Avec moins de 26 millions de tonnes (Mt) et une baisse de près de 24% par rapport à la moyenne des cinq dernières années, la production française de blé tendre (l’une des plus faibles des 40 dernières années) cette saison, la France devrait limiter les exportations vers les pays tiers (hors Europe) sur la campagne de commercialisation en cours.
L’Établissement public français des produits de l’agriculture et de la mer, FranceAgriMer, qui estimait jusque-là ces exportations à 4 Mt pour 2024/25, contre plus de 10 Mt sur les deux campagnes précédentes, a rabaissé ses prévisions à 3,9 Mt. Habasse Diagouraga, chargé d’études économiques sur les céréales, repris par le site spécialisé dans l’information agricole Terre-net, explique : «On est très en retard sur le réalisé, c’est surtout en lien avec l’absence de l’Algérie dernièrement sur notre marché.»
Il y a quelques semaines, «un appel d’offres n’a pas été envoyé aux opérateurs français», a noté pour sa part Benoît Piètrement, président du conseil spécialisé «grandes cultures» de FranceAgriMer. «Des raisons diplomatiques font que les relations avec l’Algérie sont plus que compliquées», poursuit-il sur le site Terre-net. «Pour des raisons indépendantes de tout ce qui concerne les céréales, les relations diplomatiques avec la France sont compliquées (…). Voilà, on a perdu ce marché…», regrette le représentant de FranceAgriMer, pour qui, il y a nécessité de se positionner sur d’autres marchés de la région, tout en restant optimiste sur la reprise des ventes de céréales à l’Algérie. «Il faut voir dans le temps : il y a quelques années, c’était compliqué pour d’autres raisons avec le Maroc, et les relations sont redevenues très bonnes… Il ne faut certainement pas lâcher !»
L’Établissement français aspire donc à reprendre sa place sur le marché algérien du blé d’autant que la baisse des volumes de blé expédiés vers l’Algérie ne date pas d’aujourd’hui. Les ventes ont commencé à chuter en 2021 après la modification du cahier des charges en 2021.
Dans le but de diversifier ses fournisseurs pour sécuriser les approvisionnement du pays en blé, l’Office algérien interprofessionnel des céréales (OAIC) avait en effet apporté des changements au cahier des charges régissant l’importation du blé en augmentant le taux limite de grains punaisés de 1% contre 0,5% dans ses appels d’offres précédents. Résultat : l’Algérie qui importait entre 2 et 6 Mt de blé français par an dans les années 2010 a réduit ces quantités à 1,8 million de tonnes durant les campagnes 2021/22 et 2022/23, et à 1,6 million de tonnes pour la campagne 2023/24.
«Les exportations françaises de céréales vers l’Algérie ont chuté de 80% et leur valeur est passée de 834 millions d’euros en 2022 à 166 millions en 2023», selon les données des Douanes françaises (mars 2024), contenues dans La Lettre économique d’Algérie, une publication de la Direction générale du Trésor français. Pour la campagne actuelle, le dernier achat de blé français par l’Algérie remonte au mois de juillet avec seulement 31 500 tonnes, sans achats enregistrés depuis, toujours selon Terre-net.
De son côté, la Russie a exporté, entre juillet 2023 et janvier 2024, 1,6 Mt de blé vers l’Algérie, marquant une augmentation de 20% par rapport à la même période de l’année précédente, où 1,33 million de tonnes avaient été expédiées, selon le département d’analyse du marché agricole de Rusagrotrans, le principal transitaire agricole russe.