Dr Sayah Abdelmalek. Secrétaire général de la Fédération internationale des organisations des donneurs de sang : «L’Algérien est un donneur de sang né»

01/04/2023 mis à jour: 08:15
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Dr Sayah Abdelmalek

-Quelle est la place de l’Algérie en matière de don du sang en Afrique et dans le Maghreb ? 

Recevoir ce liquide vital peut se faire de deux manières, rémunérée ou non rémunérée, loin du premier choix, l’Algérie a adhéré à la résolution de l’OMS (WHA28.72 de 1975) qui encourage le don de sang non rémunéré avec une gestion centrale. Un choix difficile certes mais très louable. L’Organisation mondiale de la santé (OMS), recommande un indice de générosité minimum de 10 pour mille. L’Algérie est à 14. Nous sommes largement mieux que la majorité des pays de notre contient (l’Afrique) qui ne dépassent pas les 5 pour mille dans la majorité des cas, même par rapport à nos voisins maghrébins qui sont à un peu moins de 10 pour mille. 
 

-Les hôpitaux ne cessent d’évoquer le manque flagrant de poches de sang (absence de stratégie, gestion anarchique, gaspillage…). On parle aussi d’une réticence des citoyens à donner de leur sang. Vous en pensez quoi ? 
 

Nous n’avons pas de problème de donneurs de sang en Algérie. L’Algérien est un donneur né. Le problème est d’ordre organisationnel. A la limite, je dirai qu’il y a une confusion totale sur le terrain. Qui gère le sang et sa politique en Algérie ? L’Agence nationale du sang ? Les établissements hospitaliers ? Les directions de santé ? La résolution de l’OMS à laquelle a adhéré l’Algérie préconise une gestion centrale pour plus de traçabilité, de sécurité, de rationnement et de standardisation des bonnes pratiques et l’équité du don de sang en Algérie. A mon sens, il faut une agence nationale avec une assise statuaire et juridique forte, garantissant une autonomie totale de cette dernière. C’est la seule voie pour garantir un meilleur avenir du don de sang en Algérie. Le tout avec une fédération forte de ses adhérents couvrant le territoire national avec un statut d’utilité publique pour lequel nous militons depuis 47 ans. 
 

-Ils sont combien justement les donneurs de sang ? 

Le don de sang en Algérie est conditionné par l’application du décret de 2009 qui tarde à être exécuté. A titre d’exemple, 3 millions de donneurs sont gérés par quatre centres, et en Algérie on gère une moyenne de 600 000 donneurs avec 240 structures de transfusions sanguines sans aucune coordination entre les centres à défaut de serveur central, chose déjà acquise en Côte d’Ivoire et d’autres pays africains depuis longtemps. Cette politique ne peut pas être sans conséquences négatives sur le terrain.

 Gaspillage, pénurie de réactifs, rupture de stock. Il faut le dire, c’est une anarchie totale sur le terrain. Il est urgent de remédier à cette situation. Cet état de fait a freiné nos ambitions d’aller vers une indépendance vis-à-vis des firmes étrangères pour les dérivés de plasma, que nous continuons à importer à un prix très fort, sans profiter du plasma de nos donneurs qui n’empreinte pas les veines de nos malades mais celui des réseaux d’assainissement. 

-Donner son sang, c’est carrément offrir la vie. L’Algérien est-il conscient de l’importance du geste ? 

Le sang dans beaucoup de pays relève de la souveraineté nationale. On parle de sécurité alimentaire tout en oubliant que le sang est une priorité absolue qui relève de la sécurité sanitaire. Lors de notre journée scientifique du 18 mars, qui a eu lieu à Bouira, animée par d’éminents experts en la matière en présence des donneurs de sang et des professionnels de la santé, un ensemble de recommandations devaient être proposées au ministre de la Santé et à la directrice générale de l’Agence nationale du sang (ANS). Nous ne sommes pas là pour juger quiconque. Ce que nous voulons c’est apporter notre contribution pour trouver les outils juridiques et techniques pour assurer la sécurité de nos malades et de notre pays.

Entretien réalisé par Amar Fedjkhi


 

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