Le gouvernement italien a accusé hier la Cour pénale internationale (CPI) d'avoir mal rédigé le mandat d'arrêt pour l'expulsion n d'Osama Almasri Najim, chef de la police judiciaire libyenne recherché pour crimes de guerre et crimes contre l'humanité, rapporte l’AFP.
Arrêté le 19 janvier à Turin, dans le nord de l'Italie, en vertu d'un mandat de la CPI, Osama Almasri Najim a été libéré et ramené à Tripoli à bord d'un avion de l'armée de l'air italienne deux jours plus tard.
Osama Almasri Najim, qui aurait été responsable du centre de détention de Mitiga à Tripoli (nord-ouest), est recherché pour des meurtres, viols et tortures commis sur des détenus depuis le 15 février 2015 en raison de leur religion, ou alors qu'ils étaient soupçonnés d'un «comportement immoral» ou de soutenir ou être affiliés à des groupes armés.
Son rapatriement a provoqué une vive polémique politique en Italie, où l'opposition au gouvernement ultraconservateur de Giorgia Meloni l'accuse d'avoir couvert un criminel de guerre au nom d'intérêts stratégiques, économiques et migratoires. Une plainte a été déposée contre Giorgia Meloni, et un tribunal spécial saisi.
Devant les députés réunis hier à la Chambre, les ministres de la Justice Carlo Nordio et de l'Intérieur Matteo Piantedosi ont tenté de justifier leur décision, en reprochant à la CPI sa lenteur et ses erreurs, provoquant l'ire des élus d'opposition. Le mandat d'arrêt transmis en janvier aux autorités italiennes par la CPI était truffé «d'imprécisions, d'omissions, d'incohérences et conclusions contradictoires», a déclaré Carlo Nordio.
D'après lui, le document est imprécis sur les dates auxquelles les crimes imputés au Libyen sont censés avoir été commis, évoquant ici des faits partant du mois de février 2011 ou de février 2015. Devant ces «contradictions patentes, grossières et graves, toute autre initiative de ma part aurait été inappropriée et hâtive», a-t-il estimé. Il a aussi pointé du doigt d'autres problèmes de fond et de forme, notamment que le document est rédigé en anglais avec des extraits en arabe, expliquant, selon lui, l'incapacité du gouvernement à donner suite au mandat d'arrêt de la CPI.
Matteo Piantedosi a pour sa part «démenti de la manière la plus catégorique» que le gouvernement italien ait eu des contacts avec les autorités libyennes après l'arrestation du Libyen qui pourraient être considérés, «même de loin, comme une forme de pression indue assimilable à une menace ou à un chantage».
Pour Elly Schlein, cheffe du Parti démocrate (PD, centre-gauche), le principal mouvement d'opposition, «la crédibilité internationale» de l'Italie «a été entachée par votre choix délibéré de libérer et de ramener chez lui un tortionnaire libyen». Osama Almasri Almasri a été «libéré et mis dans un avion d'Etat avec tous les honneurs, accueilli comme un héros en Libye, une chose honteuse.
Quel pays voulons-nous être ? Du côté des torturés ou du côté des tortionnaires ?», a lancé Mme Schlein. Mme Meloni, absente hier à la Chambre, a défendu l'expulsion du Libyen et accablé elle aussi la CPI, l'exhortant à «clarifier pourquoi elle a mis des mois à lancer ce mandat d'arrêt alors qu'Almasri a déjà traversé trois pays européens».
«Curieusement, la Cour le fait précisément au moment où cette personne était sur le point d'entrer sur le territoire national, après avoir séjourné de manière sereine pendant une douzaine de jours dans trois autres Etats européens», a-t-elle observé. C'est un migrant originaire du Sud-Soudan, Lam Magok, qui est à l'origine de la plainte contre Mme Meloni. Il affirme avoir été battu et frappé par le chef de la police et ses gardes.