Alors que Berlin comparait demain devant la CIJ pour complicité de génocide : Les fournisseurs d’armes d’Israël dans le viseur

07/04/2024 mis à jour: 06:56
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Photo : D. R.

Le camp des alliés d’Israël se fragilise de plus en plus, en raison de la guerre génocidaire menée à Ghaza, notamment depuis l’assassinat des sept humanitaires, dont quatre étrangers, de l’Ong  WCK (World Central Kitchen), par des raids sionistes ainsi que l’adoption par le Conseil des droits de l’homme de l’Onu, d’une résolution pour un blocus sur les armes destinées à Israël.

L’aggravation de la situation à Ghaza affecte de plus en plus les alliés de l’Etat hébreu, dont une partie a suspendu ses exportations d’armement vers Tel-Aviv, à l’image de l’Espagne, la Belgique, le Canada... et d’autres, comme  les Etats-Unis, l’Allemagne, le Royaume-Uni et la France font face à une forte contestation interne, qui exige des gouvernements à arrêter tout transfert d’armes à Israël, en raison des actes génocidaires commis par l’armée d’occupation à Ghaza.

Cette fin de semaine a été marquée, faut-il le préciser, par deux faits qui ont accéléré les événements. D’abord l’assassinat des sept volontaires, dont deux Britanniques, un Polonais et un Australien, travaillant pour l’ONG WCK qui assure des repas à la population de Ghaza, ainsi que l’adoption d’une résolution, vendredi dernier, par le Conseil des droits de l’homme de l’Onu, appelant à un blocus sur les armes destinées à l’Etat hébreu, et ce, après avoir exigé que ce dernier soit «tenu pour responsable» de «toutes les violations du droit international humanitaire et des droits de l’homme» que son armée a commis  depuis le début de la guerre.

Par cette dernière résolution, le Conseil a  dénoncé les «crimes de guerre et crimes contre l’humanité» commis par l’armée israélienne en territoire occupé, y compris à Jérusalem-Est, et en même temps fait monter la pression sur les Etats qui fournissent l’armement à la puissance occupante, afin qu’ils cessent de le faire.

Parmi les principaux pays qui arment Israël, les Etats-Unis occupent la première place, avec 69% et ont voté contre le blocus des armes vers Israël, ainsi que contre les deux autres résolutions du Conseil des droits de l’homme. Mais le bilan élevé des victimes civiles a Ghaza a suscité un mécontentement grandissant au sein de l’opinion publique américaine, exprimé lors d’imposantes marches de protection à travers de nombreux Etats et fait basculer les sondages.

La majorité des jeunes Américains qui étaient pour la riposte israélienne, après l’attaque du 7 octobre, se sont exprimé en faveur de la Palestine, dès le mois de mars dernier, selon des sondages américains en raison du caractère génocidaire de la guerre menée par l’Etat hébreu à Ghaza.

Des membres du Congrès réclament l’arrêt du transfert d’armes

Cela n’a, cependant,  pas empêché l’administration démocrate de donner  son accord  pour le transfert, fin mars dernier, 3,3 milliards de dollars de bombes et d’avions de combat à Israël.

Toutefois, l’assassinat des sept humanitaires mardi dernier, dont un citoyen américain, deux britanniques et un polonais, parmi lesquels deux ont la double nationalité américaine et canadienne, a changé la donne.

Vendredi dernier, plus d’une trentaine de législateurs démocrates, dont l’ancienne présidente Nancy Pelosi, qui,  il y a quelques semaines, qualifiait les défenseurs de la Palestine «d’agents de Russie et de Chine», ont demandé, dans une lettre publiée par les médias locaux, «la suspension» de livraisons d’armes à Tel-Aviv, à la suite de l’attaque contre le convoi humanitaire.

«A la lumière de cet incident, nous vous demandons instamment de reconsidérer votre décision récente d’autoriser le transfert d’un nouveau lot d’armes à Israël, et de retenir ce transfert ainsi que tout transfert futur d’armes offensives jusqu’à ce qu’une enquête complète sur la frappe aérienne soit achevée.

Nous vous demandons également de retenir ces transferts, si Israël ne parvient pas à atténuer suffisamment les dommages causés aux civils innocents à Ghaza, y compris aux travailleurs humanitaires, et s’il échoue à faciliter – ou à refuser arbitrairement ou à restreindre –  le transport et la livraison d’aide humanitaire à Ghaza», ont écrit les membres du Congrès au président Biden, en précisant que si cette attaque n’a pas été commise intentionnellement, comme l’affirme Israël, «c’est une erreur choquante et inacceptable».

Les signataires de la lettre ont, par ailleurs, demandé à l’administration américaine de «mener une enquête approfondie sur cette frappe aérienne».

Un autre allié indéfectible d’Israël est le Royaume-Uni, dont l’opinion publique a toutefois exprimé son soutien à la Palestine à travers d’imposantes marches populaires à plusieurs reprises. Il a suffi que sept humanitaires parmi lesquels deux Britanniques soient tués pour qu’une pression politique énorme s’exerce sur le Premier ministre britannique Rishi Sunak.

Le 4 avril dernier,  de nombreux fonctionnaires chargés de superviser les exportations d’armes vers Israël ont demandé  «l’arrêt des ventes» d’armes à Israël,  en raison de leur inquiétude «d’être considérés comme complices des crimes de guerre commis à Ghaza s’il s’avérait qu’Israël viole le droit international».

