Pour les habitants et les commerçants, la décision d’intégrer une partie de cette artère névralgique dans l’espace de l’hôtel Cirta a plongé le quartier du Bardo dans un marasme économique et social.
L’annonce de la prochaine réouverture de l’hôtel Cirta au centre-ville de Constantine, après des travaux de réhabilitation d’envergure, a fait naître un sentiment d’espoir chez certains, mais pour les habitants et commerçants de l’avenue Rahmani Achour, plus connue par Bardo, cette nouvelle sonne le glas d’une situation déjà précaire.
La fermeture de l’entrée de cette artère névralgique, intégrée au projet de l’hôtel, a engendré un chaos indescriptible, plongeant le quartier du Bardo dans un marasme économique et social. Les riverains expriment une profonde amertume face à ce qu’ils perçoivent comme une expropriation injustifiée, voire illogique, de leur espace public. «L’absurde réside d’abord dans le squat d’une voie publique pour des travaux d’extension d’un hôtel historique, qui devrait être juste restauré.
Nous ne sommes pas contre la réhabilitation, mais nous contestons la procédure et la manière d’intégration de l’entrée de cette avenue dans un tel projet», a martelé un des habitants du Bardo rencontré sur les lieux. Et de poursuivre que l’Etat a le droit d’avoir recours à l’expropriation d’un terrain ou d’un bien pour la réalisation d’un projet d’utilité publique, à l’instar d’une voie routière, d’un hôpital ou autre.
Cependant et dans ce cas, ajoutent de nombreux riverains, les autorités ont bafoué la loi, en supprimant une partie importante de la route pour des travaux d’extension d’un hôtel. La déviation créée au niveau de la place Kerkri pour contourner l’hôtel Cirta est loin de fluidifier la circulation. Elle a, par contre, aggravé la situation, en provoquant des embouteillages monstres au centre-ville.
Pour fuir les bouchons, les chauffeurs de taxi desservant la ville d’El Khroub et la gare routière Est Sahraoui Tahar préfèrent faire demi-tour, accentuant le chaos. Des citoyens ont qualifié l’état des lieux d’anarchique.
Pour leur part, les commerçants se plaignent d’une baisse drastique de leur activité. Ils sont privés de stationnement, pareil pour leurs clients. «En tant que commerçant, cette fermeture m’a beaucoup pénalisé, je n’ai plus où stationner mon véhicule, de même que pour mes clients qui n’ont plus d’espace pour charger la marchandise. Les deux côtés de la route sont squattés par les chauffeurs de taxis qui hurlent toute la journée en quête de passagers», déclare un grossiste.
Un calvaire pour les piétons et les handicapés
Même le passage souterrain situé en face de l’hôtel Cirta ne sert plus à rien. Il est de plus en plus boudé par les piétons. Effectivement, l’accès dudit passage était sombre, dégageant non seulement des odeurs nauséabondes, mais surtout un pesant sentiment d’insécurité en plein jour.
Pour les piétons, le seul accès vers le quartier du Bardo est formé par des escaliers dégradés et glissants situés à proximité du siège de la première sûreté urbaine sur l’avenue Aouati Mustapha. Selon des témoignages, de nombreuses personnes âgées et enfants sont tombés en empruntant ces escaliers qui n’ont même pas fait l’objet de travaux de réhabilitation. Pour faire leurs courses quotidiennes, les habitants du quartier de Bardo vivent un véritable calvaire.
«Je défie n’importe quel responsable s’il peut transporter les courses quotidiennes, dont les sachets de semoule, du marché vers la rue Rahmani Achour en faisant le tour de la place Kerkri sur un trottoir étroit d’environ 50 cm avec un poteau d’éclairage en plein milieu, ou en descendant par les escaliers de tous les dangers.
Les autorités se moquent de l’intelligence des citoyens», renchérit un citoyen en rappelant que l’ancien maire de la ville, Nadjib Arab, avait refusé d’octroyer l’entrée de cette rue à l’hôtel Cirta, en raison de son importance. Aujourd’hui, nos interlocuteurs affirment que toute la population est pénalisée, sans prévoir un accès à côté de l’hôtel Cirta pour faciliter la circulation piétonne vers les habitations et les commerces.
Le plus grave dans tout cela est le fait que toutes les autorités n’ont même pas pensé aux handicapés. L’absence d’accès pour les personnes à mobilité réduite est une autre illustration du mépris affiché par les responsables envers les citoyens.
Pourtant, le local de l’Association des handicapés moteurs de la wilaya de Constantine se trouve sur cette même artère, mais aucune solution n’a été envisagée pour faciliter leur accès. Une femme en chaise roulante a dû être portée par ses voisins dans l’escalier dégradé, reliant l’avenue Aouati Mustapha à celle de Rahmani Achour, devant les regards de tous les passants indignés par ce manque flagrant d’humanité de la part des autorités.
Les riverains n’ont pas manqué de souligner les conséquences de telles décisions gravissimes, qui écartent la société civile et les habitants concernés. Face à cette situation intenable, les habitants du quartier de Bardo lancent un appel urgent aux autorités locales. Ils exigent la réouverture d’une partie de l’entrée de la rue Rahmani Achour, ne serait-ce que pour garantir un accès minimal aux piétons.
Une lettre, dont El Watan détient une copie, a été adressée à la présidence de la République, au ministère de l’Intérieur et au wali de Constantine, soulignant l’importance vitale de cette artère névralgique pour la ville. Les autorités sont appelées à prendre au sérieux la gravité de la situation et ouvrir un dialogue constructif avec les habitants concernés pour trouver une solution pérenne et respectueuse.