ENTRETIEN / Hamza Belayat. P/APC de Sétif : «L’alibi des procédures administratives ne tient plus la route»

29/01/2022 mis à jour: 00:02
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Hamza Belayat, P/APC de Sétif /PHOTO : D.R

Fraîchement intronisé à la tête du conseil communal de l’une des plus importantes et riches agglomérations du pays, Hamza Belayat, le nouveau maire de Sétif, a bien voulu réserver sa première sortie médiatique à El Watan. Connaissant bien les rouages de l’Hôtel de Ville et la piètre situation de la cité, le premier magistrat d’Aïn Fouara n’a esquivé aucun sujet…

 

 -Quel constat faites-vous de la situation d’une ville en déclin ? 
 

La situation d’une ville ne manquant ni d’atouts ni de potentiels est complexe. Le parc communal censé être la colonne vertébrale de l’institution est un cimetière où 30 camions étaient à l’arrêt. Démobilisés, les 930 agents du nettoiement avaient la tête ailleurs. Même s’il n’est pas facile de mettre un terme à certains réflexes, les choses commencent à rentrer dans l’ordre. Une grande partie de la flotte a été réparée au niveau des ateliers de la SNVI. Connaissant les rouages de la structure, la nouvelle équipe des services techniques a pu remobiliser les personnels et remettre les choses à leur place. 

Bloqué depuis plus de 5 ans, le recrutement de nouveaux chauffeurs ne nous décourage pas pour autant. Nous allons trouver des solutions en interne. L’APC, qui n’a plus de régie, est dans l’obligation de constituer tout un dossier pour une petite dépense de 5000 DA. Pour une commande de plus de 12 millions de dinars (1,2 milliard de centimes) c’est la croix et la bannière. Nous sommes, à savoir toute la composante de l’assemblée, décidés à relever le défi et faire fi de toutes les difficultés. Ce n’est pas de la langue de bois, croyez-moi. 
 

-Qu’allez-vous faire pour redorer le blason de la ville ? 
 

Sétif, une ville de plus de 430 000 habitants mérite mieux. Elle a, à mon sens, besoin d’une assemblée communale volontaire, ne devant surtout pas compter les heures de travail. Le standing et l’histoire de l’agglomération ayant bouclé 2021 avec des recettes fiscales et parafiscales dépassant 467 milliards de centimes contre 350 milliards en 2020, nous obligent à relever le défi. La mission est certes difficile, elle n’est pas, en revanche, impossible. Pour relancer la machine, nous avons l’obligation de gagner la bataille des «procédures administratives». 
 

Une excellente étude en amont, et en concertation directe avec les services du contrôle financier nous permettra de gagner du temps, de l’argent, et de bloquer la route aux avenants. Cet élément et d’autres sont à l’origine du dépassement des délais de réalisation des travaux du stade Mohamed Guessab, de l’Observatoire du 8 mai 1945, des écoles, des routes et d’autres opérations. Ce mode de gestion est révolu. L’alibi des procédures administratives ne tient plus la route. 
 

-Qu’en est-il de la décentralisation ? 
 

L’expansion urbanistique de l’agglomération exige une autre gestion. La mise en place des 12 délégations communales devant prendre en charge les affaires des différents quartiers de la ville s’impose. Dans un premier temps, nous allons commencer avec quatre délégations qui seront dotées de tous les moyens humains et matériels. La décentralisation impactera à coup sûr le bien-être et le cadre de vie de nos concitoyens. La démarche rapprochera l’administration du citoyen, prendra en charge tous les problèmes quotidiens du secteur. Disposant de prérogatives d’un P/APC d’arrondissement, le délégué n’est pas un chef de service de l’état civil. Si on arrive à mettre en place effectivement les 12 délégations, on aura réussi notre mission et notre mandat. 
 

-Quel est votre message aux petits écoliers faisant face à une terrible surcharge des classes ? 
 

La gestion de 103 écoles primaires d’une ville en pleine expansion urbanistique est tout sauf une sinécure. 
Le bien-être de nos enfants est notre principale préoccupation. La surcharge des établissements de nombreuses cités est réelle. Le problème est en voie de règlement, puisque nous allons réceptionner en mars les écoles Zaoui Saïd, Mohamed Souakir et Dali Boudjemaa, en plus du groupement scolaire – un C1 (9 classes) d’Abid Ali, nouveau pôle urbain. La prochaine rentrée scolaire s’annonce sous les meilleurs auspices. La réception d’une école D1 (12 classes) à Aïn Trick, d’un B1 (6 classes) à Aïn Chouga (cité Tlidjene) et l’achèvement de l’extension de nombreux autres groupements, tels que les Frères Mansour, Kraria Slimane, Merrouche Mohamed et Semecheddine El Hadj bénéficiant chacun de quatre nouvelles salles, influera positivement sur la scolarité des écoliers. Pas du tout facile, la réhabilitation des écoles des Frères Berchi et Bouchareb Roumili, deux anciens établissements du centre-ville, avance bien. Ce lot n’est qu’un échantillon d’un gigantesque programme englobant en outre de nombreuses cantines scolaires. 
 

