Il s’agit de «concrétiser le potentiel minier en véritable levier de développement pérenne, tout en préservant les intérêts des Etats face aux investisseurs étrangers. A cet effet, l’Afrique doit naviguer avec un mélange de prudence et d’audace entre aspiration légitime à un meilleur partage des revenus miniers et nécessité de maintenir un climat favorable aux investissements étrangers».
C’est sous le thème «Adopter la puissance de la perturbation positive : un avenir audacieux pour l’industrie minière africaine» que s’est tenue du 5 au 8 février, au Cape Town International Convention Centre (CTICC), la 30e édition de la conférence Investing in African Mining Indaba.
Un grand rendez-vous minier mondial ayant pour enjeu de rassembler, quatre jours durant, à Cap Town, en Afrique du Sud, près de 8000 participants, notamment des chefs d’Etat, des délégations ministérielles de divers horizons, des dirigeants de compagnies minières, des institutions financières de développement, des consultants et experts internationaux, et des sous-traitants exerçant dans l’industrie extractive, dans le but de susciter le changement et stimuler les investissements en Afrique.
Mais aussi et surtout de «permettre au continent de devenir un concurrent mondial significatif, car les minéraux stratégiques sont nécessaires pour promouvoir un avenir durable de la planète», précise, dans son argumentaire, le comité d’organisation de l’African Mining Indaba 2024.
Présente en force – l’Algérie, qui est résolument décidée à faire des ambitions et orientations présidentielles dans le domaine minier une réalité, à travers, notamment, ses mégaprojets structurants; valorisation des gisements de Gara Djebilet, à Tindouf, celui de zinc-plomb de Oued Amizour (Béjaïa) et le Projet de phosphate intégré (PPI) – entendait faire entendre sa voix pour donner à l’industrie minière africaine, où elle est un acteur clé, la place qui lui sied.
Car l’African Mining Indaba constitue l’un des plus cruciaux forums internationaux, où se rencontrent de grandes sociétés et multinationales minières exposant leurs potentiels miniers en vue d’attirer des investisseurs ou de tisser des partenariats avec des opérateurs miniers.
D’autant qu’en termes y afférents, les opportunités d’expansion sont loin de faire défaut. Les pronostics de l’Agence internationale de l’énergie (AIE) pour les minerais et autres matières premières minérales dont regorgent le sous-sol du continent noir sont fort prometteurs.
Afin d’atteindre les objectifs de la transition énergétique qui s’opère un peu partout dans le monde, les besoins pour la plupart des minerais (cobalt, graphite, lithium, terres rares…) sont appelés à grossir en volume et pourraient se multiplier par quatre, voire par six.
D’où la bataille qui s’annonce entre les grands blocs qui en sont très demandeurs. Fortement incommodées par la mainmise chinoise sur le marché africain et en vue de sécuriser leurs approvisionnements en la matière, les plus grandes puissances économiques mondiales ont mis au point et lancé le Mineral Security Partnership (MSP).
A travers cette initiative, conjointement pilotée par l’Australie, le Canada, la Corée du Sud, la Finlande, la France, l’Italie, le Japon, la Norvège, le Royaume-Uni, la Suède, l’Union européenne et les Etats-Unis, ces grandes puissances projettent d’instaurer «des standards élevés de responsabilité sociétale des entreprises (RSE) dans la manière d’extraire et de transformer les minerais concernés mais aussi de partager l’information sur les projets miniers clés et promouvoir le financement de ces derniers», fait-on savoir.
Pour leurs vis-à-vis africains, l’heure est à la recherche du procédé à mettre en œuvre pour «perturber» la pensée traditionnelle inégalitaire des colosses multinationaux de l’industrie extractive et de ne plus continuer de servir les seuls intérêts de ces derniers.
Souscrire une «assurance tous risques», pour maximiser les retombées économiques de l’exploitation de leurs ressources minières tout en sauvegardant leur souveraineté juridique avant de sceller des partenariats, est ce dont ont, entre autres, débattu, cette fois-ci, de manière plus ferme, les hôtes africains de Cap Town.
