D’emblée, nous sommes sincèrement inquiets pour le devenir du football national, car ça nous rend triste de parler de professionnalisme en Algérie, à la lumière des treize années de pratique. En effet, le «modèle sportif actuel» est inefficace, surtout qu’il n’accompagne pas la modernisation, la performance et l’initiative entrepreneuriale dans l’économie du sport, notamment dans un football professionnel qui est demeuré une affaire exclusive de l’Etat et des entreprises publiques.
Il paraît, sans doute utile, de rappeler «qu’il n’est pas normal dans une économie de marché, surtout dans le contexte actuel du pays transcendé par de profondes mutations et de crises économique et budgétaire, qu’on fasse appel aux fonds publics pour financer les clubs sportifs professionnels qui relèvent, désormais, du droit privé (code du commerce et code civil) ».
Par conséquent, ils deviennent un sujet d’économie et financièrement autonomes avec leurs propres organes sociaux prévus à cet effet. Il faut savoir qu’un club sportif professionnel se gère, se développe et se contrôle au même titre qu’une entreprise économique devant embrasser les règles de l’organisation du droit des sociétés qui implique une assise de commercialité dans le processus de leur professionnalisation.
C’est à cette condition-là qu’on peut donner un ancrage structurel et solide au financement des clubs sportifs professionnels, c’est-à-dire d’un football reposant sur un modèle économique où les actionnaires investissent dans le football, dans un esprit d’entreprise et d’une culture d’actionnariat dans les sociétés sportives par actions (SSPA), comme ils le feraient dans un autre secteur de l’économie.
A cet effet, les sociétés sportives (SSpa) ne doivent plus continuer à être un simple sigle mais de véritables sociétés commerciales qui créent de la richesse, l’emploi pour les jeunes, exportent leurs produits (joueurs), pour bâtir une économie du sport qui s’ajoute au PIB du pays. Dans une économie de marché, toute société commerciale est subordonnée et sujettes à dégager des bénéfices dont une partie est réinvestie dans le club et avoir un actif net comptable positif. A cet effet, la publication des comptes sociaux s’impose (bilan, compte de résultat et l’annexe 3) dans trois journaux au moins à grand tirage plaidant plus de transparence pour une gestion saine de nos clubs professionnels.
Alors, une question d’actualité qui est sur toutes lèvres au sein de la famille de notre football, qu’on doit se poser, à savoir : le nouveau bureau fédéral (FAF), élu jeudi 21 septembre dernier, apportera-t-il les réponses nécessaires et les solutions structurelles et concrètes au développement de notre football ?
Parler du football professionnel en Algérie, à la lumière des treize années de pratique, c’est inévitablement soulever, en premier lieu, le lancement d’une nouvelle réforme sur la professionnalisation de nos clubs sportifs professionnels. Ainsi, remettre les clubs sportifs professionnels sur les rails du développement du football et du progrès, notamment, placer ces derniers au cœur de la transition des nouvelles nécessités socio-économiques et politiques du pays, mais aussi et surtout du contexte de l’évolution du monde footballistique qui est devenu, aujourd’hui, une gigantesque structure dans le sport et le business. Cela doit constituer un aspect majeur d’une refonte qui plaide l’économie du sport en Algérie, notamment engager une véritable révolution économique pour nos clubs professionnels conçue sur le droit privé (droit des sociétés), adapté à l’initiative et à l’action qui libère les sociétés sportives (SSpa) et les investisseurs pour l’initiative entrepreneuriale se basant sur les règles et les mécanismes du marché.
En effet, notre sport-roi, le football professionnel, qui est un sport largement populaire répandu dans la société algérienne, est actuellement au centre de l’actualité nationale d’une brûlante crise multiforme quasi-chronique qui n’a pas fini d’alimenter la chronique sportive nationale, à cause d’une gestion et d’une gouvernance des sociétés sportives par actions (SSPA) en Algérie qui n’existent pas encore dans la réalité, face à une gestion incohérente et rentière, notamment basée essentiellement sur des subventions et d’aides publiques. Cela ne permettant pas d’aller vers la performance, notamment la compétitivité sportive à l’international et l’initiative entrepreneuriale, afin d’attirer des investisseurs ou de nouveaux actionnaires qui connaissent l’économie.
