Rendu public, le programme de la visite du président Tebboune en France comportera, en substance, un discours à l’Assemblée nationale française, un hommage à l’Emir Abdelkader et une rencontre avec des hommes d’affaires et industriels français.
Le déplacement, dont le report a été annoné hier par les médias français, embrassera donc les trois volets que sont la politique, l’histoire et l’économie, avec l’ambition, affichée des deux côtés, d’une révision en profondeur de la relation entre les deux pays.
Celle-ci n’a jamais été un long fleuve tranquille, avec régulièrement des crises profondes, dont la plus grave remonte à la décennie 1990, lorsque Paris, sous-estimant le danger structurel du fondamentalisme religieux, avait cautionné les dérives de l’ex-FIS, ne se ravisant que lorsque le terrorisme frappa sur son propre sol.
Les relations depuis ont connu un certain apaisement mais ponctué de crises assez sérieuses, la toute dernière liée à ce que l'on appelle «l’affaire Amira Bouraoui», militante condamnée par la justice algérienne exfiltrée de Tunis par Paris, ce qui a poussé Alger à rappeler son ambassadeur.
Après une grande polémique dans les deux pays, le président Macron finit par déclarer «qu’il y a beaucoup de gens qui ont intérêt à ce que l’on fait depuis des années maintenant avec l’Algérie ne réussisse pas», ajoutant «qu’on a fait un gros travail sur les plans économique et militaire», citant la visite du général d’armée Saïd Chanegriha, en janvier en France.
Le chef de l’Etat français a aussi évoqué la question de la mobilité et des visas avec l’Algérie, affirmant qu’il a confié au ministre de l’Europe et des Affaires étrangères la mission d'établir une politique claire de lutte contre l’immigration clandestine sans qu’il y ait un impact sur les étudiants, les artistes et le rapprochement entre les familles.
Pour rappel, le président français avait effectué, en août dernier, une visite de trois jours en Algérie, se traduisant par la signature d'un accord de «partenariat renouvelé entre l'Algérie et la France». Un sommet de très haut niveau a réuni à Alger les Présidents et les services de sécurité des deux pays, et cela pour la première fois depuis l'indépendance de l'Algérie, en 1962.
Lors de la visite prochaine en France du président Tebboune, est programmée une cérémonie de recueillement sur les sépultures des membres de la suite de l'Emir Abdelkader, héros de la résistance à la colonisation française, enterrés à Amboise où il a été détenu avec toute sa famille de 1842 à 1848. Pour Macron, ce sera «un très beau et très fort moment, cela fera sens dans l'histoire du peuple algérien.
Pour le peuple français, ce sera l'occasion de comprendre des réalités souvent cachées». Bien avant, il avait estimé que la colonisation française est «un crime contre l’humanité, une barbarie» et avait rendu hommage aux victimes de la répression par la police française de la marche pacifique des Algériens à Paris en Octobre 1961.
Il a aussi reconnu l’assassinat de l’avocat et militant Ali Boumendjel par les autorités françaises de l’époque. Mais quelque temps après, dans une interview au journal Le Point, il avait estimé qu'il «n’a pas à demander pardon» après avoir émis des doutes sur «l’existence d’une nation algérienne construite», à ses yeux, sur «une rente mémorielle», ce qui avait suscité à ce moment-là une autre crise diplomatique entre Alger et Paris.
Toujours en matière d’histoire, le fameux rapport de l’historien Benjamin Stora a été jugé incomplet par l’Algérie et la relève a été prise depuis par une commission d’historiens français et algériens dont on attend la copie.
Enfin, durant ses entretiens en France, le président Tebboune ne manquera pas d’insister sur la position de neutralité de l’Algérie dans le conflit opposant la Russie à l’Ukraine, tout en relevant l’ambiguïté de la position française sur la question de la décolonisation du Sahara occidental, attitude qui ne favorise pas le dénouement juste du conflit.
Dans son discours à l’Assemblée nationale, autre moment fort de la visite, il aura à transmettre au peuple français et à ses élus le message d’une Algérie tournée vers l’avenir mais qui ne peut oublier son passé douloureux.
Elle attend de l’ex-puissance colonisatrice un pardon salvateur, qui ouvrira la voie à une relation définitivement apaisée sur laquelle ne pèsera plus le fardeau de la colonisation. Elle tirera profit de l’exceptionnelle densité des relations humaines entre les deux peuples, de la richesse culturelle qu' ils ont produite tout au long de l’histoire et, enfin, des possibilités d’essor et d’intégration économique sans limite entre les deux pays.