Ahmed-Karim Labeche. auteur de la série monographique sur le Fahs algérois : «L’écriture sur l’histoire des villes est une aventure qui me passionne»

30/04/2023 mis à jour: 08:52
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Après avoir obtenu son certificat d’aptitude à la profession d’avocat à la faculté de droit de Ben Aknoun, Ahmed-Karim Labeche fit une carrière dans la fonction publique, sous la tutelle du ministère des Finances, au grade d’inspecteur central des impôts. Cela ne l’a pas empêché de donner corps à ce qui lui tenait à cœur depuis sa prime jeunesse. 

En effet, son avidité insatiable de découvertes et sa passion pour l’histoire ont été les éléments déclencheurs dans la mise en œuvre de son projet de recherche et d’écriture qui s’est traduit ces dernières années par la publication – en auto-édition – d’une série d’ouvrages monographique consacrés aux villes de l’ancien fahs algérois ainsi que le Sahel algérois. Il a aussi nombre de corpus historiques qui, faute d’éditeur, n’ont pas fait l’objet de publication, à l’instar de ceux intitulés Villages-relais de l’époque ottomane ou Balades entre Outane el Fahs et Outane Ben khelil. Pour autant, l’auteur ne baisse pas les bras et semble bien décidé à poursuivre cette belle aventure qui bouillonne en lui. Suivons-le.

 

Propos recueillis par  Farouk Baba-Hadji

 

 

-Vous êtes l’auteur d’une  série d’ouvrages monographiques sur les villes du Sahel algérois. Qu’est-ce qui vous a motivé à faire ce travail qui exige  une certaine rigueur dans la recherche ?
 

L’envie de satisfaire une curiosité électrique et de partager ma passion pour le passé historique et le patrimoine de l’ancien fahs algérois où j’ai toujours vécu sont les principaux éléments déclencheurs qui m’ont motivé à me lancer dans ce projet de recherche en histoire. Il faut avouer que depuis que j’avais appris à l’école l’existence d’une bataille qui avait lieu à Staouéli, le 19 juin 1830, entre l’armée du dey d’Alger et les troupes royales françaises, mon avidité et ma curiosité n’avaient eu de cesse de me pousser pour étancher ma soif de connaître plus. Lorsque j’avais enfin atteint un âge qui me permettais d’aller voir le lieu, théâtre de ladite bataille, j’ai commencé par le faire sans se poser trop de questions, et à partir de cet instant, je ne fais que ça, me balader dans les moindres recoins du Sahel algérois, à la recherche du moindre indice laissé par nos ancêtres ou indiquant la présence autrefois d’une civilisation ancienne. J’éprouve, lorsque je tombe sur une trace ou un vestige d’un palais mauresque par exemple, ou une villa romaine, le bonheur que peut ressentir un chercheur d’or qui découvre une pépite.

-Cela n’a pas été une sinécure pour vous de réunir cette somme d’informations…

Oui, c’est un travail de longue haleine qui a nécessité énormément de temps de recherche au niveau des archives, mais surtout d’enquêtes de voisinage menées au contact des populations de la banlieue d’Alger. Mon parcours a souvent été jalonné de difficultés liées davantage à la carence de la documentation, notamment celle relative à la période ottomane.

-Hormis Daniel Berbrugger et Georges Marçais, quelles étaient vos sources bibliographiques ?

Les sources de références bibliographiques sont très variées, je pourrai citer entres autres les archives nationales de Birkhadem, les fonds documentaires détenus au niveau de la Bibliothèque nationale, le Centre des arts et de la culture (Bastion 23, ndlr), la bibliothèque diocésaine d’El Biar. J’ai fureté des quotidiens de l’époque coloniale, j’ai dû aussi télécharger des ouvrages et des revues dans des sites spécialisés sur internet. La lecture faite à partir de photos, cartes postales anciennes, cartes géographiques et plans m’a aussi aidé à me rapprocher d’une interprétation intelligible. A ce titre, je n’omets pas de citer le nom d’Henri Klein qui a réalisé un travail de titan, consacré à l’étude du passé historique d’Alger.

