En apportant son soutien au MSP, le mouvement Ennahda cherche selon toute vraisemblance à battre le rappel de ses troupes à la faveur de la campagne électorale pour la présidentielle, mais surtout à baliser le terrain pour une éventuelle coalition plus consistante pour les futures élections législatives et locales.
Les partis islamistes se mobilisent fortement à l’approche de l’élection présidentielle du 7 septembre. Meetings, rencontres et regroupements, tous les moyens sont bons pour acter leur présence, directe ou indirecte, à ce rendez-vous électoral majeur. A quelques jours de la convocation du corps électoral, qui aura lieu le samedi 8 juin, deux grandes tendances se dégagent de ce courant politique qui tente de revenir fortement au-devant de la scène politique après une longue période de léthargie et de divisions.
Ayant décidé de se lancer dans cette compétition électorale avec son propre candidat, le Mouvement de la société pour la paix (MSP) s’échine à trouver des soutiens en courtisant les autres formations de la même obédience politique. Le MSP peut d’ores et déjà se targuer d’avoir réussi, jusqu’à présent, à convaincre son ancien rival, le mouvement Ennahda, à se rallier à son candidat qui n’est autre que le président du parti, Abdelaali Hassani Cherif.
Réuni vendredi, le conseil national de la choura du mouvement Ennahda, instance suprême entre deux congrès, a en effet annoncé sa décision de soutenir la candidature du président du MSP à la présidentielle. Une décision qui est intervenue après de longues semaines d’échanges et de discussions entre les deux formations.
Le mouvement Ennahda et le MSP ne sont pas à leur premier pacte politique. Ces deux formations, l’une de la mouvance salafiste et l’autre de celle des Frères musulmans, ont déjà fait front commun.
Encouragés par le vent de changement qui a soufflé en 2011 sur la Tunisie et l’Egypte dans le cadre de ce qui était communément appelé «le printemps arabe», ces deux partis islamistes ont alors créé avec le mouvement El Islah, l’Alliance de l’Algérie verte (AAE) et présenté des listes communes aux élections législatives de mai 2012. Mais cette alliance, qui n’a pas pu arriver en tête lors de ces législatives, comme escompté, a fini par voler en éclats.
Le MSP a en effet préféré jouer en solo lors des législatives de 2017 et de 2021. Idem pour les deux autres partis. Si le MSP a pu consolider son statut de première formation islamiste au sein de l’Assemblée populaire nationale (APN) lors des législatives de novembre 2021 en obtenant 65 sur 407 sièges, les mouvements Ennahda et El Islah ont, quant à eux, essuyé un grand revers lors de ces élections en n’obtenant aucun siège.
En apportant son soutien au MSP, le mouvement Ennahda cherche selon toute vraisemblance à battre le rappel de ses troupes à la faveur de la campagne électorale pour la présidentielle, mais surtout à baliser le terrain pour une éventuelle coalition plus consistante pour les futures élections législatives et locales.
Egalement sorti très affaibli des dernières élections législatives, le mouvement El Islah joue, lui aussi, collectif mais pas avec le même groupe. Il a choisi, cette fois-ci, d’adhérer à la coalition chapeautée par le parti El Bina de Abdelkader Bengrina, qui est un transfuge du MSP. Cette coalition, composée de 13 partis qui partagent la même vision quant à la présidentielle de septembre, compte bien soutenir la candidature du président sortant Abdelmadjid Tebboune pour un deuxième mandat.
Ainsi, ces deux blocs islamistes, qu’incarnent d’un côté Abdelkader Bengrina et de l’autre Abdelaali Hassani Cherif, réoccupent le devant de la scène politique en faisant avancer, doucement mais sûrement, leurs pions dans une logique de repositionnement et de redéploiement. Cette mobilisation intervient au moment où le courant démocratique s’englue dans des guéguerres internes et des luttes de leadership.