Défis et grands enjeux
Surtout que l’enjeu est des plus déterminants. Il s’agit de «concrétiser ce potentiel minier en véritable levier de développement pérenne, tout en préservant les intérêts des Etats face aux investisseurs étrangers.
A cet effet, l’Afrique doit naviguer avec un mélange de prudence et d’audace entre aspiration légitime à un meilleur partage des revenus miniers et nécessité de maintenir un climat favorable aux investissements étrangers.
L’exploitation minière, activité fortement capitalistique, repose encore en grande partie sur des investissements extérieurs», tel que le souligne si bien Olivier Pognon, directeur de la Facilité africaine de soutien juridique (African Legal Support Facility - ALSF), organisation internationale relevant de la Banque africaine de développement (BAD), basée en Côte d’Ivoire, œuvrant à fournir, depuis 2010, «des conseils aux gouvernements africains en matière de structuration et de négociation de transactions commerciales complexes relatives aux activités extractives et aux ressources naturelles, aux infrastructures, aux partenariats public-privé, à l’électricité et aux secteurs de la dette souveraine, dans le but de s’assurer que les pays africains s’engagent dans des transactions justes et équitables qui contribuent à leur développement durable».
Le juriste béninois, qui s’offusque du «douloureux paradoxe» auquel fait face le continent : des sols qui y regorgent de richesses minérales et des populations locales qui peinent encore à en récolter les fruits, exhortera les Etats africains à «accroître leur expertise juridique pour négocier équitablement avec les géants du secteur» qui, eux, sont armés de puissantes équipes et conseils juridiques.
C’est justement pour remédier à ce déséquilibre, qui place les pays africains en position de faiblesse lors des négociations avec des entreprises étrangères, qu’a été dévoilée, lors d’une table ronde intitulée «Evolution de la fiscalité minière - Vers un nouvel avenir audacieux pour l’industrie minière africaine», organisée mardi 6 février en marge du Forum Mining Indaba, la nouvelle initiative de l’ALSF.
Elle consiste en la mise en place d’une boîte à outils entièrement dédiée à la fiscalité minière, et ce, à travers l’Atlas des législations minières africaines (AMLA), «un projet digital de collecte, de classement d’études, de comparaison, de diffusion et de renforcement des capacités dans le domaine des législations minières».
La finalité étant d’«aider les pays africains à maximiser les bénéfices tirés des ressources minières en promouvant la transparence, l’accessibilité et la comparaison des lois minières africaines et en facilitant leur préparation, révision et mise en œuvre».
C’est, en quelque sorte, de la souveraineté et de l’intelligence juridique (IJ) dont il est question, deux concepts très peu connus des managers africains, algériens notamment, à l’institution desquels n’ont, d’ailleurs, eu de cesse d’appeler nombre de juristes nationaux, les secteurs énergétique et minier, étant particulièrement concernés. «(…) avant de sécuriser l’environnement juridique pour une meilleure présence de l’investissement étranger, il faudrait d’abord penser à le faire au sein des entreprises algériennes pour qu’elles puissent se prémunir de tout risque, qu’il soit d’origine interne ou externe», soutiennent-ils.
A leurs yeux, «ce n’est qu’à ce moment que ces entreprises seraient à l’abri des risques juridiques susceptibles d’être induits par leur association à des partenaires étrangers. Aussi, l’IJ leur permettra de cerner les contours d’un environnement juridico-économique, lequel, loin d’être linéaire, semble aujourd’hui asymétrique, voire chaotique, un peu partout en Afrique».
En somme, conclura, par ailleurs, le chef de l’African Legal Support Facility à l’adresse des participants à cette 30e édition de Mining Indaba. «(…) Le développement d’une forte expertise et d’une culture juridique transactionnelle au sein des gouvernements africains sont essentiels.
En s’appuyant sur ces avantages, ils seront en capacité de faire des contrats miniers de réels leviers de développement en termes de revenus générés et d’emplois créés, permettant surtout une allocation transparente et équitable de la rente de ces ressources.»