L’ex-ministre et ancien diplomate Abdelaziz Rahabi a indiqué, hier dans une tribune publiée par le site TSA, que le retrait forcé de la France du Sahel l’a poussée «à trouver un ancrage stratégique en Afrique du Nord que lui offre le Maroc».
Après son départ du Sahel, la France s’est ainsi tournée vers le Maroc, «pays paradoxalement quasi insulaire lui-même et sans frontières avec le Sahel, en contrepartie d’un engagement diplomatique français sur un territoire, le Sahara occidental, qui ne lui appartient pas», a-t-il souligné. M. Rahabi fait rappeler, dans cette même tribune, que la France formalise sa position sur le Sahara occidental «dans la continuité de la politique du président Valéry Giscard d’Estaing aux convictions Algérie française déclarées et assumées», précisant que celui-ci avait déployé son aviation militaire en 1976 dans une colonie que l’Espagne d’un Franco finissant venait d’abandonner.
Pour l’ex-ministre, qui est longuement revenu sur la visite d’Emmanuel Macron (28 au 30 octobre) au Maroc, le chef d’Etat français tire aujourd’hui «des dividendes économiques de cet engagement militaire et diplomatique de son pays dans une région de l’Afrique qui achevait alors son processus de décolonisation». Selon des médias français, des contrats d’un montant de près de 10 milliards d’euros ont été signés au terme de la visite de Macron au Maroc.
Poursuivant, Abdelaziz Rahabi fait remarquer que cette partie de l’Afrique (Afrique du Nord) prend aujourd’hui une nouvelle dimension stratégique dans un continent «en continuelle recomposition portée par un rejet social et politique des anciennes puissances coloniales responsables en grande partie du retard économique et de la corruption des élites politiques africaines». N’étant pas le seul à l’avoir signalé, M. Rahabi estime que l’alignement total de Macron sur les thèses hégémoniques du Maroc constitue un choix assumé publiquement «de rompre avec la politique d’équilibre de ses prédécesseurs depuis le président François Mitterrand».
«Une longue mise en veille»
«N’ayant pas pu (Macron, ndlr) infléchir les politiques maghrébine et africaine de l’Algérie, il en vient à considérer la constance dans nos positions diplomatiques comme une attitude hostile aux intérêts de la France», lit-on dans le texte signé par l’ancien diplomate. Cette position, nouvelle dans la forme, marque une nouvelle phase de rupture dans l’histoire de nos relations et annonce leur longue mise en veille alors qu’elles sont déjà réduites, ces dernières années, à la question migratoire et à un débat sans lendemain sur la question mémorielle».
Les positions antagoniques de l’Algérie et de la France, dans la réalité diplomatique, «sont intimement liées aux doctrines de deux pays héritiers de deux histoires, l’une coloniale et l’autre anticoloniale», explique-t-il.
Et d’ajouter : «Il est bien moins aisé toutefois d’envisager de faire accroire aux Algériens que l’abandon du peuple sahraoui et de ses droits légitimes favoriserait l’intégration régionale (…) Macron attend ainsi de l’Algérie qu’elle accepte le fait accompli et s’insère dans un projet euro-méditerranéen qui était à l’origine conçu pour favoriser le règlement de la question du Moyen-Orient (…).»
Pour l’ancien diplomate, Macron propose parallèlement de faire des gestes sur la question mémorielle avec l’Algérie qu’il a réussi, avec l’aide des nostalgiques de droite, «à transformer en axe central du débat interne politique et médiatique français». Ses déclarations en septembre 2021 sur la nation algérienne, présentée comme sous-produit de la colonisation, et le traitement qu’il a réservé aux moudjahidine valeureux libérateurs de l’Algérie, traités de rentiers de la mémoire, «auraient dû suffire pour le disqualifier sur la question de la mémoire», a-t-il noté.