- Avec la crise économique et la chute du pouvoir d’achat, le sentiment de déclassement social est de plus en plus perceptible chez les Algériens. Quelle analyse faites-vous de ce phénomène ?
A la lecture de la situation actuelle et après plusieurs années de déséquilibre structurel du modèle économique, le front social se retrouve en face d’une réalité peu confortable et pour laquelle il ne s’est pas habitué du fait d’une certaine aisance éphémère résultante d’une économie rentière qui est arrivée à sa limite. De ce fait, nous assistons à une reconfiguration de l’organisation des couches (catégories) sociales selon la situation financière plus ou moins tendue et pouvant être préjudiciable à certaines franges de la société. La détérioration du pouvoir d’achat se fait sentir de plus en plus, et ce, malgré les mesures prises par les pouvoirs publics pour l’atténuer à travers la suppression de l’IRG pour les bas salaires ainsi que la prochaine révision du point indiciaire pour les employés de la Fonction publique.
Mais ces mesures ont aussitôt été rattrapées par l’augmentation de l’inflation et la dépréciation de la monnaie nationale, ajouté à cela la problématique de la gestion des activités commerciales, surtout en relation avec les produits et services de large consommation. Le niveau de vie des citoyens n’est que le miroir de l’économie du pays dans lequel on vit. Le sentiment d’inquiétude que nous développons aujourd’hui est un bon signe pour une prise de conscience collective. La réhabilitation de la valeur du travail et du savoir devient un impératif pour une réelle refonte de notre système socioéconomique sur les principes d’un développement intelligent et durable. Cette refonte doit se faire sur la base d’un équilibre régional juste et un aménagement du territoire équitable.
- Les dépenses contraintes étouffent de plus en plus les Algériens. Quel est votre regard d’analyste ?
La structure des dépenses des ménages devient de plus en plus difficile à gérer pour une grande partie de la population. Cette détérioration du pouvoir d’achat commence à se répercuter sur le quotidien des citoyens qui doivent faire face à la cherté de la vie, surtout pour les besoins les plus élémentaires (loyers, transport, alimentation, etc.). En même temps, nous devons aussi apprendre modérer nos dépenses et adopter de nouveaux modes de consommation conformes à nos revenus. Une situation à laquelle nous devons nous habituer tout en œuvrant collectivement à redresser la trajectoire de notre modèle de croissance pour une économie plus résiliente et inclusive. Ce qui permettra la redynamisation des marchés des biens et services, mais surtout celle du travail pour un accès à des postes d’emploi dignes et diminue de plus en plus la précarité.
- Quelles sont, selon vous, les priorités pour le gouvernement concernant la relance économique ?
L’accélération des réformes structurelles devient plus pressante que jamais. La mise en place du nouveau modèle de croissance inclusif et diversifié est une priorité d’ordre stratégique. La révision du code de commerce, du système financier et fiscal ainsi que du code du travail et celui du droit syndical devient une priorité. La relance de la machine économique est l’affaire de tous : pouvoirs publics, organisations patronales, syndicats et surtout le commun des citoyens. C’est pour cela que je dis qu’il important d’aller vers un nouveau Pacte économique et social (New Deal) pour s’accorder sur la vision et se mettre au travail tous ensemble pour tirer dans le même sens.
Une relance économique qui ne met pas le citoyen au centre de la dynamique aura beaucoup de mal à aboutir, d’où toute l’importance du moteur de développement local qui reste à mon avis le levier le plus efficace dans ce projet de société. Parallèlement aux réformes et aux aspects stratégiques qui tendent à aller dans la durée, des actions conjoncturelles sont à mettre en œuvre pour appuyer le pouvoir d’achat à travers, par exemple, des crédit à la consommation à taux réduit et des aides aux ménages les plus vulnérables pour les besoins élémentaires. Il y a aussi la redynamisation de certains secteurs connus pour leurs taux d’explosibilité élevé comme le BTPH ; d’ailleurs le dicton dit «Quand le bâtiment va, tout va» et ceci reste vrai dans les deux sens.
Propos recueillis par Kamel Benelkadi