Hantise de la «submersion» migratoire au nord de la Méditerranée : Vigilance et lutte à grand renfort de technologies

22/07/2023 mis à jour: 01:56
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La ruée de migrants maghrébins et subsahariens vers l’Espagne est susceptible d’accélérer et renforcer le déploiement de nouveaux systèmes intelligents de renseignement et de surveillance des frontières de l’Europe.

Considérant le nombre sans cesse grandissant de tentatives de franchissement illégal de leurs frontières maritimes, enregistrées ces dernières semaines, le scénario que les autorités espagnoles et italiennes redoutaient, il y a tout juste une année, semble se produire. Le courant migratoire depuis la rive sud de la Méditerranée s’est, en effet, bel et bien maintenu et il risque d’atteindre des niveaux record.

Les traversées irrégulières vers le littoral andalou se multiplient à un rythme effréné. Si des centaines de tentatives d’émigration clandestine ont pu être mises en échec par nos gendarmes et garde-côtes, de plus en plus nombreux sont les harragas maghrébins et subsahariens, des jeunes et moins jeunes, comme d’habitude, des femmes, des bébés, mineurs et, plus surprenant, des familles au complet, à avoir déjà donné de leurs nouvelles de la péninsule ibérique, désormais la première porte d’entrée en Europe devant l’Italie et la Grèce.

La constellation de points rouges signalant les débarquements quasi simultanés sur les rivages alentour d’Almería, d’Alicante ou de Murcie, au sud-est de l’Espagne, de petits rafiots ou  d’embarcations extrêmement rapides, appelés «essari3» dans le jargon de la harga, ayant visiblement mis sous haute tension la Guardia civile et le réseau du système de surveillance des eaux territoriales andalouses ; SistemaIntegrado de Vigilancia Exterior (Système intégré de vigilance extérieure, SIVE que dirige le ministère de l’Intérieur espagnol).

Donnant également du fil à retordre aux limiers du Centro Nacional de Intelignencia (Centre national d’intelligence, CNI),  service de renseignement et de contrespionnage espagnol, ainsi qu’aux soldats de Frontex, l’agence européenne de contrôle et de gestion des frontières extérieures de l’espace Schengen, dont le vaste réseau de radars maritimes serait tout aussi submergé, cette ruée de migrants maghrébins et subsahariens vers l’Espagne est susceptible d’accélérer et renforcer le déploiement de nouveaux systèmes intelligents de renseignement et de surveillance des frontières de l’Europe.

Il s’agit, entre autres, d’aérostats (ballons captifs), «conçus pour évoluer jusqu’à 600 mètres d’altitude et résister à des vents de 110 km/h, ils peuvent embarquer 90 kilos de charge utile» déjà testés début 2021, en en mer Egée (Grèce), en vue de prévenir les risques de débarquements de migrants via des canaux illégaux sur les territoires de l’UE, en provenance de la rive sud. Le premier aérostat a été implanté sur le continent, à Alexandroupolis, au nord-est de la Grèce, près de la frontière avec la Turquie. Le second sur l’île de Lemnos, en mer Egée. Des zones où Frontex et les autorités grecques doivent notamment gérer les flux de migrants tentant de gagner l’Europe depuis les côtes turques.

L’autre objectif de ce dispositif de surveillance intelligent étant la lutte contre le crime organisé transfrontalier et les trafiquants d’êtres humains, ces vendeurs de rêves européens, agissant du côté nord comme du côté sud de la Méditerranée.

Là où les plus-values et retours d’expérience, longtemps miroités par Frontex ce «Corps d’armée» européen, pourtant doté de colossaux moyens humains, financiers et matériels, n’ont pas pu être à la hauteur de ce qui en était attendu. Raison pour laquelle, les autorités françaises ont décidé d’agir, de leur côté, pour repousser les migrants irréguliers qui tentent de gagner l’Hexagone depuis l’Italie ou l’Espagne.

En effet, la Police aux frontières (PAF) relevant du département des Pyrénées-Atlantiques a été autorisée à déployer, depuis début juillet en cours, de drones survolant une zone de plus de 20 km² au «sud d’Hendaye et d’Urrugne, sur la Bidassoa et dans la zone montagneuse», aux fins surveiller le passage de migrants à la frontière franco-espagnole. Mesure qui sera, rapidement, suspendue sur décision judiciaire rendue publique le 14 juillet, suite à une procédure engagée en référé par des associations humanitaires, selon les médias français.

Par ailleurs et toujours dans le cadre de lutte anti-migration illégale, la préfecture des Alpes-Maritimes a autorisé, à la demande de la direction départementale de la police aux frontières, le déploiement de drones, technologiquement puissants, destinés à la surveillance de portions de la frontière franco-italienne communes de - Menton, Castellar, Sospel et Breil-sur-Roya - «face à la hausse des flux de migrants clandestins».

La mise en place de ces dispositifs est motivée par «la difficulté du terrain et la présence de nombreux sentiers permettant de contourner le dispositif de lutte contre l’immigration irrégulière clandestine rendent matériellement impossible de prévenir le franchissement irrégulier de la frontière (...) sans disposer d’une vision aérienne dynamique sur l’ensemble de ces périmètres».

D’autant que, argumente-t-on, «depuis le début de l’année 2023, le flux migratoire en provenance de l’Italie a été multiplié par quatre»… «9000 individus en situation irrégulière ont été interceptés». Situation qualifiée par des députés locaux et nationaux, d’«explosive», dans les Alpes-Maritimes surtout, où, ajoute-on, «se concentrent plus du tiers des mineurs isolés étrangers arrivés en France depuis janvier, soit environ 2000 sur 5000 au total». D’où l’appel persistant à «la mobilisation de moyens massifs pour enrayer la submersion migratoire en cours à la frontière franco-italienne». C’est dire que de l’autre côté de la méditerranée, l’on ne parvient, décidément, toujours, pas à retenir ses enfants.

Combien de citoyens originaires du Maghreb ont pris le chemin de l’exil ? Quel est le nombre exact des naufragés du rêve européen, c’est-à-dire les harraga pour qui l’aventure s’est brutalement arrêtée au cœur de la Grande bleue ou leurs semblables, à ce jour portés disparus ?  Apparemment, personne ne le sait avec exactitude, y compris le Haut commissariat des Nations unies pour les réfugiés et l’Organisation internationale pour les migrations (OIM).

Les deux organisations, censées disposer de chiffres précis sur les mouvements migratoires, réguliers ou irréguliers, dans le monde, reconnaissent à chaque fois : «Des centaines de cas de naufrages invisibles sont signalés par des ONG en contact direct avec les personnes à bord ou avec leurs familles. Ces cas, qui sont extrêmement difficiles à vérifier, indiquent que le nombre de morts le long des itinéraires maritimes vers l’Europe est bien plus élevé que ce que les données disponibles indiquent».


 

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