Ghar Ouchetouh à Taxlent (Batna) : Il y a 66 ans, le massacre de 118 civils innocents

24/03/2025 mis à jour: 00:23
590
Photo : D. R.

Au village de Tarchiouine, dans la commune de Taxlent (wilaya de Batna), les habitants se remémorent encore dans les moindres détails les faits tels qu’ils lui ont été racontés par les survivants du massacre commis les 21, 22 et 23 mars 1959, en plein mois de Ramadhan à la grotte de Ghar Ouchetouh, dans la montagne à Taghit, où l’armée française avait tué 118 civils désarmés, principalement des femmes et des personnes âgées, en utilisant des gaz chimiques interdits. Personne n’a oublié les deux jeunes hommes de la région, ceinturés d’explosifs, que l’on avait poussés dans la grotte pour les faire sauter au milieu des civils.

La déflagration entendue à des kilomètres à la ronde avait fait détacher des pierres ayant écrasé des dizaines de corps inanimés en raison de l’inhalation de gaz chimiques lâchés depuis l’entrée de la grotte par les soldats français. Survivants de ce massacre, Mohamed Frik (gardien de la grotte à l’époque) et Omar Mezghiche ont témoigné que l’attaque de la grotte par l’ennemi avait provoqué des scènes horribles de corps entassés les uns sur les autres, entre morts carbonisés et morts par asphyxie au gaz. Selon Mohamed Frik, «le chaos était tel que la majorité des personnes blessées avait succombé après d’atroces souffrances».

Les quelques personnes qui avaient pu s’échapper de la grotte après le début de l’attaque aux gaz toxiques ont reçu les balles des soldats de l’armée française postés aux abords de la cavité. Selon les mêmes témoignages, la grotte d’Ouchetouh était un refuge pour les habitants de Taxlent et des régions voisines lors des ratissages de l’armée coloniale. D’ailleurs, les chefs de la Révolution en firent, tour à tour, un hôpital de campagne pour soigner les combattants malades ou blessés, puis un atelier pour confectionner des uniformes pour les moudjahidine.

Concernant la découverte de la grotte par les forces coloniales, les moudjahidine Belkacem Kharchouche et Abderrahmane Abidri soutiennent que cela avait eu lieu après une bataille qui avait pour théâtre la montagne de Rifaâ, donnant lieu à l’encerclement de la zone puis une opération de ratissage soutenue par les forces de l’OTAN. Sentant un mouvement des troupes ennemies, les habitants de la région, à la vue d’un hélicoptère de combat survolant la zone, confortés dans leur certitude que les soldats français n’allaient pas tarder à arriver, se réfugièrent dans la grotte, ignorant à ce moment-là que c’était leur dernière fois.

Des scènes d’horreur

Comble d’infortune, les forces françaises avaient emprunté un itinéraire passant par l’oued de Tarchiouine qui longe la grotte. Le 21 mars 1959, un moudjahid qui s’était caché à Ghar Ouchetouh, convaincu qu’une attaque était imminente, tira sur un soldat qui s’approchait des lieux. Cela conduisit aussitôt après à un siège en règle de la grotte. Les soldats français commencèrent par lancer des grenades à l’intérieur de la cavité en attendant l’arrivée de renforts et de matériel.

N’obtempérant pas à l’ordre de se rendre, les occupants de la grotte essuyèrent plusieurs attaques féroces qui se poursuivirent les 22 et 23 mars, aboutissant au massacre de 118 martyrs. Les témoignages des survivants soutiennent que les corps de nombreuses victimes se trouvent encore à l’intérieur de Ghar Ouchetouh, dont le seul accès est bloqué par les rochers déplacés par les énormes explosions des deux bombes vivantes et les tirs nourris du siège mis en place par les forces coloniales. Selon Belkacem Kharchouche et Abderrahmane Abidri, des corps ont été retirés, bien plus tard, avec beaucoup de difficultés pour être enterrés au cimetière des martyrs de Tinibaouine, à Taxlent.

Le Dr Yazid Bouhenaf, spécialiste en histoire à l’Université Batna 1, affirme que les crimes français en Algérie, notamment les massacres commis contre des civils désarmés, sont des crimes contre l’humanité et rappelleront pour l’éternité le caractère abject des tueries perpétrées par la France coloniale.

A noter que le ministère des Moudjahidine et des Ayants droit a débloqué un montant de 5 millions de dinars  pour la réhabilitation du monument historique qui honore la mémoire des martyrs de ce massacre et rappelle la barbarie de ses auteurs, a fait savoir la directrice de wilaya du secteur, Nawal Boukhabia. La réhabilitation du monument comprend sa restauration et l’agrandissement de la superficie au cœur de laquelle il est implanté, ainsi que la réalisation d’une stèle où sont gravés les noms des 118 martyrs morts à Ghar Ouchetouh. A l’heure actuelle, des efforts sont déployés pour ouvrir un chemin permettant d’y accéder.                                                                   
 

Copyright 2025 . All Rights Reserved.