Elections législatives en France : Incertitude et désarroi des immigrés

22/06/2024 mis à jour: 03:07
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Photo : D. R.

Est-ce en Israël ou en France qu’on vote les 30 juin et 7 juillet prochains ? Cette question, provocatrice certes, résume l’instrumentalisation depuis octobre dernier d’un prétendu antisémitisme de la gauche coupable d’avoir soutenu les Palestiniens dans leur drame pourtant condamné, notamment, par l’ONU ou la Cour internationale de justice. 

Mais cette invention médiatisée à outrance est toujours en campagne, apparaissant tout à fait fallacieuse au souvenir de l’histoire, particulièrement en raison de l’engagement des forces de gauche dans la lutte entre 1940 et 1944 contre les nazis.  Alors que les inspirateurs du RN étaient plutôt du côté des collaborateurs pétainistes du régime allemand raciste et antijuif. Puis on les retrouva parmi les tueurs coloniaux en Algérie. 

Ce paravent de canulars pitoyables cache mal le fondateur du RN, le tortionnaire Jean-Marie Le Pen qui avait été jugé, outre ses tortures en Algérie, pour ses propos antisémites. Nul n’a oublié le «détail de l’histoire» au sujet du massacre des juifs dans les camps nazis. Le RN croit pouvoir se faire une virginité sur cet aspect en caressant d’une main les juifs et en accablant d’une autre les étrangers racisés, noirs ou arabes et musulmans surtout. L’actualité regorge ces derniers jours de faits saillants. 

Difficile ainsi pour les étrangers vivant en France de ne pas succomber à la panique, lorsqu’ils entendent les discours haineux propagés par l’extrême droite sur ses réseaux politico-médiatiques. On sent le pouls de l’anxiété vibrer autour de soi dans l’entourage familial, amical ou professionnel et entendre le désarroi et l’inquiétude. Un sentiment renforcé face aux sobriquets xénophobes supportés par des footballeurs français, comme Mbappé, qui ont osé appeler à voter «contre les extrêmes».

Outre les plateaux télévisés ravageurs, les réseaux sociaux sont là pour enfoncer le couteau et semer la haine.  Après le syndicat CGT qui a appelé à contrer le Rassemblement national, c’est le syndicat majoritaire CFDT qui l’a fait hier (vendredi). La secrétaire générale Marylise Léon a affirmé qu’«on ne peut pas être militant CFDT et RN». Elle réagit tardivement, il est vrai à ces adhérents, parfois responsables de section ou départementaux, qui ont rejoint ces dernières années le parti extrémiste.

LA PANIQUE DES ÉTRANGERS EN FRANCE

Pour Marylise Léon, plus qu’une question de valeurs, c’est aussi une question «de programme, d’actions, de votes qu’ils ont pu avoir» Pendant ce temps, la campagne est rythmée à nouveau par des mensonges et des amalgames racistes envers les musulmans notamment, au nom de l’accusation d’antisémitisme manipulé par des leaders d’opinion et pas des moindres. Beaucoup, comme la journaliste Anne Sinclair (ex-épouse de Dominique Strauss-Kahn) prétendument de gauche.

Elle accable La France insoumise accusée d’antisémitisme (LFI) ou encore le vieux chasseur de nazis Serge Klarsfield propageant l’idée que ce parti LFI serait antisémite en raison de son soutien à la cause palestinienne après l’attaque du Hamas contre Israël depuis le 7 octobre 2023… Et qu’il votera pour le RN ! Le billettiste de Libération, Thomas Legrand, remet de l’ordre dans cette intoxication : «Antisémitisme : la diabolisation de LFI fait oublier que l’extrême droite est le vrai danger pour notre démocratie.»

Et il précise : «Le racisme et l’antisémitisme historiques du RN ont fait, eux, l’objet d’innombrables condamnations, et la xénophobie est inscrite dans son programme.» Et Mathilde Panot, dirigeante de LFI, de déclarer, sur BFMTV : «Le Nouveau Front populaire comporte dans son programme un plan interministériel de lutte contre l’antisémitisme et un renforcement de la justice pour mieux sanctionner les auteurs de propos antisémites.» 

Le caractère xénophobe du RN a été avéré par les propos des militants qui invectivent les Noirs et les Arabes. Pour Olivier Faure aussi, secrétaire général du Parti Socialiste (Nouveau Front populaire, «la matrice du RN est le racisme et l’antisémitisme».  Concernant la haine des musulmans, 242 actes antimusulmans ont été déplorés en 2023, soit une augmentation inacceptable de 30%, selon le ministère de l’Intérieur français. Hier le Nouveau Front Populaire a présenté son programme.

On y lit : «Nous combattons le projet raciste et de casse sociale de l’extrême droite et voulons l’empêcher d’arriver au pouvoir.» «Nous luttons contre la multiplication des discours de haine et contre la prolifération des menaces et des violences qui abîment notre démocratie.» Pour la gauche réunie, il s’agit de «répondre aux urgences sociales, écologiques, démocratiques et pour la paix».
 

 

RN : OUVERTEMENT SÉGRÉGATIONNISTE 

On ne fera pas ici le tour du programme irréaliste et fasciste du Rassemblement national en matière d’économie ou d’écologie par exemple. Tous les partis d’extrême droite dans le monde ont le même souci de favoriser le grand capital et de se désintéresser de la planète où le désastre environnemental est toujours la faute des pays lointains…

On peut se contenter de ce qui touche au plus haut point les étrangers. En voici un aperçu : «Mettre fin à l’immigration de peuplement et au regroupement familial. Assurer la priorité nationale d’accès au logement social et à l’emploi. Supprimer l’autorisation de séjour pour tout étranger n’ayant pas travaillé depuis un an en France. Expulser systématiquement les clandestins, délinquants et criminels étrangers. Supprimer le droit du sol et limiter l’accès à la nationalité à la seule naturalisation sur des critères de mérite et d’assimilation».

C’est ainsi qu’hier, le Conseil des mosquées du Rhône a appelé la communauté musulmane à voter contre le Rassemblement national (RN), car «nous sommes à présent au pied du mur». Il faut «faire barrage au RN», car l’abstention revient à «donner à l’extrême droite islamophobe et raciste une voix de plus». Pour l’heure, des signaux indiquent que la possibilité d’une majorité absolue pour le Rassemblement national et ses alliés de circonstance s’éloigne devant la mobilisation générale jour après jour de nombreuses voix, véritable levée des consciences humanitaire et antifascistes, de plus en plus forte.

90 médias locaux appellent à faire «front commun» contre l’extrême droite

En amont des élections législatives en France, 90 médias, dont certains classés à gauche comme l’Humanité, ont publié mercredi une tribune appelant à faire «front commun» contre l’extrême droite qui menace, selon eux, «la liberté de la presse». «Le combat contre l’extrême droite et son projet est au cœur de nos engagements éditoriaux», peut-on lire dans ce document signé, entre autres, par Alternatives Economiques, Arrêt sur images, Les Jours, Mediapart, Politis, ou celle du média en ligne Konbini. Pour ces médias, «la liberté de la presse est dans (la) ligne de mire» du Rassemblement national (RN).

«L’enjeu est de préserver la possibilité même d’une presse indépendante du pouvoir politique, pluraliste, avec des journalistes exerçant leur métier en toute liberté», déclarent-ils. Ces organes de presse appellent aussi à soutenir, sans la citer nommément, la coalition de gauche du Nouveau front populaire, «seule à même d’empêcher le RN d’accéder au pouvoir le 7 juillet», lors du second tour des élections législatives anticipées. R. I.

 

 

 

 

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