Il est soutenu par l’extrême droite : La France se rapproche du vote d’un projet de loi sur l’immigration

20/12/2023 mis à jour: 19:16
AFP
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Marine Le Pen (Photo : AFP)

Après des semaines de feuilleton législatif, députés et sénateurs se sont mis d’accord sur un projet de loi controversé relatif à l’immigration en France, marqué à droite et que l’extrême droite votera, la gauche dénonçant un «grand moment de déshonneur» pour le gouvernement français. 

Une commission mixte paritaire comprenant sept députés et sept sénateurs de tous bords, qui s’était réunie de longues heures lundi soir, en vain, a fini par trouver un compromis hier après-midi, selon des sources parlementaires, basé sur une distinction instituant selon la gauche et l’extrême droite une «priorité nationale» pour les Français face aux étrangers.  
Selon des sources parlementaires, ce texte scellé avec peine est notamment basé sur une distinction entre les étrangers non communautaires selon qu’ils sont ou non «en situation d’emploi» pour plusieurs types de prestations sociales. «C’est une bonne chose : des mesures qui protègent les Français, de fermeté indispensable vis-à-vis des étrangers délinquants, et des mesures de justice comme la fin (historique) de la rétention des mineurs ou de régularisation pour les travailleurs» sans-papiers, a commenté le ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin sur X.    
La présidente du groupe Rassemblement national (extrême droite) à l’Assemblée, Marine Le Pen, a salué «une victoire idéologique» de son parti, annonçant que les députés de son parti voteraient le texte «puisqu’il est inscrit maintenant dans cette loi la priorité nationale, c’est-à-dire l’avantage donné aux Français par rapport aux étrangers présents sur notre territoire dans l’accès à un certain nombre de prestations sociales».
 

A l’origine, le projet de loi, critiqué à gauche pour sa dureté, se voulait un marqueur du «en même temps» cher au président Emmanuel Macron, avec d’un côté un volet répressif sur l’expulsion des étrangers en situation illégale et de l’autre la promesse de régulariser certains travailleurs dans les métiers en tension, comme la restauration. 

Mais il a été rejeté avec fracas la semaine dernière à l’Assemblée nationale par les oppositions allant de l’extrême gauche à l’extrême droite, fragilisant le camp présidentiel qui ne compte qu’une majorité relative au Parlement. 
Pour s’assurer du soutien des Républicains (LR, le parti de droite classique), dont les positions sur l’immigration se sont rapprochées de celles de l’extrême droite ces dernières années, le gouvernement a donc multiplié les concessions, au risque de s’aliéner la frange plus centriste de ses propres parlementaires. 
 

«Honte absolue»

«J’espère qu’il y aura dans les rangs de la majorité des femmes et des hommes de courage et de principes pour 
refuser cette compromission», a réagi le chef des députés socialistes Boris Vallaud. «Personne n’était obligé de se donner comme ça aux Républicains et à l’extrême droite», a-t-il encore fait valoir, qualifiant le compromis trouvé de «moment de déshonneur pour le gouvernement», de «honte absolue». 

 Théorisée dans les années 1980 par les cadres du Front national, l’ancêtre du RN, la «préférence nationale», depuis rebaptisée «priorité nationale», est l’un des fondements de la pensée de ce parti et de son programme, qui lui a longtemps valu en partie son ostracisation dans la classe politique française. Mais cette idée est devenue «débattable», après deux défaites de Marine Le Pen au second tour des deux dernières présidentielles, et un RN à 27%  d’intention de vote pour les européennes de juin 2024, loin devant toute autre formation politique, observe le politologue spécialiste de l’extrême droite Jean-Yves Camus. 

 «Il y a encore cinq ans, quand les chances de victoire de Marine Le Pen n’étaient qu’une chimère, ce type de propositions n’aurait pas passé la rampe», relève-t-il. Sujet récurrent en France, comme dans de nombreux pays européens, sur fond de montée des partis d’extrême droite et populistes, l’immigration enflamme régulièrement la classe politique française... quand une réforme très controversée sur le sujet est également en discussion à Bruxelles. La France compte 5,1 millions d’étrangers en situation régulière, soit 7,6% de la population. Elle accueille plus d’un demi-million de réfugiés. Les autorités estiment qu’il y aurait de 600 000 à 700 000 clandestins. Selon un récent sondage, deux tiers des Français pensent que l’immigration extra-européenne peut être un danger pour leur pays.  
 

Des régularisations sont pourtant souhaitées par une partie du patronat français, alors que des centaines de milliers de postes sont vacants dans des secteurs tels que l’hôtellerie-restauration, le bâtiment ou encore l’agriculture, faute de main-d’œuvre. L’Italie, où la Première ministre Giorgia Meloni s’était fait élire sur un discours anti-immigrés, a depuis autorisé les plus importants quotas d’immigration légale depuis des années, sur fond de vieillissement de sa population. Quelque 452 000 permis seront accordés à des travailleurs étrangers entre 2023 et 2025.   

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