Escapade dans le Fahs algérois : Bir Mourad Raïs ou le légendaire puits du corsaire Mourad Raïs

03/06/2023 mis à jour: 07:00
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Bir Mourad Raïs (*) est implantée dans la banlieue sud d’Alger, à 7 km de la capitale. Du point de vue topographique, le territoire primitif de cette localité est formé en grande partie de très hautes falaises de tuf jaunâtre qui s’apparentent plutôt à de véritables remparts naturels. Son espace géographique est sillonné par l’oued El Kniss ainsi que le Bouzoua, tous deux confluents de l’oued El Karma. L’oued El Karma ou oued du figuier en langue arabe, est un petit affluent de l’oued El Harrach qui prend sa source au centre du Sahel algérois. Cette contrée vallonnée a toujours été l'objet de toutes les convoitises,  les grandes fortunes y affluaient de toutes parts pour profiter de la douceur du climat, de la beauté des lieux et du calme, loin du bruit des souks de La Casbah. Nombreux sont ceux qui s’y rendaient acquéreurs de luxueux palais, dont les murs disparaissaient sous les épaisses frondaisons des collines alentour.

Sous la Régence turque, Bir Mourad Raïs n’était qu’un point de relais où l’on ne trouvait quasiment aucune agglomération. Un puits, un café maure, une fontaine et des écuries où l’on remplaçait les attelages fatigués des diligences faisant escale, en constituaient le noyau initial de la future bourgade. La modeste mosquée qui y existe encore aujourd’hui servait d’auberge pour les voyageurs qui y trouvaient refuge pendant l’échange des chevaux. Elle est l’un des plus anciens lieux de culte musulmans de la banlieue algéroise. 

Située à droite de la route qui va en direction de Bir El Khadem, celle-ci fut construite sous Abdi Pacha, en 1724. Reconvertie en logement pour les soldats français en 1830, cette mosquée est d’allure simplette, ne comportant que le rez-de-chaussée. Sa façade principale longe le grand boulevard sur une longueur de 15 mètres environ. Ses murs, hauts de quatre mètres, sont percés de cinq petites fenêtres voûtées et d’une porte réalisée dans le même style. 

Deux coupoles, sommées chacune d’un ornement métallique représentant une petite étoile enveloppée d’un croissant, surplombent cet édifice. La fontaine murale  qui est adossée à la façade extérieure de ce monument religieux, ne coule plus depuis longtemps. Le bouquet d’arbres qui l’ombrageait et qui était composé de deux trembles, deux saules pleureurs, d’un pin et d’un peuplier, fut abattu au tout début de l’occupation. Le toponyme de cette coquette ville du Fahs algérois vient d’un illustre marin qui fit son apparition dans l’histoire de l’Algérie dans le courant de 1618. 

Ce dernier fut capturé à Lanzarote dans les îles Canaries et fut prisonnier à Alger où il se convertit à l’Islam. Il se fait appeler comme le voulait d’ailleurs, la tradition Mourad Erraïs, régulièrement orthographié Mourad Raïs. Il est cité dans d’autres ouvrages, sous les appellations de Jhon Barber, Kaïd Morato, ou encore Morato Erraïs. Il écuma, pendant longtemps, la Méditerranée aux côtés de son premier chef musulman, nommé Slimane Erraïs. Son nom hollandais est Jan Jans ou Jean Janssen, il s’éprit de la région et s’installe avec sa famille d’origine musulmane à Alger dans le quartier qui reçut son nom : Bir Mourad Raïs. Au mois de juillet 1627, ses galères furent aperçues aux confins du Pôle Nord, tout près des îles Westman de même qu’à Reykjavik, en Islande.
 

Des origines lointaines

Mourad Raïs séjourna longtemps au Maroc où il fut désigné en 1624 par Mouley Zidene, comme amiral de la flotte à Salé. Lorsqu’il épousa une mauresque à Alger, il était déjà père d’une famille nombreuse qu’il avait abandonnée à Haarlem, dans son pays d’origine. Mais il y a également un autre Hollandais natif de Dordrecht qui devint musulman en 1606, il se prénommait Simon Danser, alias Mourad Erraïs. Les Algérois le surnommaient H’midou Houlanda, ou Dali Kabtane qui signifie le capitaine diable. En 1608, celui-ci détruisit la petite ville de Barichk qui fut jadis fondée à proximité de Ténès par les maures émigrés d’Andalousie. D’autres corsaires avaient hérité du même sobriquet, à l’image de celui qui fut nommé Amiral à Alger en 1595, ou encore les renégats Morat François, Morat le Génois, ainsi que Morat l’Albanais.