Selon la chaîne Sky News, dans une correspondance qu’elle dit avoir lue, le PCS  (Syndicat des services publics et commerciaux), qui représente les fonctionnaires, a demandé «une réunion urgente avec le ministère pour discuter du risque juridique auquel sont confrontés les fonctionnaires qui continuent de travailler sur cette politique».

Dans cette lettre envoyée mercredi dernier, a ajouté la chaîne, le PCS a affirmé qu’il envisageait une action en justice contre le gouvernement avant d’expliquer : «Compte tenu des implications pour nos membres, nous pensons qu’il existe de nombreuses raisons de suspendre immédiatement tous ces travaux.

Nous vous demandons donc de nous rencontrer d’urgence pour discuter de cette question et cesser immédiatement les travaux. Il est entendu que les membres ont demandé à leurs employeurs de cesser de leur confier des tâches liées aux licences d’exportation vers Israël, ainsi que d’autres tâches pouvant être liées à la guerre israélienne contre Ghaza.»

Les mises en  garde de 600 avocats britanniques

La lettre en question, a indiqué la source, «montre que le syndicat demande aux ministres des conseils juridiques sur l’armement d’Israël depuis janvier, lorsqu’une décision préliminaire de la Cour internationale de justice (CIJ) a estimé que les actes d’Israël à Ghaza pourraient constituer un génocide».

Dans une réponse au syndicat datée du 13 mars, il est indiqué qu’«il est très peu probable que la question de la responsabilité pénale des fonctionnaires se pose». Cependant, le ministère a déclaré qu’il ne pouvait pas partager les conseils juridiques qu’il reçoit car ils sont «confidentiels».

Interrogé par le média, Paul O’Connor, responsable des négociations chez PCS, a déclaré que «le syndicat était d’accord avec la CIJ et estimait que le gouvernement britannique a l’obligation de faire tout ce qui est en son pouvoir pour mettre fin à l’assaut.

Comme il ne semble pas disposé à le faire, nous envisageons sérieusement d’engager des poursuites judiciaires pour empêcher que nos membres ne soient contraints de commettre des actes illégaux. Nous ne prenons pas de tels cas à la légère et nous le faisons uniquement lorsque nous avons des perspectives raisonnables de gagner».

Selon la chaîne, le député travailliste John McDonnell, membre fondateur du groupe syndical PCS au Parlement, a déclaré que suivre les instructions d’un gouvernement ne constitue pas une défense lorsqu’il s’agit d’accusations de crimes de guerre, et que les ministres doivent «être honnêtes» avec les conseils juridiques qu’ils reçoivent.

En plus de la lettre du Syndicat, une autre pétition signée par 600 avocats, dont d’anciens juges de la Cour suprême, ont averti le Premier ministre que le Royaume-Uni, qui accorde des licences d’exportation aux entreprises britanniques pour vendre des armes, qu’il  violait le droit international en continuant à armer Israël.

Selon la presse locale, des pressions ont été exercées au sein du Parti conservateur, mais aussi parmi les libéraux-démocrates et des dizaines de députés travaillistes. Deuxième fournisseur d’armements d’Israël, avec 30% des exportations,  l’Allemagne a voté contre l’embargo sur les armes vers Tel-Aviv,  affrontera demain, à l’audience de la CIJ,  le Nicaragua qui l’a poursuivie pour complicité de génocide à Ghaza.

Au mois de novembre dernier, ses exportations ont atteint 326 millions de dollars, soit 10 fois plus qu’en 2022. La plupart de ces ventes ont été autorisées après le 7 octobre.

Les décisions de la CIJ contre Israël et la plainte nicaraguayenne ont poussé la ministre des Affaires étrangères,  à annoncer, il y a une semaine, le déplacement d’une délégation à Tel-Aviv parce que son pays «est obligé de rappeler à toutes les parties leur devoir de respecter le droit humanitaire».

Le nouveau parti d’extrême gauche BSW, de Sahra Wagenknecht, a multiplié les prises de position contre les livraisons d’armes à l’Etat hébreu et s’est engagé  à inscrire  sa demande à l’agenda du Parlement la semaine prochaine, en critiquant sévèrement le soutien de Berlin à Israël.

«La raison d’État allemande - s’engager pour la sécurité d’Israël - doit aussi signifier, en cas de doute, rappeler à l’ordre un gouvernement israélien incontrôlable», affirmait, il y a quelques jours, le parti.

Devant une opinion publique de plus en plus opposée à la guerre, avec  17% seulement selon les sondages,  contre plus de 50% au mois d’octobre dernier, le gouvernement s’est retrouvé pris en étau entre la contestation populaire grandissante et la pression de l’opposition,  mais aussi de la plainte du Nicaragua.

La France figure, elle aussi,  parmi les fournisseurs d’armes à Israël, dont l’armée compte des centaines de binationaux.

Dans une lettre adressée vendredi dernier au président Macron, 115 parlementaires ont alerté sur la barre symbolique des 33 000 morts et 13 750 enfants tués à Ghaza, et demandent l’arrêt immédiat des ventes d’armes de la France à Israël.

«Nous considérons que la France est en contradiction avec les traités internationaux qu’elle a signés en continuant de fournir du matériel militaire à Israël», ont écrit les signataires, en citant en particulier les ventes de munitions de  l’usine Eurolinks de Marseille à destination d’une entreprise fournissant l’armée israélienne. 

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