Docteur Salah Eldeen Saleh Emhemed. Conseiller juridique de l’Agence libyenne de la recherche scientifique : «Il est essentiel de disposer d’un réseau internet adéquat pour soutenir la diplomatie numérique »

04/01/2025 mis à jour: 10:48
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Photo : D. R.

Dr Salah Eldeen Saleh Emhemed, membre de l’équipe de formation et conseiller juridique de l’Agence libyenne de la recherche scientifique au sein du ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche scientifique libyen, revient dans cet entretien accordé à El Watan sur les enjeux de la diplomatie numérique et de la gestion des crises dans les pays arabes.

  • Quelle est la définition de la diplomatie numérique et en quoi contribue-t-elle à la gestion des crises ?

La diplomatie numérique désigne l’utilisation croissante des technologies de l’information et de la communication, ainsi que des réseaux sociaux, dans la mise en œuvre de stratégies de diplomatie publique.

Ces innovations technologiques n’ont pas seulement facilité les modes de communication entre les nations, mais elles ont également amélioré le traitement et le partage des informations entre les différents acteurs de la politique étrangère, réduisant ainsi les efforts fastidieux. Il est impératif pour les ministères des Affaires étrangères d’intégrer ces outils pour gérer rapidement les crises et, dans certains cas, les prévenir.

La formation à la transformation numérique, par exemple, initiée par le Département d’Etat américain, a été déployée bien en amont à travers des bureaux  installés dans diverses régions afin de promouvoir l’usage stratégique du numérique dans les relations internationales et la gestion des crises.

Aujourd’hui, notre objectif est de mobiliser cet outil essentiel pour résoudre les crises, notamment en surveillant les réseaux sociaux, en impliquant les citoyens et en comprenant leurs opinions et attentes. Dans cette ère numérique et technologique, il est primordial de s’adapter à ces évolutions, de s’y investir pleinement et d’exploiter leurs potentialités pour surmonter nos propres problèmes.

  • De quelle manière la numérisation, et plus spécifiquement l’intelligence artificielle, peut-elle contribuer au renforcement des capacités des Etats dans la gestion des crises à travers la diplomatie numérique ?

Il est indéniable que nous vivons à l’ère de l’intelligence artificielle. Cependant, nous n’exploitons pas encore pleinement les opportunités offertes par le numérique de manière efficace dans tous les secteurs. En tant que spécialistes de la diplomatie, nous ambitionnons de mobiliser ces outils pour résoudre nos problèmes, engager des négociations et définir des intérêts communs.

La clé réside dans la rapidité d’exécution d’une stratégie politique fondée sur le numérique. Le facteur temps est crucial en diplomatie : une décision rapide peut souvent prévenir ou résoudre de nombreux problèmes complexes. En revanche, toute perte de temps peut nous exposer à des risques supplémentaires. Nous devons donc demeurer conscients de la vitesse à laquelle les événements évoluent sur la scène internationale.

  • Outre les contraintes liées à la gestion du temps, quels sont  les défis éthiques et juridiques associés à l’utilisation de ces technologies dans le domaine diplomatique ?

Les défis sont multiples, bien qu’ils soient principalement liés à l’infrastructure technologique, à la vitesse d’internet et à l’analyse des données. Sur le plan juridique, il n’existe pas d’obstacles majeurs à la mise en œuvre des programmes dans le cadre de la diplomatie numérique.

  • Quelles stratégies les Etats peuvent-ils déployer pour sécuriser leurs systèmes numériques face aux cyberattaques, et préserver ainsi leur capacité à gérer les crises dans le cadre de la diplomatie numérique ?

Il est primordial de garantir la sécurité des systèmes et des plateformes utilisées. Il est crucial de renforcer les capacités de protection technologique et de cybersécurité au sein des institutions diplomatiques, à savoir les ministères des Affaires étrangères et leurs ambassades. Il est nécessaire aussi d’élaborer des plans stratégiques de communication numérique pour les institutions diplomatiques.

  • Comment les Etats pourraient améliorer leur coopération à l’échelle internationale pour établir des normes communes et un cadre juridique adapté à la gestion des crises par la diplomatie numérique ?

Le cadre des règles diplomatiques repose sur la Convention de Vienne relative aux relations diplomatiques. Cependant, si la communauté internationale venait à instaurer de nouvelles normes juridiques internationales spécifiquement dédiées à la diplomatie numérique, et à les réguler de manière exhaustive, cela constituerait un levier précieux pour la mise en œuvre efficace des programmes numériques.

  • Cela signifie-t-il que cette convention n’est plus suffisante ?

Non, elle n’est pas suffisante et nécessite des ajustements.

  • Quel rôle les organisations internationales peuvent-elles jouer dans ce contexte ?

Les organisations internationales doivent impérativement établir de nouvelles normes juridiques, assurer la protection des systèmes mondiaux et instaurer des sanctions dissuasives à l’encontre de ceux qui violent ces règles.

  • Il indéniable qu’un fossé numérique sépare le monde arabe et certains pays africains de l’Occident. Comment peut-on remédier à cette fracture numérique ?

Il convient de le souligner. Ainsi, je réaffirme que l’investissement dans les infrastructures électroniques, voire numériques, doit être considéré comme une priorité. Il est essentiel de disposer d’un réseau internet adéquat pour soutenir la diplomatie numérique.

  • Comment appréhendez-vous l’évolution de ce fossé numérique et quelles en sont les répercussions ?

Tous les pays, y compris ceux qualifiés de Tiers-monde, s’efforcent de mettre en place des infrastructures numériques. Il est impératif de souligner que la transition vers le numérique, qui s’avère essentielle dans divers secteurs – économiques, monétaires, et bien d’autres – constitue une transformation radicale. Cette mutation numérique doit impérativement être intégrée dans la diplomatie publique.

A cet égard, il est pertinent de souligner l’exemple de nombreux pays ayant déjà adopté des transactions numériques. Il est crucial de renforcer ces initiatives, d’autant plus que les pays occidentaux exploitent ces outils avec une grande efficacité. Le monde évolue à une vitesse fulgurante et la question de l’intelligence artificielle s’impose désormais comme une réalité incontournable. Dès lors, il devient impératif d’adopter un nouveau modèle dans le domaine numérique, car le rythme de ces évolutions est tel, qu’il est difficile de prédire les défis à venir.
 

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