Je ne connais pas un pays au monde qui accorde des facilités déconcertantes pour les commerçants étrangers, lesquels (commerçants) sont devenus des relais pour les exportations de leur pays d’origine.
Dans les deux engagements commerciaux, l’accord d’association avec l’UE et l’adhésion à la Grande Zone arabe de libre échange (GZALE), des facilités inouïes sont offertes aux pays des deux ensembles régionaux pour placer leurs produits alors qu’on nous refuse la réciprocité», reconnaissait, avec amertume, le défunt Bakhti Belaib, ex- ministre du Commerce, dans une déclaration faite à notre rédaction fin avril 2016, soit moins d’une année de sa disparition (janvier 2017), en marge d’une conférence international sur la promotion des exportations hors hydrocarbures, tenue à Annaba.
La facture de ce sacrifice déconcertant que personne n’avait demandé s’avérera des plus dispendieuses : en presque 20 ans d’application, cet accord, conclu en 2002, au terme de 5 ans de négociations a permis au partenaire européen d’engranger près de 1000 milliards de dollars dans le commerce de ses marchandises et produits en Algérie contre 13 milliards de dollars en termes d’investissements durant la même période dont 12 milliards de dollars de rapatriement de dividendes.
Dit autrement, outre les dizaines de milliards de dollars de manque à gagner pour le trésor public dû aux démantèlements tarifaires, notre pays n’en aura tiré qu’un milliard de dollars.
Conscientes de cette asymétrie frappante entachant le bilan du pacte algéro-européen et de sa contribution, plus qu’insignifiante, à la diversification de l’économie nationale, les deux parties ont entamé des consultations et multiplient les réunions, depuis janvier, en vue de le corriger. Les ajustements et réaménagements attendus des deux côtés pourraient-ils faire du postulat «gagnant/gagnant», toujours à des années lumière de la ligne que s’étaient tracées Alger et Bruxelles en 2002, une réalité ? «L’Algérie a demandé la révision de l’accord de en se basant, notamment, sur les articles 9 et 11, alors que cet accord fait partie des traités internationaux qui doivent être exécutés de bonne foi ou carrément dénoncés. C’est-à-dire, le retrait pur et simple», estiment certains juristes nationaux. Pour d’autres, «les ajustements susceptibles d’y être apportés sont d’ordre interne. La structure de ces accords ne peut pas être modifiée car elle est le prolongement du droit de commerce international GATT-OMC dont l’élaboration, faut-il le souligner, nous échappe».
DÉMARCHE QUI RISQUE DE NE PAS PLAIRE A CERTAINS
L’actualisation de l’accord serait, en revanche, très peu opportune pour les voisins de l’Est et de l’Ouest : «Cette révision risque de poser beaucoup de problèmes pour nous marocains ainsi que pour les tunisiens. Le Maroc qui a conclu l’accord en 1996 et l’a mis en œuvre en 2000, avait obtenu le statut avancé auprès de l’UE en 2008. Signé en 1995 et mis en application en 1998, l’accord d’association avec l’UE a permis à la Tunisie d’accédé à ce statut en 2012. Ces problèmes auraient pu être réglés si l’UMA fonctionnait», s’accordent à estimer leurs collègues de l’autre côté des frontières.
Ce statut a avancé que Bruxelles n’a pas jugé encore temps de l’accorder à l’Algérie, malgré le dévouement et la générosité démesurés dont nos anciennes élites dirigeantes avaient fait preuve à son égard, que peut-il apporter aux pays bénéficiaires ? Outre la conclusion d’un accord de libre-échange global et approfondi, sa finalité étant, entre autres, de «renforcer les relations bilatérales afin d’accompagner la dynamique endogène des pays partenaires, accélérer le mouvement du partenariat à travers l’intégration plus globale au marché intérieur de l’UE en reprenant progressivement l’acquis communautaire de l’UE, la connexion aux réseaux transeuropéens de transports et des TIC, ainsi que la participation à certains programmes et agences communautaires». En d’autres termes, à l’exception de la participation aux instances européennes, ce statut accorde les quasi-mêmes avantages qu’aux autres membres de l’UE.
L’UE QUI BARRICADE SON MARCHE AGRICOLE
A vrai dire, l’accord algéro-européen de 2002, censé être un appui aux réformes économiques de manière que notre pays devienne plus attractif pour l’investissement privé européen ainsi que pour répondre aux besoins en modernisation et en infrastructures, est en réalité un marché de dupes mais dans une autre version : «La coopération entre l’Europe et l’Algérie remonte à 1969 quand l’ex-CEE imposa des restrictions pour empêcher l’entrée de biens compétitifs sur le marché européen.
Des tarifs préférentiels furent attribués pour certains produits agricoles comme les agrumes, exonérés de 80% (parce que l’Espagne n’était pas encore membre) ; ou l’huile d’olive exonérée de 30% (parce que l’Italie ne pouvait pas répondre à la demande du marché de l’Europe des 6).
L’accord ne s’appliquait que par rapport aux biens qui ne concurrençaient pas la production locale européenne. L’exemple édifiant du taux zéro appliqué aux produits industriels importés des huit pays méditerranéens ne s’appliquait pas aux textiles et produits pétroliers raffinés, qui représentaient une grande partie des exportations algériennes», nous expliquait-on lors d’un colloque international «Accords d’association entre l’union européenne et les pays du Maghreb : Etat des lieux et perspectives dans l’économie globalisée».
Mieux, une Politique agricole commune (PAC) avait été instaurée, bien des années plus tard, dont l’objectif essentiel consiste à protéger l’agriculteur et l’agriculture européens, et ce, à travers, en plus de l’établissement d’un «calendrier tarifaire» qui limitait l›accès, à un taux préférentiel des produits agricoles, au marché européen aux saisons caractérisées par des surproductions, l’interdiction totale de l’entrée d’une variété surabondantes sur le marché européen. La question que d’aucuns se posent : Nos négociateurs parviendront-ils à «arracher» de leurs vis-vis de Bruxelles les ajustements qu’il faut pour l’édification d’«un partenariat équilibré, fondé sur le principe gagnant-gagnant».
D’autant que «la donne a changé, l’Algérie dont les exportations reposaient essentiellement sur les hydrocarbures, produit et exporte désormais une grande variété de produits manufacturés, agricoles, électroménagers et autres», tel que, l’a maintes fois souligné le Président Abdelmadjid Tebboune. Réaffirmant ainsi sa ferme détermination à mettre un terme à ce «fiasco économique» occasionné par l’accord d’association. Se contenter de «vendre du pétrole et importer à outrance n’a aucun sens. C’est hallucinant, un mode de compradore ! …
Un système qui relève carrément de la psychanalyse», nous déclarait, à juste titre, en 2013, au sujet de la révision de cet accord, l’économiste Sid Ahmed Abdelkader, sommité mondialement connue et reconnue, Professeur à la Sorbonne, expert auprès des Nations unies et de l’OPEP et ex-Conseiller du Président Mohamed Boudiaf.