les forces armées maliennes à assurer la protection des populations et leurs biens et fait appel à la responsabilité de la médiation internationale à obliger les mouvements signataires de l’accord à revenir à la table des négociations avec le gouvernement».

A travers ce plaidoyer pour un dialogue qui sauvera la paix arrachée en 2015, les 27 partis politiques de différentes obédiences politiques ont exprimé leurs inquiétudes mais surtout tenté de sauver la paix, tant rêvée par les populations du nord du pays. Relayé par la presse malienne, le Parena (Parti pour la renaissance nationale) a «exhorté les autorités de transition à favoriser l’union nationale» et «nos frères de la CMA et autres belligérants à revenir à la table des négociations».

Pour RPM (Rassemblement pour le Mali), «tout doit se régler dans le respect de la paix» alors que l’ADEMA (Alliance pour la démocratie au Mali,  (Adema), le doyen des partis politiques maliens, a lancé un appel «à nos frères de la CMA et autres belligérants à revenir à la table des négociations».

Des appels restés pour l’instant sans réponse, en raison de la détermination d’une partie de la junte militaire à mener une guerre sans merci, pour «étendre la souveraineté du Mali, sur les territoires du Nord» et à qualifier tous les belligérants, y compris les signataires de l’Accord d’Alger, «de terroristes». Ayant déjà fait l’expérience de la rébellion en 2012 et animés d’un sentiment de revanche, certains colonels sont les plus sourds aux appels à la sauvegarde de la paix et font barrage à toute initiative de retour à la table des négociations avec les rebelles de l’Azawad.

Aujourd’hui, plus que jamais, le Mali a besoin de toutes ses forces vives, pour faire face aux groupes terroristes qui veulent «afghaniser» le nord du pays et en faire la capitale du terrorisme islamiste. Une menace qui risque d’emporter tous les pays limitrophes, mais aussi tous les pays sahélo-sahariens, lourdement affectés par la paupérisation, l’exode des populations, les guerres et les conflits armés.


 

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