La suppression d’un nombre d’impôts et de taxes et le gel de certains autres, décidée dimanche par le Conseil des ministres, aura, espère-t-on, un effet analgésique sur les ménages algériens vampirisés par la tendance inflationniste qui, selon des économistes indépendants, risque de dépasser les 20% en ce début de 2022.
Certes, la mesure ne pourra pas absorber toute l’ampleur de l’inflation et éviter aux citoyens l’impact de la flambée vertigineuse des prix. Mais au plan social, elle peut être considérée comme une tentative de maintenir les prix sous la ligne rouge en ce qui concerne les produits alimentaires de large consommation, en attendant une éventuelle stabilisation du marché international et un contrôle plus efficace de celui local.
Au plan politique, cependant, la décision marque un épisode d’incohérence de magnitude inédite au sein du pouvoir exécutif. En ordonnant le gel de tous les impôts et taxes, le chef de l’Etat remet en effet en cause toute la loi de finances 2022 et la politique économique du gouvernement Aïmene Benabderrahmane.
Et en dépit des conséquences en termes d’équilibre budgétaire, c’est le déséquilibre des pouvoirs qui marque de son empreinte l’actualité politique nationale.
Les «élus» du Parlement et du Sénat en prennent pour leur grade réel, maintenant que leur vote est balayé d’un trait d’ordonnance présidentielle. La normalisation institutionnelle et la nouvelle Constitution ont renforcé le système présidentialiste algérien, et le pouvoir législatif actuel a été conçu pour s’y soumettre. Le couac nous vient de l’intérieur de la mécanique exécutive.
Entre le palais d’El Mouradia et le palais de la rue Saadane, la dissonance a atteint son paroxysme avec le revirement décidé dimanche ; un point de rupture qui devrait se traduire «normalement» par la démission du Premier ministre. En moins de huit mois à la tête du gouvernement, Benabderrahmane aura tout testé de l’hyper-présidentialisme et son interventionnisme débridé ayant déjà consommé son prédécesseur Abdelaziz Djerad.
Après avoir subi, en janvier dernier, l’épisode du rapport de la Banque mondiale, validé par ses services, et descendu en flammes par l’APS, sous-traitant pour El Mouradia, Aïmene Benabderrahmane est aujourd’hui désavoué sur un dossier de souveraineté de son cabinet, le pré carré du gouvernement.
Ainsi amendé, sans prendre soin des formes, l’épisode de la LF-2022 coûte un désaveu de plus pour le Premier ministre qui peut légitimement se demander si son titre lui sert encore à honorer la mission dont il a été investi. En termes d’image, la dissonance des palais tourne à l’avantage d’El Mouradia, certes, mais au fond, le gouvernement se trouve tétanisé par ces temps de détresse économique et sociale.