Dynamique citoyenne à Tizi Tamlelt

21/02/2022 mis à jour: 02:45
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Des travaux d’embellissement réalisés par les villageois / Photo : D. R.

Des volontaires promoteurs d’actions citoyennes actives et globales se mobilisent, chaque week-end, pour engager des travaux d’intérêt général. Vendredi et samedi, comme chaque semaine, le village Tizi Tamlelt, dans la commune d’Iflissen, à 45 km au nord de Tizi Ouzou, connaît un climat de mobilisation qui ne laisse indifférent aucun citoyen de cette bourgade. 

Le seul maître-mot est, sans contexte, œuvrer à la l’amélioration du cadre de vie de la cité, histoire de rendre le village beau et propre. La formule est toute simple. Elle est même adoptée de façon cyclique par les habitants qui s’engagent dans des projets qui, sous d’autres cieux, sont réalisés avec l’argent public, à coup de milliards. 

Là, c’est juste la volonté des riverains et les cotisations des familles qui ont pris le dessus sur la marginalisation par les autorités de ce village de près d’un millier d’âmes où l’on ne trouve aucun établissement étatique. Il n’y a ni école, ni agence postale, ni salle de soins et encore moins d’infrastructures de jeunesse. Cela a ainsi, sans doute, incité les villageois à prendre leur courage à deux mains afin de se prendre en charge. D’un volontariat à un autre, de nombreuses choses ont été réalisées sous la coupe du comité de village. 

Ce dernier existe depuis plus de 30 ans, mais érigé en association en 1994, à l’initiative des habitants, dont on peut citer, entre autres, Mohamed Sennane, Mohamed Hamiche, Ali Azzouzi, Idir Aoualit, Akli Tizguine, Mohamed Malloul, Ali Boumghar, Amar Baouche et Mohamed Igoudjilène. 

Symbiose

Cette structure a vu le jour pour permettre une certaine organisation et contribuer à la transformation sociale à l’intérieur de ce bourg. Pour revenir aux récents travaux d’intérêt commun à mettre à l’actif de la dynamique mobilisation citoyenne dans cette localité de la Kabylie maritime, il est important de parler de la placette de Takheroubt N’El Djamaâ (Le caroubier de la djema) qui a été conçue comme un endroit féerique qui surplombe la Grande bleue. «Une telle vue panoramique sur la mer est une mine d’or», laissent entendre tous ceux qui visitent ce lieu de grande beauté. 

C’est un chef-d’œuvre. Des bancs, avec éclairage intégré, ont été mis en place afin d’offrir des moments de détente aux habitués de cette placette où se regroupent les personnes de tous âges. «Takheroubt N’El Djemâa est un lieu mythique. Tout le monde se rappelle de son étonnante fraîcheur durant les journées caniculaires estivales. Ici, on est à quatre où à cinq kilomètres de la mer, à vol d’oiseau. En été, surtout, c’est le paradis sur terre», nous confient des riverains qui ont, disent-ils, passé des semaines pour finaliser ce projet. Une parfaite cohésion sociale règne à Tizi Tamlelt où des chantiers d’envergure sont entrepris par la population qui semble être décidée à maintenir cet élan de mobilisation dans une perspective participative citoyenne qui tend encore à se diversifier. 

D’autres travaux colossaux ont été menés ça et là dans le village, comme l’embellissement et l’entretien. Des murs de soutènement en guise de clôture contre des talus sont en train de se faire avec les moyens dont dispose le comité, appuyés par les engins d’entrepreneurs. La main-d’œuvre est assurée par les villageois. «Tout le monde met la main à la pâte pour aider en fonction de ses capacités. L’objectif est de faire durer cette dynamique aussi longtemps que possible», ont-ils souhaité avec un air de satisfaction d’avoir accompli une mission noble, celle de participer à l’amélioration du cadre de vie de son village. Un autre projet est également réalisé et finalisé. Il s’agit d’une nouvelle bâtisse du village, érigée sur deux étages. Elle sert, notamment, de siège au comité et de magasin pour le matériel. Une grande salle est également utilisée pour les réunions et autres activités. La mobilisation est toujours au rendez-vous dans cette localité tant l’esprit de solidarité a fait naître une abnégation remarquable chez la jeunesse. 

Même ceux établis à l’étranger apportent aussi leur aide à ce genre d’initiatives. Outre le travail de terrain, les bénévoles sont scindés en petits groupes pour entreprendre des tâches qui leur sont confiées en fonction des prédispositions de chacun. Une équipe s’occupe de la préparation du repas en guise de déjeuner à offrir aux volontaires et une autre s’affaire à passer en revue toutes les recettes et les dépenses afin de veiller sur la comptabilité des fonds. Une coordination en symbiose. D’autres s’occupent de tout ce qui est soudeur, maçonnerie, ferraille, entre autres. Grands et petits ont tous retroussé les manches pour donner un coup de main à l’opération d’aménagement et d’embellissement. Ce sont des pratiques qui favorisent une mise en commun des ressources. 

