Ce vendredi 15 décembre a été particulièrement meurtrier pour la population palestinienne à Ghaza. Aucune ville, aucun quartier, aucun camp n’ont été épargnés par les bombardements israéliens qui ont fait une centaine de morts au 70e jour de l’agression sioniste contre l’enclave martyrisée.
Cela fait 70 jours ce vendredi 15 décembre que Ghaza croule sous un déluge de bombes et d’atrocités en tous genres. D’après un nouveau bilan livré par le ministère palestinien de la Santé ce jeudi, le nombre total des victimes palestiniennes à Ghaza et en Cisjordanie a atteint 18 884 morts et plus de 55 000 blessés. A Ghaza, il a été enregistré jusqu’à jeudi 18 600 morts et plus de 51 000 blessés, tandis que 286 personnes ont été tuées en Cisjordanie, et 3431 autres ont été blessées depuis le 7 octobre.
Hier, les raids meurtriers israéliens ont continué avec la même férocité, n’épargnant aucune ville, aucun village, aucun camp, aucun quartier. Selon l’agence Wafa, des dizaines de civils ont été tués ce vendredi dans différents quartiers de la ville de Ghaza. A Haï Al Zaytoun, à l’est de la ville, 15 personnes ont trouvé la mort et des dizaines d’autres ont été blessées quand des drones israéliens se sont mis à tirer anarchiquement sur les civils dans la rue. Par ailleurs, six maisons du même quartier de Haï Al Zaytoun ont été pilonnées à l’artillerie lourde, faisant là encore plusieurs victimes.
Un vendredi noir à Ghaza
Autre quartier lourdement touché, toujours à Ghaza-ville : Haï Al Shujaiya, à l’est. Des avions de guerre israéliens ont bombardé le marché populaire Souk Al Bastat, faisant 9 morts et 25 blessés, d’après l’agence d’information palestinienne. A Haï Al Daraj, l’artillerie sioniste a ciblé pour la deuxième fois l’école Al Jarjawi, faisant 4 morts et 9 blessés, «la plupart des enfants». Le secteur d’Al Sahaba, à Hai Al Daraj, a été visé par des missiles tirés par des avions de combat ainsi que des obus d’artillerie.
Ces tirs groupés ont fait pas moins de 20 morts et beaucoup de blessés. De surcroît, «les forces d’occupation ont procédé à l’arrestation de 25 citoyens âgés entre 15 et 55 ans, et les ont obligés à se dévêtir», affirme l’agence palestinienne. Toujours dans la ville de Ghaza, cette fois aux quartiers Al Nasr et Cheikh Radhwan, des raids aériens couplés à des tirs de drones ont fait de nombreuses victimes, entre morts et blessés.
Au camp de Jabaliya, au nord de la Bande de Ghaza, plusieurs maisons bondées de monde à proximité de l’hôpital Kamal Adwan ont été la cible de bombardements intensifs, tuant plusieurs de leurs occupants et en blessant de nombreux autres, selon Wafa. Des chars ont pénétré dans les cours des écoles affiliées à l’Unrwa et des tirs anarchiques ont touché plusieurs citoyens, faisant des dizaines de blessés.
A Beit Lahia, tout au nord, précisément au quartier Abraj Cheikh Zayed, des tirs d’artillerie ont pilonné des habitations, faisant là encore un carnage parmi la population civile.
A Khan Younès, le bombardement d’une école où se sont réfugiés des déplacés a fait au moins 5 morts et d’autres cortèges de blessés, à l’aube de ce vendredi, indique Wafa. S’y ajoutent quatre autres morts suite à des frappes dirigées contre la maison de la famille Abou Nasr à l’ouest de Khan Younès, précise la même source. Plusieurs autres quartiers de Khan Younès ont été pilonnés avec acharnement depuis la nuit de jeudi «et ont fait des dizaines de morts et de blessés».
Dans le sud, il y a aussi la ville de Rafah qui continue à subir un véritable déluge de feu. Des frappes aériennes ont ciblé une zone d’habitation à proximité de l’hôpital koweïtien, faisant des dizaines de morts. Des raids meurtriers s’en sont également pris à des quartiers d’habitation à Deir El Balah et Nuseirat, au centre de la Bande de Ghaza.
