Le prix européen du gaz poursuivait sa hausse inexorable hier, dopé par la difficulté de l’Union européenne à amasser des réserves suffisantes pour pouvoir se passer des exportations russes pendant l’hiver sans créer de pénurie.
Le contrat à terme du TTF néerlandais, référence du gaz naturel en Europe, s’échangeait pour 249,00 euros le mégawattheure (MWh) vers 11h50 GMT (13h50 à Paris), un niveau qui, selon l’AFP, n’a plus été observé en séance depuis les premières journées extrêmement volatiles de l’invasion de l’Ukraine par la Russie. La veille, il a même fini à un plus haut historique en clôture, à 241 euros le mégawattheure. C’est encore loin toutefois du sommet historique en séance atteint le 7 mars à 345 euros.
L’électricité suit pour sa part mécaniquement l’évolution des cours du gaz, car le marché est calé sur le coût des centrales à gaz (et à charbon) appelées à la rescousse pour assurer l’équilibre du système. Les prix ont été tirés «par de faibles niveaux de vent (pour l’éolien) ainsi que des coûts élevés pour l’électricité au charbon et au gaz», ont souligné les analystes de Rystad Energy, cités par l’Agence France Presse. Dans le même temps, un été particulièrement chaud a limité la production d’électricité : la canicule affecte les systèmes de refroidissement des centrales nucléaires et la sécheresse empêche les barges d’apporter le charbon jusqu’aux centrales allemandes. Or, la vague de chaleur stimule la consommation d’électricité pour la climatisation et la ventilation, limitant la baisse habituelle des mois estivaux. L’électricité pour livraison l’année prochaine en Allemagne a dépassé pour la première fois les 500 euros le MWh ces derniers jours, contre un peu plus de 300 euros début juillet. «Ceci pourrait être la plus grande crise énergétique de l’Europe depuis au moins une génération», prévient John Plassard, analyste chez Mirabaud.
Parmi les pays les plus impactés par cette situation, l’Allemagne. Elle risque de manquer l’objectif, fixé par le gouvernement d’Olaf Scholz, de remplissage de ses réservoirs de gaz, a alerté jeudi dernier le régulateur fédéral. «Je ne m’attends pas à ce que nous atteignions les prochains objectifs de stockage aussi rapidement que le premier», atteint deux semaines avant le terme, a déclaré Klaus Müller, chef du régulateur allemand de l’énergie, auprès du site T-online, repris par l’APS. Atteindre le prochain objectif, 85% des réservoirs remplis au 1er octobre, n’est, selon lui, «pas impossible, mais très ambitieux». «Dans tous nos scénarios, nous ne parviendrons pas à atteindre un niveau de remplissage moyen de 95% au 1er novembre», a ajouté M. Müller. «Nous n’y parviendrons pas car certains sites de stockage sont partis d’un niveau de remplissage très bas», a-t-il expliqué.
Face aux risques de pénurie, le ministre de l’Economie, l’écologiste Robert Habeck, avait fixé en juillet une série d’objectifs pour que les stocks de gaz atteignent 95% d’ici le 1er novembre, avant le début de l’hiver. Les réserves de gaz de l’Allemagne se situaient alors à environ 65% de leur capacité. Le week-end dernier, elles étaient remplies à 75%, deux semaines avant la date prévue. Mais atteindre les futurs objectifs va s’avérer délicat et nécessitera encore d’importantes économies d’énergie dans les années à venir. «Il ne s’agit pas d’un hiver mais d’au moins deux. Et le deuxième hiver pourrait être encore plus difficile», a mis en garde M. Müller. «Nous devons économiser beaucoup de gaz au moins une autre année. Pour le dire clairement : il y aura au moins deux hivers stressants.» Des pénuries sont à attendre dans certaines régions durant l’hiver, a-t-il fait savoir.
L’Allemagne est fortement dépendante du gaz russe et a vu ses livraisons chuter fortement depuis le début de la crise en Ukraine. Les factures énergétiques des ménages devraient s’envoler cet hiver et les pénuries mettre en difficulté des pans entiers de l’industrie allemande. Selon l’AFP, le gouvernement allemand a décidé d’abaisser temporairement la TVA sur le gaz de 19% à 7%, pour aider les consommateurs face à la flambée des prix déclenchée par la guerre en Ukraine, a annoncé le même jour, le chancelier Olaf Scholz. Le taux réduit restera en vigueur au moins jusqu’à fin mars 2024 et «nous nous attendons à ce que les entreprises répercutent à 100% cette baisse sur les clients», a ajouté M. Scholz devant la presse.