Du passage de Mourad Raïs dans la ville éponyme, n’est resté qu’un seul puits qui nous est très probablement, parvenu de cette période, attendu que le bourg comptait auparavant quantité d’ouvrages de cette nature. L’un de ceux-ci, qui avait été creusé à quelques mètres seulement face à la plus vieille mosquée de la cité, sera comblé ultérieurement pour l’aménagement du grand carrefour qui domine le centre-ville. Le fameux puits qui a inspiré la dénomination de cette localité est à actuellement abrité dans une petite construction qui a l’aspect d’un cube couronné d’un petit toit en forme de dôme. Mesurant presque deux mètres de côté et trois mètres de haut, cette espèce de qubba s’élève à l’extrémité d’une vaste esplanade. La porte dont elle est dotée s’ouvre directement sur la voie publique du fait de l’élargissement de cette dernière. 
 

Fameux puits

Ce monument historique est visible à gauche, au bord de la route de Bir El Khadem. Jadis, ce puits était muni d’une noria. Dans son ouvrage intitulé Médecine et hygiène des pays chauds, le docteur Adolphe Armand rapportait un récit légendaire selon lequel l’eau très abondante de ce puits était renommée pour ses vertus curatives. Bey el Gharb, le prince de l’Ouest comme ils aimaient à l’appeler dans l’Algérois, qui était à l’époque atteint de cécité, avait justement recouvré la vue en buvant de son eau. 

C’est alors que ce dernier avait décidé de prendre pour femme la fille de Mourad Erraïs. En 1832, un petit hameau européen y fut spontanément créé autour d’un fortin abritant une petite garnison militaire française, qu’on appelait deuxième blockhaus. La population primitive se composait de Mahonnais mais surtout d’émigrants allemands qui avaient raté leur voyage vers le Texas, pour se retrouver sans vraiment le vouloir, éparpillés dans les quatre nouveaux villages de Bir Mourad Raïs, Dély Ibrahim, El Qûbba et Bir El Khadem. L’agglomération originelle se nichait dans le creux d’un fort joli vallon ombragé, cernée en partie de hautes falaises semblables à des remparts imprenables. 

Ce fut, justement, l’une des raisons principales qui avaient motivé le choix des dignitaires ottomans pour s’y établir, avant 1830. Les falaises qui se dressent dans le centre historique sont une véritable curiosité géologique. De quelque côté que l'on dirige son regard, on aperçoit cette étonnante configuration de relief, on aurait, au reste, pu appeler cette ville «la ville des falaises». Dès sa fondation officielle le 22 avril 1835, la municipalité de Bir Mourad Rais fut rattachée à la commune de Bir El Khadem. Son territoire fut plus tard réorganisé par décret du 17 décembre 1843. Le 30 novembre 1869, elle est constituée en commune de plein exercice et extraite de la commune mère. 

En quelques années, Bir Mourad Raïs s’est vu transformée en une grande ville de banlieue avec son grand carrefour, ses trottoirs agrémentés de robustes platanes, ses édifices publics, ses tours de verre et ses lotissements anciens et nouveaux alternant avec d’immenses espaces boisés. Bir Mourad Rais comptait primitivement de nombreux quartiers, tels que La Colonne Voirol, Mont Riant, Les Sources, Beau séjour, Les Castors et  Les Annasser. 

En plein cœur de la ville, à quelques pas de l’ancienne mairie, il existe une remarquable esplanade au centre de laquelle trône sur son piédestal une superbe statue à l’effigie d’une femme vêtue d’habits traditionnels. Cette dernière se tenant dans la position debout avec une jarre placée au-dessus de son épaule droite, d’où s’écoule lentement un filet d’eau. Le sol autour de cette sculpture est recouvert de dalles tout en noir, laissant échapper une multitude de jets d’eau accompagnés de jeux de lumière. A l’arrière-plan de cette place publique, on peut admirer une belle fresque murale multicolore. Sur cette vaste peinture ont été représentés, au milieu d’une mer azur, un monument religieux couronné de plusieurs dômes ainsi qu’une noria avec son puits légendaire. Ce dernier évoquant le souvenir d’un marin de renom dont le nom est resté attaché à cette localité, où il a vécu une bonne partie de son existence

Contiguë à une station de bus, la place de la porteuse de la jarre, reçut désormais le nom de «place des martyrs». Celle-ci est légèrement surélevée par rapport au niveau de la chaussée publique. Quelques marches d’escalier permettent d’y accéder. Les quartiers émergents de Bir Mourad Raïs se fondent parfaitement dans le paysage, ceux-ci sont dotés  pour la plupart d’infrastructures et aires de jeux. 

Des espaces de verdure y sont aménagés et arborés de multiples essences forestières. La végétation y est omniprésente, en certains endroits les vallons constituent de véritables nids de verdure. Les plantes, y compris des arbres de toute nature, jaillissent même des fissures de la roche. Leurs branchages débordent en toutes saisons sur la cime des escarpements.
 


 

 

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