La responsabilité des banques a été mise en avant par le gouverneur de la Banque d’Algérie, du fait que la reprise du crédit n’a pas été au rendez-vous en dépit du redressement des liquidités à fin 2021.
L’objectif de sortir de la dépendance aux hydrocarbures semble s’éloigner encore davantage. Les crédits octroyés à l’économie durant l’année 2021 ont connu le très modeste taux de croissance de 3,8% et un niveau de liquidité en hausse de 72,7%.
Ces chiffres de la Banque d’Algérie attestent d’une certaine stagnation d’octroi de crédits en 2020-2021 par rapport à 2019-2020, au plus fort de la crise de la Covid-19, qui a enregistré 3% de croissance pour un niveau de liquidités qui affiche -42,6%. Cette situation, jugée décevante, a également fait réagir le gouverneur de la Banque d’Algérie, Rosthom Fadli, en décembre dernier, quand il a, à l’occasion de la rencontre annuelle avec les banques et établissements financiers, interpellé la communauté bancaire de la place.
«Je ne comprends pas pourquoi les banques ne suivent pas ce qui a été décidé par les pouvoirs publics pour la relance économique. Les banques sont réticentes à distribuer des crédits. 1500 milliards de dinars laissés sur les comptes de la Banque d’Algérie sont restés ‘‘oisifs’’.» «La liquidité bancaire s’est contractée suite aux répercussions économiques de la crise sanitaire.
Néanmoins, corrélativement aux mesures d’assouplissement monétaire, le niveau de la liquidité globale des banques s’est sensiblement amélioré à partir d’octobre 2021, passant de 632,3 milliards de dinars à fin décembre 2020 à 1485,6 milliards à fin novembre 2021», a-t-il indiqué (lire El Watan du 22 décembre 2021).
Interrogé, Mahfoud Kaoubi, économiste, explique ce paradoxe auquel fait allusion le patron de la Banque centrale. «La situation de liquidité s’est relativement améliorée durant le second semestre de 2021 grâce au plan de refinancement de 2300 milliards de dinars et à l’augmentation des prix du pétrole. Cependant, ce qu’il faut savoir, c’est que le rétablissement de la liquidité ne profite pas de la même manière à toutes les banques.
Car chacune d’elles a ses propres ratios et son propre portefeuille. Le plan de refinancement a profité, notamment, à certaines banques, comme la CNEP et le CPA, qui détiennent des créances dans l’immobilier, comme les OPGI et l’AADL, qu’ils récupèrent dans ce cadre là… Cela les soulage. Sinon, quant au reste, la liquidité n’est pas répartie de manière égale entre toutes les banques», a-t-il analysé.
Et d’ajouter : «Le processus d’octroi de crédits prend entre trois et quatre mois. Les banques, actuellement, sont préoccupées par d’anciens dossiers de traitement des crédits. Les 2100 milliards de dinars sont échelonnés sur trois années (un programme spécial de refinancement d’une durée d’une année, renouvelable deux fois, ndlr). Cela améliore donc à court terme, la trésorerie seulement.»
Rachat de créances et bons du Trésor
Kaoubi assure que les entreprises qui viennent solliciter un crédit ne se bousculent pas au portillon. «Les dossiers traités actuellement sont beaucoup plus ceux ayant trait aux recapitalisations, au rééchelonnement, etc.» témoigne-t-il en tant que professionnel du secteur.
Quant aux crédits d’investissement, «il ne faut pas s’étonner qu’il n’y en ait pas tellement vu le contexte où même le code des investissements est gelé». «A vrai dire, rares sont les personnes, a-t-il ajouté, qui dépassent le cap de l’idée pour aller vers un projet.» «L’investissement vit une situation de crise de confiance», a-t-il asséné.
«Le secteur doit aider à sortir de la dépendance aux hydrocarbures», avait plaidé le gouverneur de la BA. Cette dernière a précisé que les banques privées ont enregistré, durant l’année dernière, une croissance de 8,2% de crédits, contre -0,1% en 2020. Tandis que les banques publiques ont observé une croissance de 3,2%, contre 3,4% l’année précédente.
S’agissant de la croissance de la liquidité, les banques publiques ont recueilli un taux de 122,9% contre -63,3% en 2019-2020. Les banques privées, quant à elles, ont noté un niveau de croissance de liquidités qui est de 29,5%, contre 4,4% l’année précédente.
Dans son dernier rapport sur la situation économique de l’Algérie, la Banque mondiale a relevé qu’«en réponse à la crise de la Covid-19, les autorités ont rapidement mis en œuvre des mesures politiques visant à alléger les contraintes de liquidité auxquelles font face les banques et les entreprises, gravement affectées par les restrictions d’activité induites par le confinement».
La BM fait observer que le «redressement» des liquidités ne s’est pas traduit par «une reprise marquée du crédit, les bilans des banques et des entreprises étant gravement touchés par la crise de la Covid-19 et celles-ci demeurant prudentes, et les produits du programme de rachat de créances étant canalisés vers les bons du Trésor».
«Alors que le crédit au secteur privé a affiché un timide rebond, le crédit bancaire aux EPE a chuté au 3e trimestre 2021 sous l’effet du rachat des créances des EPE par le Trésor», a-t-elle ajouté.