Les intempéries accentuent les souffrances des Palestiniens
A la pluie de bombes et d’obus faisant chaque jour un carnage, s’ajoutent les rigueurs de l’hiver qui s’installe et les intempéries qui ont transformé les sites surpeuplés, où s’entassent les centaines de milliers de déplacés, en cloaques. Le Bureau de coordination des affaires humanitaires de l’ONU (OCHA) a indiqué jeudi que «de nombreuses zones de l’enclave palestinienne ont été inondées, aggravant la situation des Palestiniens déplacés».
Sur le terrain des affrontements, les factions de la résistance palestinienne continuent à infliger des pertes à l’armée sioniste. Abou Obeida, le porte-parole militaire des Brigades Al Qassam cité par Al Jazeera, a affirmé, jeudi dernier, que la branche militaire du Hamas a éliminé 36 soldats israéliens, entre mardi et jeudi, et en a blessé des dizaines d’autres. Les Brigades Azzeddine Al Qassam disent en outre avoir détruit 72 engins militaires israéliens durant la même période.
Au niveau politique, le président de l’Autorité palestinienne, Mahmoud Abbas, a reçu hier Jake Sullivan, conseiller à la Sécurité nationale à la Maison-Blanche.
Au cours de cet entretien, M. Abbas a insisté sur l’urgence de stopper l’agression israélienne et d’imposer un cessez-le-feu. Il a réitéré son rejet de toute tentative de pousser à l’exode les Palestiniens de Ghaza et les forcer à abandonner leur terre, soulignant avec énergie que «la Bande de Ghaza est partie intégrante et inséparable de l’Etat palestinien». Mahmoud Abbas juge en effet «inacceptables» les plans israéliens d’isoler la Bande de Ghaza du reste des Territoires palestiniens. Il a fait savoir en outre à l’émissaire américain que «la paix et la sécurité ne se réaliseront qu’à travers l’application de la solution de deux Etats».
Le témoignage accablant d’une journaliste de CNN
Jake Sullivan et l’administration américaine seront peut-être sensibles au témoignage bouleversant de la journaliste de CNN Clarissa Ward qui a réussi à pénétrer au sud de la Bande de Ghaza sans escorte israélienne. C’est une première dans la mesure où elle est parvenue à entrer sans être «embeded» ou chaperonnée par le service de presse de Tsahal.
Elle n’a vu qu’une goutte des horreurs que subissent les Palestiniens au quotidien et elle en a été profondément secouée, même si elle est familière des zones de conflits. «En tant que correspondante de guerre qui fait ce métier depuis près de 20 ans, et surtout en tant que mère, on ne s’habitue jamais à voir des enfants mutilés, défigurés, qui ont perdu toute leur famille. Je ne pense pas que nous ayons jamais vu cela à une telle échelle», témoigne-t-elle sur CNN.
Clarissa Ward a visité un hôpital de campagne aménagé dans un stade. Elle y a découvert «des enfants défigurés, recouverts de brûlures». Pour elle, «Ghaza restera l’une des grandes horreurs de la guerre moderne». Si Clarissa Ward a eu la vie sauve après sa courageuse incursion dans la Bande de Ghaza, d’autres journalistes n’ont pas eu cette chance, en particulier les correspondants sur place. Hier, deux correspondants d’Al Jazeera ont été blessés en couvrant les bombardements à Khan Younès.
Il s’agit du reporter emblématique Wael Dahdouh, le même qui avait perdu auparavant sa femme et ses enfants dans un raid aérien, le 25 octobre dernier, au sud de Ghaza. Fort heureusement, ses jours ne sont pas en danger. Il y a aussi le cameraman d’Al Jazeera Samer Abou Dakka «qui est blessé, étendu sur le sol et assiégé à l’école Ferhana à Khan Younès» indiquait hier un bandeau d’information de la chaîne qatarie.
Selon le Bureau gouvernemental des médias à Ghaza, 87 journalistes ont été tués depuis le début de l’agression sioniste. Dans son rapport annuel publié jeudi, RSF a qualifié ce que subit la presse dans l’enclave palestinienne du fait des crimes de guerre israéliens de «cimetière pour les journalistes».