Entretien / Boubekeur Sellami. Expert en économie et finance : «Il existe une résistance chez les utilisateurs»

22/09/2024 mis à jour: 15:42
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Entretien réalisé par Yousra Salem  

 

Quelles sont les raisons qui expliquent la réticence face à la généralisation des TPE dans divers secteurs commerciaux, où leur utilisation demeure marginale ?


En réalité, il ne s’agit pas d’une réticence, mais plutôt d’une absence de l’autorité de l’Etat. Lorsqu’une loi est promulguée, elle doit être appliquée. Or, il existe souvent des résistances, tant du côté des citoyens que des entreprises, à l’égard des lois qui les concernent. L’utilisation des cartes de crédit ou de paiement électronique permet de rendre les opérations financières transparentes, ce qui suscite des craintes. 

En effet, cette transparence implique, entre autres, le paiement des impôts et le respect de certaines obligations imposées par les services du commerce, telles que la déclaration de revenus ou l’établissement d’un registre du commerce. Ces dispositifs permettent ainsi un meilleur contrôle des opérations par les autorités fiscales. Prenons un exemple d’un commerçant déclarant un chiffre d’affaires de 100 000 DA pourrait voir l’intégralité de son chiffre d’affaires soumis au contrôle des services des impôts si l’utilisation des paiements électroniques devenait obligatoire. Cela donne aux autorités les moyens pour contrôler les opérations. Bien que l’obligation d’utiliser les TPE ait été promulguée il y a plus de trois ans, son application est constamment reportée. Par ailleurs, l’Etat doit financer l’équipement des commerçants en TPE, ce qui représente un coût non négligeable. D’autre part, le réseau de communication, notamment celui de la téléphonie mobile, demeure faible pour soutenir le déploiement du paiement électronique. Cette problématique relève du ministère des Télécommunications. Ainsi, le véritable frein n’est pas une réticence, mais bien l’absence des autorités pour faire appliquer cette législation. Il existe également une résistance chez les utilisateurs, qui trouvent divers prétextes pour éviter l’installation des TPE. Il ne faut pas non plus négliger le manque de technologies adéquates, de compétences en ressources humaines, moyens d’acquisition de TPE et de moyens techniques, ainsi que la faiblesse du réseau de télécommunications.


Quels sont les obstacles majeurs qui freinent leur adoption à large échelle dans les commerces ?

Les obstacles sont les mêmes que ceux évoqués précédemment. Il y a tout d’abord un obstacle financier, car la généralisation des TPE nécessite un budget conséquent. Ensuite, les moyens technologiques sont insuffisants. Enfin, on observe une résistance des citoyens et des commerçants. Les premiers refusent de donner une transparence totale à leurs dépenses, tandis que les seconds craignent que l’État ne prenne connaissance de leur véritable chiffre d’affaires. Cette double résistance entrave le développement des paiements électroniques sur le marché. En outre, l’absence de volonté politique joue un rôle crucial. Un État qui ne parvient pas à imposer ses propres lois se trouve dans une position de faiblesse. Il faut avoir la force et le courage d’appliquer les lois promulguées.


Quels sont les leviers à actionner et quelles mesures concrètes faudrait-il envisager pour promouvoir l’implantation généralisée des TPE dans l’ensemble du tissu commercial ?

La réponse est simple : il faut appliquer la loi dans toute sa rigueur. Les textes existent, et leur application ne doit plus être reportée, comme cela a été le cas en 2022 et 2023. L’année 2024 doit marquer un tournant. Il est temps que les autorités fassent preuve de volonté pour appliquer la loi et mener un contrôle sur le terrain, tout comme l’imposition de cette loi aux contrevenants, à l’image de ce qui a été fait pour la lutte contre la spéculation, où des sanctions sévères ont été appliquées. Aujourd’hui, il est devenu impossible de recourir à ces pratiques. 

De même, il est indispensable de mettre à la disposition des commerçants les TPE, en garantissant leur installation et leur mise en service gratuitement, tout en prévoyant des amendes de 50 000 dinars pour ceux qui ne respecteraient pas ces dispositions et autres.                

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