Le mouvement a d’ailleurs eu un effet rassembleur et positif puisque tout le monde y participe avec beaucoup d’enthousiasme. Il faut aussi noter que même l’ancien réseau d’alimentation en eau potable réalisé, il y a des dizaines d’années, par les citoyens à travers le captage de sources, est réhabilité et entretenu pour parer aux pénuries de ce liquide vital. «Tout cela contribue au renforcement des liens entre les habitants et constitue le premier vecteur de mobilisation citoyenne», lancent des villageois qui ajoutent que la tradition ancestrale appelée «timechret» ou «lawziâa» est aussi souvent organisée pour ressusciter les valeurs du partage et de la fraternité. «Pour chaque opération, des assemblées générales sont programmées afin de favoriser la confrontation des points de vue», poursuivent-ils. Rabah Tafouzelt, président du comité de village, rappelle que l’auto-organisation ne date pas d’aujourd’hui à Tizi Tamlelt puisque même avant la création officielle dudit comité qui est considéré comme la cheville ouvrière de la construction de cette solidarité, il y avait une dynamique citoyenne importante.

Élan de solidarité 

 
«L’association a vu le jour au milieu des années 1990. Elle était composée, à sa création, pratiquement d’un membre issu de chaque famille. Mais, depuis, de jeunes compétences ont intégré le groupe. Nous avons une jeunesse très dynamique. En peu de temps, nous avons, grâce à son énergie, réalisé plusieurs projets», souligne-t-il, tout en mettant également en exergue l’extraordinaire élan de solidarité manifesté par les habitants durant la période du premier confinement sanitaire en organisant, notamment l’opération de désinfection et d’aide aux familles nécessiteuses. 

Par ailleurs, pour revisiter l’histoire, il est important de préciser, en outre, que Tizi Tamlelt, à l’instar de toutes les autres bourgades de la commune d’Iflissen, a grandement contribué pendant la guerre de libération nationale.

Camille Lacoste-Dujardin en a parlé, d’ailleurs, dans son livre sur l’opération Oiseau bleu. Parmi les moudjahidine qui ont pris le maquis, plusieurs sont tombés au champ d’honneur. Cela sans parler des moussebiline et des femmes qui aidaient la Révolution. 

D’ailleurs, l’armée coloniale, voulant resserrer l’étau sur les moudjahidine, avait évacué la population vers le village voisin, Tifra. Toutefois, aujourd’hui, 60 ans après l’indépendance, aucune infrastructure publique n’est implantée dans ce bourg qui nécessite véritablement une attention particulière des pouvoirs publics. 

La classe juvénile est livrée à elle-même sans foyers de jeunes, ni centre culturel ou complexe de sport de proximité. Et pourtant, dans cette contrée de l’Algérie profonde, la pratique du football est l’activité de prédilection de la quasi-totalité des jeunes. Des tournois sont régulièrement organisés à Kerma, un endroit aménagé en guise de stade pour abriter des matchs palpitants. «Ici, le village a une histoire avec le sport- roi. Cette discipline est prisée par les jeunes de chaque génération. 

Notre équipe dominait, avec la tête et les épaules, ses adversaires. On rapporte souvent la coupe. Jadis, l’ESTT représentait même la commune d’Iflissen dans des tournois de daïra et de wilaya. Nous pouvons aussi parler d’un champion d’athlétisme originaire de notre village. Il s’agit de Hadj Mohamed Mechkal qui a un palmarès éloquent avec plein de distinctions aussi bien à l’échelle nationale qu’internationale. 

Il a participé à la création de la fédération algérienne d’athlétisme, en 1963, comme il était à l’origine de l’ascension de plusieurs champions», racontent nos interlocuteurs qui soulignent que des villageois émergent dans plusieurs domaines artistiques. Ils évoquent, à l’occasion, le chanteur Moh Ouali Hakem, décédé en 2015, à l’âge de 81 ans, et qui a chanté avec de grands artistes de la musique chaâbi comme Cheikh El Hasnaoui et Dahmane El Harrachi. 

Il a vécu très discret et humble, dit, avec beaucoup de fierté, Moh Arezki Guemlal, l’un des membres actifs du comité qui ne rate aucune occasion pour immortaliser les actions de volontariat avec la prise de photos et de vidéos. «L’union fait la force», lance-t-il pour résumer l’exploit de ses concitoyens qui ont inscrit leurs projets dans la durée pour faire face à l’inertie des pouvoirs publics qui n’arrivent pas à doter le village d’infrastructures de base.H

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