Affaire des jet-skieurs marocains : Zones d’ombre et déclarations contradictoires d’un prétendu témoin

03/09/2023 mis à jour: 01:09
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Plage de Saïdia, côté marocain (à gauche) et celle de Marsat Ben M'hidi, côté algérien (à droite) - Photo : D. R.

Mardi dernier, à la tombée de la nuit, cinq Marocains à bord de quatre jet skis, campant à Saïdia, à l’est du royaume, se seraient égarés dans les eaux algériennes, du côté de Marsat Ben M’hidi, dans la wilaya de Tlemcen, et auraient subi des tirs d’un zodiac de couleur noire.

Le corps de l’un d’eux a été, aussitôt, repêché par un pêcheur marocain, selon les témoignages du frère de la victime qui faisait partie du groupe et seul survivant de la tragédie. La victime a été inhumée quelques heures plus tard (les images de l’enterrement ont été largement diffusées par les sites du makhzen). Pourquoi cette inhumation rapide sans autopsie du corps ? A noter, également, l’absence de déclarations des autorités marocaines ?

Le même témoin a déclaré que le corps d’une deuxième victime, entraînée par les courants, se trouverait en territoire algérien et une autre personne, vivante, a été arrêtée par les autorités algériennes et condamnée à 18 mois de prison ferme, 24 heures plus tard. Comment le sait-il ?

Incroyable quand on sait qu’une condamnation n’est jamais prononcée avec cette célérité. Ce témoin, qui se dit franco-marocain n’ayant à aucun moment prononcé un mot en langue française, a raconté avec beaucoup de contradictions les péripéties de leur drame. Sans jamais faire allusion à la cinquième personne qui était en leur compagnie. Pourquoi  ? Qui est cette cinquième personne dont ni le témoin (oculaire ou auditif), ni les sites d’informations chérifiens ne parlent ?

Une cousine et le père de la victime inhumée parlent de quatre personnes ayant quitté la plage de Saïdia, ce qui contredit la thèse du seul témoin, le frère de la victime, qui parle de cinq personnes. «La nuit était tombée, on s’était retrouvés sans carburant, puis un zodiac noire a surgi, a renversé deux jet-skis, puis des tirs ont commencé. Moi, je suis tombé dans l’eau, d’une main, je tractais le jet-ski et de l’autre, je nageais. Mon frère, qui était à 100 mètres, m’a dit : ''Fuis, Saïdia est derrière toi''.»

Dans pareille situation, ce témoin aurait dû tracter et sauver son frère au lieu de penser à son jet- ski, lourd, en plus. Puis, il raconte que son cousin, touché par balle, lui avait dit, à plus de 100 mètres plus loin, toujours de retourner à Saïdia, avant de tomber dans l’eau. Par quelle magie ce témoin  a sauvé sa peau, fatigué et, si près qu’il était, des supposés tireurs ? Un témoignage qui suscite des interrogations.

Comment peut-on entendre la voix d’un noyé à 100 mètres ? Comment peut-on voir en pleine nuit ce qui s’était passé ? Ce témoin se remémore, aussi, «à ce moment, un bateau de la marine marocaine est arrivé (plusieurs minutes après le drame), on m’a éclairé avec une torche et  demandé où sont les autres. Je leur ai répondu ''là bas''. J’ai demandé, ensuite, aux militaires de me remonter dans le bateau, mais ils m’ont dit d’attendre, ils sont allés voir du côté où a eu lieu le drame pour revenir et m’embarquer jusqu’à la côte de Saïdia».

Comment ces militaires savaient-ils qu’il y avait d’autres jet-skieurs en danger ? Irrationnel ! Etrange que les militaires marocains n’aient pu voir les jet-skis perdus et que le témoin assure les avoir vus en pleine nuit. Comment ces militaires n’ont pu intervenir au moment des tirs dans une zone fortement militarisée ?

Les habitants de la région connaissant parfaitement les deux côtes (Marsat Ben M’hidi et Saïdia), tout le monde sait qu’il est strictement interdit de s’approcher des deux plages. Les militaires des deux pays sont omniprésents et visibles. Côté marocain précisément, les baigneurs n’ont pas le droit de nager sur un espace de près de 200 mètres (l’espace à proximité de la frontière avec l’Algérie).

Comment, alors, ces baigneurs se sont «promenés» de nuit (ce qui n’est pas autorisé pour les jet-skis) sans aucun problème dans cette zone militaire marocaine ? Comment les garde-côtes marocains, dotés, pourtant, de drones sur les lieux, n’ont rien pu voir, ni rien entendu ?

Impensable dans un contexte de crise entre les deux pays. Devant le mutisme des officiels du makhzen, les réseaux sociaux chérifiens à la solde du royaume y vont avec leur haine et leurs appels à la guerre. Il est certain que les conclusions de l’enquête menée par les autorités algériennes dévoileront les tenants et les aboutissants de cette affaire entourée par trop de contradictions et de zones d’ombre. 

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