D’une Nakba à une autre

15/05/2024 mis à jour: 12:57
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Soixante seize  ans après le viol originel de ce 14 mai 1948, qui a vu  la proclamation de la création d’un Etat juif sur le sol palestinien, Benyamin Netanyahu se charge, depuis octobre dernier, de parachever par le sang et la dévastation massive la réalisation de ce fantasme fondateur d’une suprématie juive indiscutée.

La complicité et le renfort  jamais  démentis d’un Occident dissimulant de moins en moins son hostilité historique à l’encontre de l’être arabo-musulman derrière un galvaudé devoir de réparation aux victimes de la Shoah, offrent depuis près de huit décennies une protection qui ne fait qu’aggraver l’injustice en l’imposant comme un fait universel irréversible, sous peine de bouleverser les équilibres du monde.

Benyamin Netanyahu, 75 ans, a pratiquement le même âge que la sinistre proclamation ; il en porte également l’essentiel de la philosophie, incarne ses chantages, ses faits accomplis et ses prédilections aux impunités outrancières. Après avoir consacré une grande partie de sa carrière politique à saper toutes les perspectives de paix, dont les voies ténues ouvertes par les accords d’Oslo, il y a 30 ans, il  se pose aujourd’hui comme le dirigeant qui va mener et gagner la dernière confrontation avec les Palestiniens.

Dès les premières semaines d’hostilité,  il est apparu clairement que l’enjeu radical de la guerre déclenchée est à comparer avec celui de la toute première guerre «israélo-arabe», dans ses éléments de langage, ses implications historique, humaine et territoriale, ses traumatismes…

Il dépasse de loin l’objectif déclaré de l’assaut décisif contre une section de la résistance palestinienne, quelle que soit sa capacité de combat et d’organisation, en puisant sa vocation dans un néo-messianisme nourri à la haine raciale et religieuse et très peu regardant ses propensions génocidaires.

Elias Sanbar, poète et essayiste palestinien dont la famille a vécu le déplacement forcé lors de la Nakba de 1948, dans une récente interview largement partagée sur les réseaux sociaux, déplore qu’en plus de l’effroyable bilan des massacres perpétrés contre la population civile depuis sept mois, le conflit se retrouve dangereusement à la case départ, celle des lendemains directs de la proclamation de l’Etat d’Israël et de l’exode massif et éperdu des Palestiniens qui en a résulté. «Israël mène une guerre définitive… Il n’y a qu’une seule guerre qui ressemble à celle-là, dit-il, c’est la guerre fondatrice du conflit, la guerre originelle de 1948 qui a vu les Palestiniens expulsés en masse de leurs terres.»

Tel-Aviv, qui s’est doté de la ressource politique la plus «qualifiée» pour mener la guerre ultime, à travers l’intronisation d’une coalition d’extrême droite au gouvernement, assume ouvertement aujourd’hui de piétiner le droit international, les principes humanitaires et toutes les institutions dont l’humanité s’est armée pour les incarner et les défendre, voire d'entraîner ses alliés dans des équations diplomatiques à risque, pour arriver à ses fins d’occupation irrévocable, avec son corollaire de déplacement forcé des populations arabes.

Fin janvier dernier, un rassemblement politique, qui a vu la participation d’une douzaine de ministres du gouvernement, a prôné dans une transe toute religieuse le caractère «divin» des bombardements tuant par milliers des enfants à Ghaza et pavant le chemin vers la «reconquête de la terre promise».

C’est là le socle conceptuel et opérationnel sur lequel semble se construire l’offensive israélienne contre le dernier bastion de résistance palestinienne. 76 ans après la première, la deuxième Nakba se déroule à Ghaza, sous les yeux complices ou ahuris du monde, à rebours du mouvement de l’histoire.

 

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