Car les clubs sportifs professionnels fonctionnent toujours sur de vieilles idées, notamment avec l’idée du tout Etat (beylik) et des pratiques du dirigisme étatique. En effet, les sociétés sportives par actions (SSPA), qui devraient s’autofinancer avec l’argent d’une économie privée et des mécanismes du marché, elles continuent de nager en eau trouble depuis bientôt treize ans de leur existence en professionnalisme et leur pérennité dépend, à ce jour, de la volonté de l’Etat à les soutenir financièrement et matériellement sans création de valeurs ajoutées ni dans les écoles de formation, ni dans l’économie ou encore peu de joueurs locaux ont pu émerger en Equipe nationale. La majorité des joueurs ne répondent pas aux critères de la performance, c’est-à-dire sans l’élévation du niveau de notre football national.
Dommage, le fait central est l’absence de débats sur la question de l’économie du sport en Algérie, pour construire sereinement le modèle économique qui permettra la nécessaire autonomie financière des clubs professionnels. En effet, le football professionnel algérien vit, actuellement, un paradoxe, puisque la majorité des clubs professionnels ne respectent pas la pratique des notions du professionnalisme et la gestion des Sociétés par actions (SPA) qui relève du droit privé (codes de commerce et civil) ou encore apporter des acquis pour la jeunesse algérienne et pour le pays en général. Faut-il s’en étonner ? Certainement oui.
Pour aborder la question, il serait plus judicieux de rappeler et souligner que le football professionnel n’est pas un choix, mais une exigence, c’est l’un de ses principaux objectifs. En effet, les clubs créent un produit : vente de spectacle sportif (le match), pour améliorer la valeur économique et commerciale de cette discipline car dépend de son aptitude à commercialiser ses compétitions et événements. Ce qui rend nos clubs de plus en plus attractifs sur le marché auprès des sponsors et des investisseurs pour générer de nouvelles sources de revenus.
A titre d’exemple, l’activité économique des clubs professionnels de football, selon les statistiques, génère, en France, environ 6 milliards d’euros, 26 000 emplois ; les contributions fiscales et parafiscales s’élèvent à 1,54 milliard d’euros/an alors que chez nous, la question des charges sociales, bien plus que celle de la fiscalité, est un des handicaps de pérennité de nos clubs. L’ouverture de leur capital social, un moyen de développer une économie privée et d’investir librement dans les sociétés de façon à développer la culture de l’actionnariat et de l’investissement créateur de richesse et d’emplois pour les jeunes.
En effet, les enjeux sportifs et économiques du football professionnel justifient largement que les pouvoirs publics doivent se pencher sur le devenir du football professionnel en Algérie. Il va sans dire que l’heure est plus que jamais aux choix durables, à savoir les clubs sportifs professionnels de football doivent se préparer à accepter de nouveaux actionnaires puissants aux profils différents et, par conséquent, sont appelés à revoir leur gouvernance à travers une gestion moderne, à même de développer le football professionnel en Algérie. Donc, n’est-il pas temps de s’interroger sur la gouvernance et la gestion de nos clubs sportifs professionnels, car c’est l’intérêt du pays qui prime ?
Avant tout, qu’est-ce que le professionnalisme ?
Objectivement à notre humble avis, le football professionnel est un business à forte valeur ajoutée qui implique, en plus de l’activité sportive, l’initiative entrepreneuriale afin d’investir dans des activités économiques et commerciales diversifiées et rentables pour donner une meilleure assise financière aux sociétés sportives. Par conséquent, les clubs deviennent un sujet du droit des sociétés et autonomes dans leur fonctionnement, leur gestion et leur développement, selon les règles et les mécanismes de l’économie de marché. Ainsi, tout club sportif professionnel est tenu d’avoir des ressources financières suffisantes et compatibles avec les exigences de la compétition et en rapport avec ses activités économiques et commerciales. D’assurer la tenue d’une comptabilité financière dite partie double aux normes comptables internationales dites IAS/IFRS qui dominent, aujourd’hui, les pays occidentaux et anglo-saxons.