-Il y a quand même une confrontation sur l’origine de certaines appellations de villes ou lieux, dont la toponymie, prête parfois à controverse, comme Bouzaréah ou Bab Azzoun, des dénominations qui remontent à l’époque coloniale. Comment  l’expliquez-vous ?

Il s’agit en fait d’interprétations qui sont dues soit à des tentatives douteuses ou fantaisistes émanant de certains individus, soit à la méconnaissance du dialecte local des historiens du temps coloniale qui ont déformé un certain nombre de toponymes originels, ou à cause de la tradition populaire, laquelle est très souvent erronée. J’ai effectué dans ce domaine, en m’appuyant sur des sources documentaires, une sorte de normalisation de la toponymie dans le but de redonner le sens authentique à certaines dénominations de nos villes de banlieue, à l’exemple de celle du Hamma qui vient du mot hammam et qui sous-entend chaleur, à ne surtout pas confondre avec fièvre. 
 

Parmi les autres noms de lieux altérés figurent ceux de Bouzaréah de son vrai nom Bordj Erriah, Bab Azzoun, orthographiée primitivement Beb Hzun ou la porte du deuil, et Maâlma (actuelle Mahelma, ndlr) qui signifie tout simplement Ma-el-ma, (l’eau, l’eau) dont l’origine est liée au cri de stupéfaction qui a été lancé par une tribu qui arrivait du sud du pays et qui voyait pour la toute première fois la mer Méditerranée. Cette tribu même qui fut par la suite désignée par tribu des Maâlma.
 

-Pensez-vous que cet éclairage historique sur certaines villes du Sahel algérois a atteint le grand public, sinon où réside le problème ?

A mon avis, il faut éclairer davantage le lectorat sur notre patrimoine à travers des monographies où le volet relatif à la création des cités, leur histoire, l’origine de leur appellation est très édifiant. 
Cela étant, il y a lieu d’encourager toutes les initiatives d’écriture de l’histoire de nos villes afin de préserver les capacités des générations à venir, reconstituer l’historique du patrimoine bâti, sauver le patrimoine historique de l’anonymat et de l’oubli, doter les communes de monographies qui puissent les identifier sous divers aspects. Les autorités publiques sont appelées à jouer, dans ce domaine, le rôle principal en  manifestant une volonté politique réelle.

 

-Après cette suite de corpus monographiques  mis sur le marché, vous planchez sur un autre projet ?

Je pense que c’est un domaine où on est tout le temps en chantier, quand on est passionné par ce qu’on fait on travaille d’arrache-pied. Ma quête de savoir plus et d’écrire est insatiable. 
 

J’ai l’ambition de doter de monographies illustrées, toutes les communes de l’Algérois qui sont, je crois, au nombre de 57. J’ai pu, jusqu’à l’heure actuelle, mettre en librairie un total de 25 monographies urbaines qui, faute de maisons d’édition, ont été toutes publiées à mes frais, autrement dit, en auto-édition.
Cette situation constitue un véritable obstacle qui me ralentit énormément dans mon élan, puisqu’il y a encore plusieurs ouvrages historiques en ma possession qui n’ont toujours pas fait l’objet de publication à l’instar de ceux intitulés Villages-relais de l’époque ottomane, ou Balades entre Outane el Fahs et Outane Ben khelil. Leur publication n’a pas été possible en raison du manque de moyens et surtout faute d’une maison d’édition pour m’accompagner dans mon projet. 

Toutes les demandes que j’ai adressées aux professionnels de l’édition, quasiment toutes les maisons d’édition d’Alger, ont été vaines. Pour autant, je ne baisserai jamais les bras. En dépit de toutes les difficultés, je suis bien décidé à poursuivre cette belle aventure qui me passionne. 

 

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