«Génération audacieuse», «jeunesse consciente» : l’AFP est allée à la rencontre de six étudiants africains de la Génération Z, qui, de Dakar à Nairobi, en passant par Johannesburg et Abidjan, affichent un optimisme réaliste et la ferme volonté de transformer leur pays.
Nés juste avant ou après 2000, ces étudiants en urbanisme, environnement, médecine ou biologie conjuguent leurs études à un engagement associatif et politique très marqué, loin des stéréotypes d’une génération égocentrée et coupée des réalités.
Pendant 24 heures, ils ont accepté qu’une équipe de l’AFP partage leur quotidien. La prière du matin pour la Dakaroise Sokhna Ndéye Merry Sall. Une courte pause dans la journée pour Marie Elodie Yéo Guéfala, dans sa chambre d’étudiante exiguë du campus de Bingerville, près d’Abidjan.
Palesa Molefe emprunte en voiture et dans la brume le fameux Mandela Bridge de Johannesburg pour aller en cours à l’université de Witwatersrand tandis que Geoffrey Mboya, en chemisette à l’arrière d’un moto-taxi, se joue des embouteillages de Nairobi, la capitale kenyane.
Les six ont en commun de vouloir rester dans leur pays pour contribuer à son développement. Un engagement qui n’a rien d’évident : près de six jeunes Africains sur dix envisagent d’émigrer dans les trois ans, avant tout pour trouver un emploi, selon une étude de 2024 de la Fondation sud-africaine Ichikowitz Family, menée dans seize pays du continent. Au Nigeria, cette aspiration à une vie meilleure à l’étranger, largement répandue, a trouvé son verbe en argot, japa, qui signifie prendre la fuite. «Il y a le syndrome japa dont tout le monde parle mais moi, je suis un patriote.
Donc je veux juste faire tout ce que je peux pour aider mon pays», explique Covenant Oluwafemi Odedele, 21 ans, qui jongle pendant ses journées marathon entre études de médecine et projet associatif destiné à préparer ses camarades à leur entrée sur le marché du travail. La Sénégalaise Sokhna Ndéye Merry Sall se dit révoltée de voir de nombreux jeunes compatriotes prendre les routes de l’émigration clandestine au péril de leur vie.
Faire entendre leur voix
L’étudiante de 21 ans en biologie, chimie, géosciences de l’Université Cheikh Anta Diop de Dakar raconte aussi les amphithéâtres bondés, les années scolaires raccourcies en raison des remous politiques. Le visage faiblement éclairé par la flamme d’un bec Bunsen, l’Ivoirienne Marie Elodie, 25 ans, souligne la difficulté d’étudier dans un contexte de coupures d’électricité fréquentes, depuis son laboratoire de bactériologie plongé dans la pénombre. En dépit des difficultés matérielles, les six étudiants témoignent de leur envie de transformer leur pays.
Et ils n’ont pas attendu la fin de leurs études pour s’impliquer dans la vie associative ou politique. Palesa Molefe, 21 ans, participe avec son église à des actions de sensibilisation au respect de l’environnement. Sokhna Ndéye Merry Sall s’occupe ce jour-là avec une association de nettoyer le cimetière de son quartier de Yoff à Dakar. Ils s’accordent aussi à dire que la voix de leur génération n’est pas suffisamment prise en compte.
«On a encore un long chemin à parcourir», résume Covenant Oluwafemi. «Le changement que je voudrais apporter, c’est de faire en sorte que la voix de la jeunesse soit associée dans chaque prise de décision. Cela se traduira par plus de jeunes au Parlement ou parmi les dirigeants du pays», explique Palesa. «Nous aspirons avec la jeunesse consciente à avoir une place dans les institutions», renchérit l’étudiante sénégalaise.
Ces revendications prennent tout leur relief quand on les met en regard de la démographie du continent : 70% de la population d’Afrique sub-saharienne a moins de 30 ans, selon l’ONU. Pour ne parler que de 2024, c’est bien cette jeunesse qui a fait vaciller le pouvoir exécutif au Kenya, a été un élément déterminant du changement de majorité au Sénégal ou n’adhère plus vraiment au discours de partis historiques issus de l’Indépendance ou de la libération, comme l’ANC en Afrique du Sud.
«Les jeunes au Kenya sont en train de se lever, ils s’unissent au-delà de toutes les fractures politiques, au-delà de tous les groupe ethniques (...) les jeunes de tous horizons sont maintenant conscients politiquement», assure Geoffrey Mboya, 24 ans, étudiant en sciences sociales qui a participé au mouvement et veut devenir député. «La Gen Z, c’est une génération audacieuse, assure l’étudiant en médecine nigérian, une génération qui croit qu’elle peut conquérir le monde, que le monde est là pour être conquis par elle.»