Treize ans se sont écoulés depuis que nos clubs de football des Ligues 1 et 2 sont passés d’une situation d’amateur à celle du professionnalisme. Conséquemment à cela, les clubs sportifs professionnels sont considérés comme des sociétés par actions (SPA) et jouissent de la personnalité juridique morale et de l’autonomie financière et comptable pour fonctionner dans le respect des dispositions du droit privé (code du commerce et code civil), à travers leurs organes sociaux prévus à cet effet dont, notamment, le conseil d’administration qui est attributaire des pouvoirs les plus étendus pour administrer les capitaux et agir en toute circonstance. L’assemblée générale des actionnaires souveraine dans toute décision stratégique pour justement adopter des politiques et des stratégies d’entreprise et en améliorant les capacités managériales pour relever le défi du professionnalisme et, par voie de conséquence, la politique du sport en Algérie.
La direction générale (le directeur général et son staff) est l’organe de gestion soumis à l’obligation de résultats économiques et financiers et, enfin, le commissaire aux comptes, dans le cadre du contrôle légal de la société sportive pour attester et certifier que les comptes du club sont sincères et réguliers sur la base de la tenue d’une comptabilité des sociétés aux normes comptables internationales et la présentation de leurs comptes annuels en harmonie avec les normes comptables internationales anglo-saxons/européennes dites IAS -IFRS.
A notre humble avis, le dossier du professionnalisme semble être mal perçu et s’enfonce dans une confusion inconcevable, notamment la continuité de l’amateurisme tiré par la dépense publique en exigeant, notamment, saison après saison, des subventions et des aides encore plus conséquentes auprès des pouvoirs publics. En effet, rien n’a encore changé entre le football amateur et professionnel, dans la mesure où le discours sportif et environnemental se résume en deux mots : «football et argent», sans mener des missions d’intérêt général pour renforcer l’attractivité du sport pour le public et les investisseurs locaux ou étrangers.
On peut parler d’argent, certes, c’est important, mais dans un esprit de culture et d’esprit d’entreprise, afin d’apporter leur part de contribution dans le développement économique et social, notamment faire de nos clubs sportifs professionnels un outil pour le développement d’une économie locale qui contribue au PIB du pays, par le développement des structures sportives dans les SSPA, avec l’ouverture du capital social à l’actionnariat populaire, aux investisseurs nationaux ou étrangers, aux agents économiques, etc. Aujourd’hui, il faut revenir à la normalité des choses et donner la priorité à l’application stricte du professionnalisme, puisqu’il ne s’agit pas d’un choix mais d’une exigence dont la Fédération algérienne de football (FAF) est l’organe souverain qui gère le football du pays, appelée donc à mettre en place l’organisation d’une économie du sport en Algérie et d’assainir la fonction des organes sociaux au niveau des clubs professionnels pour améliorer leurs méthodes de management conformes à leur statut de droit de société, c’est-à-dire donner la possibilité à des investisseurs potentiels et professionnels et passionnés par le sport de remplacer les opportunistes de tous bords, afin de développer un climat des affaires dans l’économie du sport et une assise de commercialité dans le processus de leur professionnalisation.
Car le professionnalisme ne vaudra que par ces derniers remplissant ces critères d’excellence. Il faut recourir également en permanence à la structure du contrôle de gestion dans le souci de rationalité et de transparence dans l’utilisation de l’argent public quand on sait que les clubs sportifs professionnels sont toujours subventionnés par les collectivités locales ou sponsorisés par les entreprises publiques.
