Développement du réseau ferroviaire en Algérie : Ferhat Ait Ali préconise de planifier sur le long terme

22/08/2023 mis à jour: 01:22
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Photo : Sami K. - L’Algérie veut agrandir son réseau férroviaire pour en faire un outil de développement

M. Ait Ali appelle le décideur final à faire des choix stratégiques en matière d’investissements qui soient conformes aux études techniques à long terme et d’être prudents quant à la fiabilité économique de l’usine projetée à Béchar juste pour le rail, en même temps que la proposition de mettre Sider El Hadjar de la partie.

Il y aura une étude pour que Sider El Hadjar produise du rail tel qu’a été proposé par le ministre de l’Industrie M. Aoun pour confirmer la faisabilité», a affirmé le Premier ministre, Aïmene Benabderrahmane lors de son court passage au complexe sidérurgique d’Annaba il y a quelques jours.

Le lendemain, le président-directeur général de Sider El Hadjar, Manaa Lotfi Kamel, affirme : «Nous sommes prêts à accompagner la réalisation de ce programme de 6000 km de chemin de fer avec la fourniture de la matière première et des rails.»

Outre l’usine d’El Hadjar, le gouvernement se lancera également dans la réalisation d’un nouveau complexe d’industrie sidérurgique dans la wilaya de Béchar destiné à la production du rail et du profilé en acier, à partir du minerai de fer de la mine de Gara Djebilet.

Toutes ces annoncent convergent vers une importante opération de maillage de l’Algérie à travers un important réseau de chemins de fer en partenariat avec les Chinois, tel que confirmé par le président de la République, Abdemadjid Tebboune. «Les Chinois nous ont donné leur accord de principe pour l’accompagnement de l’Algérie dans la réalisation de ce projet ambitieux», avait-il dit.

Du côté des sidérurgistes, la décision de produire éventuellement du rail par Sider El Hadjar a été accueillie avec beaucoup de satisfaction. En effet, selon des cadres sur place «la proposition de produire du rail dans le complexe Sider El Hadjar ne peut qu’être bénéfique pour notre usine et pour le pays».

«Les multiples chantiers engagés actuellement par l’Algérie dont les mines de fer de Gara Djebilet et le méga complexe phosphatier de Tébessa nécessitent, à eux seuls, des milliers de kilomètres de rails. Mieux encore, le rail entre dans le cadre de la production du profilé dont la marge bénéficiaire est importante.

Avec la récupération de quelque 20% de ferraille du crassier de Sider El Hadjar, vendu récemment, soit trois millions de tonnes, nous pouvons dire que nous disposons déjà à terme d’une importante réserve de matière première, acquise gratuitement», soutient-on.

La même source a rappelé que «l’ex-complexe sidérurgique de ETRHB Haddad, implanté à la zone industrielle de Berrahal (Annaba), récupéré totalement par l’Etat, prévoyait la production du rail.

L’équipement de qualité (Daneili) destiné à la production du chemin de fer est en souffrance aux ports d’Annaba et Skikda. Le récupérer et l’installer à Sider El Hadjar réduira l’investissement, pratiquement, à néant». Contacté, Ferhat Ait Ali, ancien ministre de l’Industrie, apporte des précisions aux chiffres avancés.

18 000 km au lieu de 6000 km

Pour lui, «il est probable que la pensée des initiateurs de ces projets est d’installer à terme 6000 km de voies ferrées ; cependant, il faudra tabler en moyenne sur 18 000 km de rails, entre double et mono voies.

De ce fait, parler de la participation de Sider El Hadjar ou de tout autre opérateur local comme fournisseur de rails aux projets, doit se faire sur la base de cette estimation de 18 000 km et pas de 6000 km de rails. Ce qui, sur la base d’une masse linéique de 60 kg le mètre de rails donne quelque 1 080 000 tonnes de rails à fournir».

Sur le plan de la capacité du complexe de Sider El Hadjar à satisfaire cette demande, M. Ait Ali estime qu’«elle est à la portée de Sider El Hadjar, avec une conversion de certaines lignes d’extrusion ou de laminage à chaud vers le rail, pour une capacité de 200 000 tonnes par an. Le projet étant faisable avec les compétences locales et quelques améliorations sur certains équipements».

Projetant sa vision sur le moyen et long termes, la même source prévient : «Au vu du chiffre d’affaires total à attendre de cette production, qui peut fluctuer de 600 à 1200 $ la tonne avec une moyenne à 900$, des ventes moyennes de 1 milliard $ sur cinq ans et de 200 millions par an, doivent inspirer la prudence sur la rentabilité à terme des autres investissements projetés dans cette nouvelle piste, comme celui de Béchar.

Surtout qu’une fois ces projets ferroviaires terminés, il faudra trouver d’autres débouchés pour ces fameux produits».

Et d’abonder : «Tabler sur l’exportation nécessite autant une étude du marché international, de la concurrence existante, que des coûts de production locaux  qui seront compétitifs en intrants surtout énergétiques, et en coûts de la main d’œuvre dans l’absolu, mais toujours prohibitifs en matière de productivité et de carences managériales, au vu du nombre de centres de décisions que des changements de cap chroniques».

Abordant le volet qualité qui implique inévitablement la concurrence, M. Ferhat semble être aux faits de la sidérurgie suite à ses multiples visites au complexe, puisqu’il indique que «le rail nécessite aussi une qualité irréprochable des produits en matière de teneur en carbone, en manganèse et autres éléments chimiques, et d’absence totale d’hydrogène dans la structure du métal fini.

Subissant des contraintes thermiques, dynamiques et de friction importantes, ce produit n’est pas un vulgaire profilé à chaud, mais fait partie de la famille des aciers spéciaux.

Mais toujours est-il que nos ingénieurs sur site  savent ce qui doit être fait, pour peu qu’ils soient la locomotive de la décision finale et non le dernier wagon qui suit malgré lui un train dont il n’est pas très convaincu de la destination». M. Ait Ali appelle, par ailleurs, le décideur final, «à faire des choix stratégiques en matière d’investissements qui soient conformes aux études techniques à long terme.

Et de ce fait, à être prudent quant à la fiabilité économique de l’usine projetée à Béchar juste pour le rail, en même temps que la proposition de mettre Sider El hadjar de la partie. Et soit de diversifier les produits du projet de Béchar soit à en revoir l’utilité et la faisabilité, soit à éliminer El Hadjar de la course au rail».

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