-Attendu depuis de longues années, le plan de circulation de la ville asphyxiée ne voit toujours pas le jour, alors que le réseau routier est congestionné, et le problème de stationnement s’envenime…
 

Le plan de circulation de la ville est approuvé. En plus de la congestion des routes, le dossier englobe d’autres volets, tels que les parkings, la problématique de certains giratoires perturbant fortement la circulation routière, la signalisation, les feux tricolores, l’épineux problème de stationnement et autres. Vous me donnez l’occasion pour ouvrir le dossier de la gare routière gérée actuellement par Sogral. Le site écorne l’image de la ville. L’exploitant des lieux est tenu d’appliquer les clauses du cahier des charges. On ne peut pas redorer le blason de la ville de Sétif avec un tel décor. 
 

-Le réseau routier n’est pas beau à voir, non ? 
 

Une bonne partie du réseau routier de plus 675 km est défectueuse et impraticable en de nombreux endroits. Les interminables travaux de rénovation de différents réseaux et qui n’ont pas été suivis et contrôlés par les services de la commune sont les principales causes de la catastrophe. 
 

Transcrite pourtant dans le cahier des charges, la question de la «remise en état» n’est pas respectée. L’absence de coordination en rajoute une couche. Pour l’illustration, un des axes de la cité Tlydjen (ex-Bon marché), qui a été rénové dernièrement, fait l’objet de nouveaux travaux. La commune qui a injecté une importante manne financière n’a pas été consultée. La partie concernée se chargera de la remise en l’état de la chaussée. J’y veillerai personnellement. Ceci dit, la réhabilitation du réseau routier qui ne se fera pas en un clin d’œil reste notre principale priorité. 
 

-L’éclairage public, le ramassage des ordures et la gestion des espaces verts n’arrangent pas les affaires d’une ville en chute libre… 
 

La situation de la ville n’est guère reluisante. La réalité est amère, on ne peut se voiler la face. Un seul camion nacelle ne pouvait prendre en charge plus de 60 000 points lumineux et permettre à la ville de sortir de l’ornière. Même le centre-ville ignoré durant des années n’échappe pas à tel problème. L’acquisition de six nouveaux camions attendus pour début février mettra définitivement un terme aux sempiternelles défaillances de l’éclairage public. Même si mes propos ne vont pas plaire, Sétif n’a plus d’espaces verts. Délaissés, les supposés espaces implantés dans différents points du tramway ne sont pas encore transférés de la Setram vers la commune. Ce volet, ainsi que le dossier de l’éclairage public de tout le périmètre urbain, seront désormais à la charge de notre EPIC des espaces verts. Le ramassage des ordures ménagères est un véritable casse-tête. L’amoncellement des déchets amoche un peu plus l’environnement. La réactivation des 36 bacs enterrés ici et là est une solution. La réalisation de bacs de 5m3 pourrait améliorer le paysage de nos cités et quartiers inondés par les résidus des poutrelles. Le moment est venu pour lancer véritablement l’opération du tri sélectif. Pour mettre un terme aux opérations ponctuelles, nous avons entamé une réflexion avec GIZ et l’AND (agence nationale des déchets). 
 

-Que faut-il faire pour booster les recettes de la municipalité et remettre à niveau une ville en panne ?
 

Selon les prévisions du secrétaire général de la commune, nos recettes peuvent à court et moyen termes dépasser facilement le seuil des 800 milliards de centimes. Pour ce faire, il va falloir mettre un terme à l’éternel problème des POS 35 et 356 de Gaoua et 17 et 18 d’Aïn S’fiha. La redynamisation du secteur de l’habitat est une importante source fiscale. La transformation du Souk d’El Hassi en marché de gros du poisson, la réhabilitation du marché du CEM Bakhouche, la réalisation de certains investissements boosteront nos recettes. La mise à niveau de la ville passe par une présence sur le terrain, la réalisation dans les délais, la fin des cahiers des charges tronqués et une prise en charge efficiente de tout ce qui touche au bien-être et au cadre de vie de nos concitoyens. 
Le constat n’est plus de mise, nous rentrons de plain-pied dans l’exécution de notre feuille de route, approuvée par le wali ne ménageant aucun effort pour que le chef-lieu puisse retrouver son lustre d’antan. 
 

-Que comptez-vous entreprendre pour sortir la ville du spleen culturel ? 
 

Je suis sidéré de constater que l’activité cinématographique est, depuis belle lurette, inscrite aux abonnés absents alors que le cinéma Variétés, d’une capacité de 450 places, est fermé pour des broutilles. Pour des raisons culturelles et économiques, l’exploitation de la structure, une autre source de recettes, est impérative. Je ne comprends pas qu’une ville universitaire de la dimension de Sétif accueillant plus de 60 000 étudiants puisse faire l’impasse sur la Foire du livre que nous organisions à chaque célébration des massacres du 8 Mai 1945. Pour le renouveau de la culture à Sétif, la contribution des femmes et des hommes impliqués dans l’acte culturel est indispensable. 

Propos recueillis par  Kamel Beniaiche

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