Guerre contre Ghaza : Bombe à retardement en Israël

20/05/2024 mis à jour: 00:54
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Des milliers d’Arabes israéliens manifestent régulièrement pour réclamer la fin de l’agression contre Ghaza - Photo : D. R.

Près de deux millions de personnes épuisées, endeuillées par la perte de 35 000 victimes, dont 15 000 enfants, survivent sur un territoire entièrement ravagé et où plus de 70% des habitations, des hôpitaux, des écoles et autres infrastructures ont été détruits.

Tragiques balbutiements de l’histoire. Le 15 mai dernier, à l’instar des Palestiniens de Cisjordanie, ou d’ailleurs dans les camps de réfugiés, les Ghazaouis, sous les bombes, dans la souffrance, le martyre et le déplacement forcé imposés par l’armée israélienne d’occupation, se sont remémorés la Nakba – la Grande Catastrophe. Une profonde meurtrissure qui allait marquer à jamais la conscience collective palestinienne.

La Nakba de 1948 au cours de laquelle 800 000 Palestiniens, chassés de force de leurs terres par les hordes terroristes et les groupes paramilitaires sionistes, furent contraints à l’exil forcé, abandonnant leur patrie, la Palestine. Aujourd’hui, comme leurs parents ou leurs grands-parents, il y a 76 ans, les Ghazaouis sont forcés de se déplacer sous le feu de l’artillerie, des bombardements et des tirs meurtriers des militaires israéliens.

Pour beaucoup, il s’agit du énième déplacement contraint, une fuite désespérée pour tenter de mettre à l’abri femmes et enfants, en espérant les préserver de la faim et des maladies qui ne tarderont sans doute pas à apparaître, après plus de 220 jours d’une agression d’une féroce intensité, rarement atteinte dans l’histoire. Près de deux millions de personnes épuisées, endeuillées par la perte de 35 000 victimes, dont 15 000 enfants, survivent sur un territoire entièrement ravagé et où plus de 70% des habitations, des hôpitaux, des écoles et autres infrastructures ont été détruits.

Et surtout où l’on manque de tout, il n’y a pas d’eau, pas de vivres, pas de médicaments… Mais la dignité est toujours là, la détermination à ne pas quitter les lieux est encore plus forte. Ne pas céder à un départ qui risque d’être sans retour, comme en 1948. De cette alternative imposée par une armée d’occupation, la plupart, sinon la totalité des Palestiniens n’en veulent pas.

Ceux de Cisjordanie n’ont pas été en reste dans l’exercice de ce devoir de mémoire, en dépit des exactions quotidiennes de l’armée d’occupation sioniste, des bombardements, de pilonnages des quartiers arabes et des arrestations massives. Sans compter les attaques et provocations des colons juifs, contre les villages et leurs habitants palestiniens. Autant de crimes de guerre qui rempliraient des milliers de pages d’un réquisitoire contre Israël pour le génocide ordonné par Netanyahu et les suprémacistes racistes de son gouvernement.

Des drapeaux palestiniens en Israël

Ce vent de colère et de révolte a soufflé jusqu’en Israël où des dizaines de milliers de manifestants d’origine palestinienne se sont rassemblés en mémoire de la Nakba, près de Haïfa, sur les ruines des villages détruits par les hordes terroristes et les groupes paramilitaires sionistes, en 1948.

En dépit de la répression et de la stigmatisation particulière dont ils sont actuellement l’objet de la part des autorités israéliennes et d’une majorité de juifs, surtout depuis le 7 octobre 2023, ils ont pu manifester le 14 mai qui correspond chez les sionistes à la célébration de «l’indépendance» de l’entité sioniste, un jour avant la commémoration de la Nakba. Car il faut savoir que toute référence à la Grande Catastrophe est interdite et sévèrement réprimée par les autorités de Tel-Aviv sur l’ensemble du territoire israélien.

Selon les observateurs présents, on n’aura jamais vu autant de drapeaux palestiniens, brandis des protestataires qui ont scandé «Ghaza ne s’agenouillera jamais devant les chars et les canons».

Une réponse cinglante à la face de Netanyahu et des suprémacistes racistes juifs de son gouvernement et de l’establishment comme un désaveu, une condamnation par les citoyens d’origine palestinienne représentent plus de 21% de la population de l’entité sioniste. Citoyens, mais de seconde zone malgré tout, en vertu de la Constitution de 2018, qui affirme qu’Israël est un «Etat national juif», excluant d’emblée tous ceux qui ne sont pas de confession juive. Amnesty International n’a pas manqué de souligner de manière détaillée l’Etat d’apartheid qui frappe les populations non juives, c’est-à-dire d’origine palestinienne essentiellement.

Les inégalités, les injustices en termes de droits humains, ont été abondamment recensées dans son rapport de 2022. Il fait ressortir combien ces citoyens non juifs, majoritairement d’origine palestinienne, sont discriminés et ségrégués dans leur quotidien par rapport aux citoyens juifs. Un Etat d’apartheid au sens plein du terme. Que d’ailleurs Netanyahu, lui-même, a précisé en 2019, en déclarant qu’Israël «n’est pas l’Etat de tous ses citoyens, (…) mais l’Etat-nation du peuple juif et uniquement du peuple juif».

Des citoyens de seconde zone, mais qui tiennent à rappeler leur origine et leur profond attachement à Ghaza, face au génocide ordonné par le gouvernement raciste, du pays dans lequel ils vivent et où ils subissent en permanence une discrimination raciale, raison de leur origine et une ségrégation en termes de droits par rapport à la majorité juive.

Manifester le 14 mai dernier leur a permis d’exprimer leur unité, avec tous les autres Palestiniens, qu’ils vivent à Ghaza, en Cisjordanie ou ailleurs, et de s’opposer à la fragmentation de leur peuple que le régime génocidaire de Tel-Aviv cherche à imposer dans les faits, par la violence depuis 76 ans.

Tout comme ils l’ont fait en 2021, en répondant massivement à l’appel à la grève, dans toutes les villes et villages israéliens, comme à Ghaza, en Cisjordanie et dans les territoires occupés, pour protester contre l’expulsion des habitants palestiniens du quartier de Cheikh Jarrah, à Jérusalem, par l’administration et l’armée d’occupation, soutenus par les colons sionistes.

La manifestation du 14 mai dernier marque, peut-être, la fin de l’isolement des groupes palestiniens là où ils se trouvent, qu’ils soient sous le contrôle direct de l’armée et de l’administration sionistes ou non, et ce, dans le seul but d’imposer une fragmentation de la société palestinienne pour éliminer toute forme de dissidence et de résistance.

C’est dans ce sens que l’on peut supposer qu’à l’avenir, les gouvernements suprémacistes racistes sionistes risquent d’être confrontés à une dissidence remarquable et une résistance particulière des Palestiniens d’Israël. Une véritable bombe à retardement.

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