Quels sont les motifs de l’obligation d’assurance des catastrophes naturelles dans notre pays ?
Je tiens d’abord à rendre hommage aux victimes du tremble de terre qui vient de toucher la Turquie et la Syrie, et présenter mes condoléances aux peuples turc et syrien ; c’est un drame, ça doit nous interpeller. Justement, c’est devant les drames des inondations de Bab El Oued du 10 novembre 2001, qui a causé 900 morts et 297 millions de dollars de dégâts matériels, et le tremblement de terre de Boumerdès du 21 mai 2003, qui a causé 2278 morts, 10 147 blessés, 180 000 sans-abri et presque 3 milliards de dollars de dégâts matériels, que les pouvoirs publics ont été contraints à mettre en place, en urgence, dès le mois d'août 2003, le système d’assurance obligatoire des catastrophes naturelles – un système hybride de solidarité et d’assurance – pour alléger le financement des pertes économiques consécutives aux catastrophes naturelles par le Trésor public.
Avant ce système d’assurance obligatoire des catastrophes naturelles, ces dernières étaient gouvernées par le Fonds des calamité naturelles (FCN).
Malgré l’obligation d’assurance, l’adhésion reste très faible. Pourquoi ?
Le taux de couverture des risques de catastrophes naturelles, comme les autres risques d’ailleurs, reste très faible. On n’a pas encore pris la mesure du danger. De part sa situation géographique, notre pays est très exposé aux catastrophes naturelles. Je pense que c’est la culture du risque qui fait défaut. Il faut arrêter de parler de la culture de l’assurance. L’Algérien n’est pas averse aux risques, il n’est même pas averse aux pertes. C’est l’aversion aux risques qui stimule la demande d’assurance. C’est l’occasion pour les assureurs de changer son fusil d’épaule pour communiquer sur les risques qui mettent en péril, tous les jours, la vie et le patrimoine des Algériens.
Avez-vous une idée sur le chiffre d’affaires des assurances contre les catastrophes naturelles ?
Selon les déclarations de certains acteurs du marché des assurances lors des rencontres sur les assurances, la part des assurances de catastrophes naturelles est de 2%, soit environ 2 600 000 000 DA.
Si par malheur, que Dieu nous préserve, nous étions touchés par une catastrophe naturelle, notre économie serait fortement affectée. Les valeurs exposées à ces risques sont très importantes par rapport aux valeurs couvertes par l’assurance CATNAT. Nous sommes aujourd’hui devant une situation de sous-assurance. La capacité d’indemnisation de l’assurance CATNAT sera largement dépassée et l’Etat sera obligé de mettre à contribution le Trésor public, comme il l’a déjà fait pour les incendies des forêt.
Quels sont les efforts consentis par l’Etat pour justement encourager l’assurance ?
Le fait de rendre l’assurance CATNAT obligatoire est déjà un acte fort pour encourager cette assurance. Après, il appartient aux assureurs de la développer. On est toujours devant un marché de l’offre qui a montré ses limites. Pour preuve, le taux de pénétration reste toujours faible malgré l’overdose de la communication sur les assurances. Il est temps d’aller vers un marché de la demande qui passe par le développement de la culture du risque, qui doit changer totalement les comportements des agents économiques face aux risques. Quant au rôle de l’Etat face à des événements de grande ampleur, il demeure très important dans la politique de prévention et de protection contre ces risques, c’est ce qu’il a déjà fait en 2003 en édictant de nouvelles règles de construction.
Comment sont gérées les primes de cette assurance ?
Les cotisations des assurances CATNAT alimentent un compte spécial de la CCR (Compagnie centrale de la réassurance) conformément à l’article 8 du décret exécutif n° 04-271 du 29 août 2004.
Recommandez-vous l’assurance habitation en complément ?
Si par votre question, vous voulez dire si l'on peut intégrer l’assurance CATNAT dans l’assurance habitation, non. Avec ou sans l’assurance habitation, l’assurance CATNAT est obligatoire pour tous les propriétaires d’un bien immobilier situé en Algérie. Ce n’est pas le même système d’assurance. En revanche, je recommande vivement l’assurance habitation. Dans cette assurance, la garantie la plus importante c’est la garantie responsabilité civile chef de famille. Je vais vous donner un exemple pour illustrer l’intérêt de cette garantie : imaginer votre enfant mineur qui n’est pas titulaire d’un permis de conduire prend votre voiture à votre insu pour faire un tour avec ses amis, pour se distinguer. En cours de route, manque de chance, il fait un accident corporel grave qui cause le décès de ses amis. Les dommages causés par la conduite sans permis de conduire sont exclus de l’assurance automobile et la justice vous condamne à verser une indemnité de 6 000 000 DA aux ayants droit des victimes. La solution devant ce cas, c’est l’assurance habitation qui coûte entre 4000 et 5000 DA. En souscrivant un contrat d’assurance qui est un acte de prévoyance, nous avons transformé une perte de 6 000 000 DA en une prime d’assurance de 4000 ou 5000 DA. L’assurance est un mal pour un bien.
Il vaut mieux s’assurer même s’il n’arrive rien que de ne pas s’assurer et qu'il arrive quelque chose de grave.