Les problèmes de financement du football professionnel sont structurels et appellent donc des réponses et des solutions structurelles, c’est alors que nos clubs sportifs professionnels trouveront les vraies solutions à leurs problèmes d’autofinancement et s’installeront durablement dans la pérennité. S’attarder à chaque saison sur des initiatives de conjoncture relève de la myopie tout court. En effet, «ces sociétés sportives en question ne sont pas encore suffisamment outillées et organisées structurellement pour la rentabilité et le contrôle interne de gestion de leurs ressources».
Le professionnalisme dans le football, c’est avant tout un portefeuille d’activités économiques et commerciales diversifiées et de compétences avérées du président du conseil d’administration, celui détenant les plus importantes parts en capitaux et de son staff dirigeant pour faire les bons choix de développement d’un projet sportif, notamment un club de football moderne doit être structuré comme une entreprise économique et par conséquent créer la richesse. On peut dire que le football professionnel, c’est aussi de l’économie, qui s’ajoute au produit intérieur brut du pays (PIB). A cet effet, le budget des clubs professionnels doit obéir aux règles, principes, procédures et normes de la comptabilité financière des sociétés commerciales.
Or, l’expérience montre que rien n’a encore changé entre le football amateur et le football professionnel et que les dirigeants des clubs professionnels n’ont en matière financière pour objectif que l’esprit de dépenser plus d’argent, c’est-à-dire l’argent pour l’argent ou aisément faire de l’argent avec de l’argent sans création de richesses et d’emplois. C’est ici, toute la triste réalité, à laquelle la situation du football algérien est aujourd’hui, en présence d’un déficit de gouvernance et de compétitivité sportive à l’international (joueurs moins performants qu’attendus). Là encore, l’équipe nationale est demeurée le fait de joueurs formés et évoluant à l’étranger, y compris le sélectionneur qui aménagent l’arbre qui cache la forêt.
A vrai dire, «le bilan n’est pas tout à fait brillant», car on s’attend à une véritable politique de conduite d’une réforme sportive moderne en Algérie où un club professionnel est celui qui saura investir, créer et développer le sport mixé avec une économie d’entreprise à travers l’actionnariat et les investisseurs (industriels, entrepreneurs, commerçants…), la formation des jeunes, la production de grands joueurs pour l’équipe nationale et le transfert de joueurs vers l’étranger. En effet, le niveau du championnat reste relativement faible dans la mesure où nos clubs professionnels dans leur majorité n’arrivent pas à produire de joueurs locaux à l’équipe nationale ou encore à exporter des joueurs de talent et à atteindre le niveau international et sont souvent éliminés prématurément des grandes compétitions, ce qui portait un coup sévère à l’instauration du football professionnel en Algérie et au moral des Algériens. On peut dire que l’équipe nationale est l’arbre qui cache la forêt de notre semblant de professionnalisme. Sinon à quoi sert ce fameux professionnalisme ?
Dès lors, on peut conclure que nous avons besoin, aujourd’hui, d’une nouvelle politique du sport, notamment en décidant de réformer le professionnalisme et revenir à une vraie Ligue professionnelle dont l’objectif est d’élever le niveau du football algérien et que l’Etat et ses démembrements (les collectivités locales ) ne peuvent désormais intervenir dans les clubs sportifs professionnels qu’en subventionnant la formation des jeunes et en investissant dans des équipements sportifs au profit des jeunes. En effet, le modèle du professionnalisme, adopté par la Fédération algérienne de football, ne cesse de montrer ses limites depuis son instauration en 2010, notamment pour ce qui est des aspects organisation, politique financière, structuration, planification, contrôle interne et financement des clubs.
Cela dit, il faut penser à un autre modèle de professionnalisme, car c’est l’intérêt du pays qui prime. Justement cette réforme sportive à adapter aux réalités qui cadrent avec les règles et les principes qu’offre la professionnalisation d’un club, à savoir bâtir une économie du sport au service des sociétés sportives et du développement de grands clubs modernes et de la formation des jeunes. Cette réforme se révélera un pilier indispensable à la stratégie et au développement de notre football.
Par Mhamed Abaci , Financier