Adieu Si Salim

01/07/2023 mis à jour: 10:39
1992

Par Mohamed Maarfia, moudjahid

A la veille de la fête de l’Aïd El Adha et de la fête de l’Indépendance, l’un des Deux compagnons de Houari Boumedienne, Salim Saadi, nous a quittés en silence.  Nous le savions malade depuis des années et son départ attriste ses compagnons.

Si Salim était un moudjahid et un haut officier de l’ANP qui a marqué l’histoire de l’Algérie. Cet homme hors du commun a servi la patrie tout au long de sa vie. Il appartenait à cette génération qui a accompli des exploits extraordinaires pour servir son pays. Salim a toujours montré un dévouement sans faille à la patrie et à la nation, et une grande disponibilité à aider les gens du peuple. Salim Saadi et ses compagnons, après avoir combattu le colonialisme, ont repris les armes pour briser les reins du terrorisme islamiste, ces hordes sauvages qui voulaient faire de l’Algérie un califat hors de siècle dirigé par des fanatiques venus d’ailleurs.

Avec Salim, la peur a changé de camp, selon la formule de Réda Malek. Effectivement, la peur a changé de camp, lorsque Si Salim a pris la tête du ministère de l’Intérieur. A l’époque, la ville de Blida était la cible d’attaques terroristes à répétition, Salim Saadi n’aura de cesse que de la voir à nouveau sécurisée. Les éclats de métal dans son corps le faisaient souffrir en hiver. Il avait marché sur une mine pendant la guerre de Libération nationale en voulant traverser la ligne Morice et les médecins n’avaient pas pu lui enlever tous les éclats métalliques qui s’étaient fichés dans sa chair.

Au maquis, il a sauvé, en payant de sa personne, la vie du photographe attitré de Tito, Labodovitch qui avait rejoint la Révolution pour la filmer. Chef du 19e bataillon de l’ALN dans les années 1961-1962, il s’est illustré de façon remarquable au cours de nombreux combats. Il a réussi à investir des positions ennemies et à ramener des armes et des prisonniers grâce à son courage et son génie militaire.

La perte de compagnons au combat l’affectait profondément et cet homme, réservé et impassible (timide, disaient certains) montrait une grande émotion, comme lors de la prise du camp retranché de Khémissett, quand le valeureux El Houarani rendit l’âme dans ses bras, ou bien quand une de ses sections, surprise par l’ennemi, en terrain défavorable fut décimée. Les légionnaires parachutistes, malgré les pertes que leur ont fait subir les hommes de Salim, leur rendirent les honneurs. Salim Saadi a commandé la 3e région militaire à Béchar, dont l’importance stratégique n’est plus à démontrer.

Nos voisins de l’Ouest, contrairement à de nombreux Algériens, connaissent bien le nom de Salim Saadi, car il leur a infligé une défaite mémorable lors de la bataille dite «Amgala II». Si Salim était l’un des rares officiers dont le président Boumedienne demandait l’avis concernant le Sahara occidental ou bien, d’une façon générale, l’organisation de l’armée. Il était le seul à dire à Houari Boumedienne sa façon de voir les choses, une façon quelquefois désagréable à entendre, pour un président habitué au «béni oui ouisme» alentour. Houari Boumédienne ne lui en tenait pas rigueur car il savait que c’était pour la bonne cause.

Commandant de l’école des blindés à Batna, il interdira aux éléments de Kasdi Merbah, qui utilisaient certains bâtiments de l’enceinte pour des interrogatoires musclés, de sévir chez lui. Il interviendra à de nombreuses reprises pour aider d’anciens compagnons d’armes en butte à la répression et aux intimidations après la crise de décembre 1967, qui a vu de nombreux cadres de l’armée accusés d’avoir de la sympathie pour l’ancien chef d’Etat major Tahar Zbiri. Il échappera par miracle à la mort en avril 1971, quand à l’aéroport de Téléghma l’hélicoptère où avaient pris place Abelkader Chabou, Rachid Médouni et Chérif Djoghri crasha à Khemis El Khechna. Sa mère, gravement malade, avait demandé à le voir. Il avait quitté in extrémis l’hélicoptère qui était sur le point de décoller.

La bénédiction de sa mère lui avait sauvé la vie. Les anciens de l’école de Koléa racontent comment Salim, homme de caractère, avait ramené à de meilleurs sentiments, un fort en gueule, qui jouait des biceps à toutes les occasions. Ce jeune élève, au gabarit de rugbyman, qui avait trouvé son maître en la personne de Salim, devient enfin civilisé. «Adarbou yaarf madhrbou», disent les anciens.

La leçon de la cour de l’école de Koléa fut appliquée par le chef de bataillon Salim aux parachutistes ennemis lors de corps à corps sans merci pendant la prise du camp retranché français de Khémisset en 1961. Pendant le long show de Bouteflika, Si Salim, confiné chez lui, recevant de rares compagnons, ne récriminait pas. Il analysait. Il se rendait à l’évidence que la non-politique menée par Bouteflika menait inexorablement vers plus de populisme, de gabegie et de corruption.

Il rongeait son frein de colère et d’impuissance. Ses leitmotiv étaient l’autosuffisance alimentaire, la qualité de l’école et une armée, indemne de maux, professionnelle et forte. La qualité de l’école ! cette question lui tenait à cœur. «Rien ne peut se faire, rien ne peut être bâti sans une école moderne et efficace». A la fin de sa vie, il aura l’insigne satisfaction de voir l’ANP enfin entre de bonnes mains, et il le disait.

Cela le rassurait de voir que, toujours au fin fond de l’abîme, il y a et il y aura à chaque fois un homme pour remettre les choses sur le bon chemin. C’est cela le miracle toujours recommencé de l’armée algérienne. Il n’était pas peu fier de se dire que c’était aussi grâce à ceux qui ont fait l’ANP dans les djebels en feu et dans les étendues brûlantes du Sahara. Nous pouvons ajouter que Salim y a pris sa part et qu’il y a laissé sa marque. Son compagnon d’armes, Khaled Nezzar, a parlé de lui dans ses mémoires ainsi que lors de nombreux témoignages. Il faut espérer que la presse nationale rendra hommage à ce grand moudjahid, à ce grand bâtisseur, en sucitant des témoignages et en les publiant.

Repose en paix Si Salim, la patrie pour laquelle tu t’es battu avec dévouement et courage restera toujours debout. 

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