Festival international du théâtre de Béjaïa : Lahwawi, la passion éteinte

14/10/2024 mis à jour: 15:21
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Scène laissant entrevoir une histoire chaotique d’un artiste oublié à l’âme morte, après des années de labour et de générosité - Photo : D. R.

La trame de l’histoire Lahwawi fait l’impasse sur une descente aux enfers d’un artiste, préférant le présenter dans sa phase de «pré-mort».

La pièce théâtrale de la troupe de Polisario n’a pas eu lieu, samedi soir. Elle a été remplacée par un spectacle captivant de la troupe théâtrale de Constantine, intitulée Lahwawi, qui a surpris les amateurs du 4e art par ce qu’elle propose en termes de procédés techniques et artistiques, relayant comédie noire, poésie, humour et drame.

La pièce est produite par le théâtre régional de Constantine. Réalisé par Kamel Eddine Ferad, elle est une adaptation d’un texte de l’écrivain d’Anton Tchekhov, réécrit par Salah Eddine Terki. Le décor est fait d’instruments de musique, de livrets de solfège, un fauteuil moisi devant une table contenant des cigarettes et une bouteille de vin, dont la marque porte le nom d’un illustre savant et poète persan, dont le parcours reflète un tant soit peu la thématique.

Une scène laissant entrevoir une histoire chaotique d’un artiste oublié à l’âme morte, après des années de labour et de générosité. La trame de l’histoire fait l’impasse sur une décente aux enfers d’un artiste, préférant le présenter dans sa phase de «pré-mort». Emmitoufler  dans son canapé, lovant sa bouteille de vin, Lahwawi, personnage principal joué par le comédien Djamel Mezouari,  est un ancien chef d’orchestre, un écorché vif.

Fougue

Par ses souleries, ses soliloques, il cherche à atténuer une douleur ouverte et détresse souterraine. Au fil des situations, on découvre un personnage qui a tout perdu, le rêve, le désir, la passion, et surtout, sa femme Fatma, à cause de cette fougue, la musique, «qui ne nourrit pas son adepte», lui disait-elle dans ses souvenirs. 

Il ne lui reste que sa maison, ses instruments de musique qui l’ont accompagné des années durant à égayer et émerveiller le public. Apparaît en suite Saïd (Salah Eddine Terki) un jeune amateur de musique, un fan de l’oncle Lahwahi, comme il l’appelle. «Tu ne portes pas ton prénom, Saïd. Quand je te regarde, je vois autre chose que Saada (le bonheur). Tu es comme moi.» Saïd ne se laisse pas faire, il persévère pour réanimer la passion du maître en lui jouant un refrain : Bella ciao, un chant révolutionnaire italien, qui arrive tout de même à provoquer un frémissement chez Lehwawi. Mais cela n’a pas tardé à s’estomper. Le maestro refuse d’évoquer ce qu’il était, de réveiller ses passions, ses amours, ses souvenirs. Le troisième rôle, joué également par Terki, est un personnage atypique.

Louanges 

Un artiste peintre qui a trouvé l’idée géniale de rendre hommage au maestro. Terré dans sa chambre, Lahwawi ignorait que les gens le croyaient mort, la rumeur s’amplifie, de bouche à oreille, par les ondes des radios et l’antenne des télés. Mais cela lui a permis de connaître ce qu’on dit de lui à l’extérieur ; «que des louanges», s’étonne-t-il, avant d’éclater de rire, puisqu’il n’en recevait pas autant de reconnaissance et de considération jusqu’ici.

La pièce résume la situation de précarité des artistes touchant le fond au crépuscule de leur carrière, dans l’indifférence des autorités culturelles et du public. Or, au lieu de célébrer les sommités artistiques de leur vivant, on a tendance souvent à leur rendre hommage à grande pompe, à titre posthume. 

 

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