10 Milliards de dinars de biens saisis : Le trésor caché de Mahieddine Tahkout

15/03/2022 mis à jour: 00:10
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Photo : D. R.

Les services de sécurité ont perquisitionné plusieurs hangars appartenant à l’homme d’affaires MahieddineTahkout à Alger et Béchar, et procédé à la saisie de nombreux véhicules, camions et motos ainsi que des conteneurs de pièces de rechange, d’une valeur de 10 milliards de dinars.

C’est la troisième fois que des tentatives de dissipation et d’évasion de biens placés sous la surveillance de la justice sont déjouées, suscitant de lourdes interrogations sur le rôle des administrateurs judiciaires.

Après la grande opération de saisie et de confiscation des biens d’hommes d’affaires et de hauts fonctionnaires de l’Etat, poursuivis ou condamnés par la justice pour des affaires de corruption, menée il y a plus d’une quinzaine de jours, le pôle financier a ordonné durant le week-end dernier plusieurs perquisitions simultanées dans de nombreux hangars appartenant au patron du groupe Cima-Motors, Mahieddine Tahkout, situés à Ouled Fayet, Dar El Beïda, Réghaïa, Staoueli et Béchar où étaient dissimulés des biens non déclarés à la justice et appartenant à l’homme d’affaires, à des membres de sa famille et des proches.

Dans son communiqué rendu public hier, la Sûreté nationale a indiqué que «ces biens n’ont été ni répertoriés ni déclarés à l’administrateur judiciaire et aux parties judiciaires concernées par les saisies, et ce, dans le but de les transférer et de les vendre de manière illégale». Il s’agit, selon la police, de 507 véhicules, dont 267 voitures de luxe, 84 camions de différentes marques, un jet-ski, des bateaux de plaisance, de grosses motos et plus de 800 caisses de pièces détachées, ainsi que 30 conteneurs avec 63 moteurs neufs pour autobus, d’une valeur totale de 10 milliards de dinars (1000 milliards de centimes).

La Sûreté nationale a précisé qu’«une partie de ces véhicules était déjà immatriculée frauduleusement et une autre sur le point d’être régularisée, avec la complicité d’agents de l’administration».

La Sûreté nationale a révélé, par ailleurs, que 24 personnes impliquées dans cette affaire, parmi lesquelles des membres de la famille de Mahieddine Tahkout et des proches, ont été déférées devant la justice pour «dissipation de produits de crimes dans le but de cacher leur origine», «blanchiment d’argent». Selon nos sources, de nombreux véhicules ont été régularisés avec de faux documents, notamment de fausses licences d’anciens moudjahidine.

Il faut dire que c’est la troisième fois que le pôle financier près le tribunal de Sidi M’hamed déjoue des opérations de fuite de biens placés sous l’autorité de la justice, à travers un administrateur judiciaire. La première concernait le navire Imadghassen, appartenant à une des sociétés de l’homme d’affaires Hacène Arbaoui, concessionnaire de la marque automobile Kia Motors (détenu pour une affaire de corruption).

Le bateau a été immobilisé en France dans des conditions troublantes, à la suite d’une action en justice intentée par la société privée Anisfer, qui lui réclamait le paiement d’une somme de 24 millions de dollars sous peine d’être saisi. Une action qui n’aurait jamais du avoir lieu en France, dans la mesure où la société plaignante est de droit algérien tout autant que le navire qui était de surcroît sous le contrôle de l’administrateur judiciaire. La justice a soupçonné une tentative de vente du navire avec un présumé consentement de ses propriétaires initiaux.

L’intervention du pôle financier auprès de la justice algérienne a mis fin à cette saisie et ramené le navire à son port d’attache, Alger. Le procureur général, près la cour d’Alger, avait, dans une conférence de presse, évoqué «une tentative de blanchiment de produits de crime, de dissipation de biens et de transferts illicites de biens». Autant de griefs qui démontrent que le contentieux commercial opposant l’armateur à Anisfer n’était qu’un simple enrobage pour détourner le navire.

Une opération similaire a été tentée par des proches du patron de l’ETRHB, Ali Haddad, afin de vendre, par procuration, l’hôtel qu’il possède à Azzefoun, dans la Petite Kabylie, mais la transaction n’a pu être finalisée.

L’autorité judiciaire avait saisi les notaires au niveau national pour leur interdire toute transaction de vente, d’achat ou de location des biens d’une longue liste d’homme d’affaires et de hauts responsables de l’Etat, poursuivis pour des affaires de corruption.

Mais beaucoup de biens non déclarés ont échappé au contrôle de l’administrateur, dont la mission est justement de faire en sorte de recenser les actifs et de les protéger de toute opération de dissipation et de fuite. De lourdes questions se posent sur les critères de choix de ces derniers et sur leur contrôle par l’autorité judiciaire. 

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