Développement des startups en Algérie : Le modèle allemand en débat à Alger

06/07/2023 mis à jour: 08:15
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les autorités ambitionnent de développer le secteur des start-up - Photo : D. R.

La rencontre a été marquée par un fructueux échange ayant permis de dresser l’état des lieux du secteur en Algérie, avec ses points forts et ses points faibles.

L'écosystème des startups en Allemagne et l’histoire de leurs succès ainsi que l’évolution et les perspectives de leurs développements en Algérie ont fait, hier à Alger, l’objet d’un riche débat entre experts et acteurs des deux pays.

Organisé par la fondation allemande Konrad Adenaeur Stiftung (KAS) et le Cercle d’action et de réflexion pour l’entreprise (CARE), la rencontre a été marquée par un fructueux échange ayant permis de dresser l’état des lieux du secteur en Algérie, avec ses points forts et ses points faibles, mais aussi et surtout de s’inspirer d’un autre modèle ayant réussi et dont celui de l’Allemagne n’est plus à présenter.

Un modèle allemand décortiqué, à cet effet, par le Dr Jannis Gilde, chef de projet de recherche au niveau de l’Association pour le développement de l’écosystème des startups et de l’investissement en Allemagne.

Dans sa présentation de l’écosystème des startups allemandes : stratégies, l’histoire du succès allemand, l’intervenant depuis Berlin par visioconférence a souligné l’importance des clusters et des régions, et surtout un écosystème connecté aux universités, comme facteurs de succès des startups dans son pays, qui compte, selon ses dires, entre 15 000 à 20 000 startups et générant pas moins d’un million d’empois directs et indirects.

Les villes comme Berlin et Munich sont dans le top 10 des villes ayant un écosystème des plus connectés et des plus favorables, et du coup, ayant le plus grand nombre de startups dans le pays, a-t-il indiqué. Et si le point fort du modèle allemand est dans sa politique de décentralisation avec des universités résolument engagées dans la recherche, et des pouvoirs publics soutenant l’écosystème des startups, Dr Jannis n’a pas manqué toutefois de relever que la guerre en Ukraine a atteint l’écosystème des startups générant une crise sans précédent dans le secteur.

Une crise, a-t-il dit, ayant débuté avec la pandémie de Covid et qui s’installe désormais avec le conflit russo-ukrainien. Une crise qui a eu raison d’un bon nombre de startups et dont le déclin a été de 18% en 2022, selon ses dires. Notant toutefois une légère tendance à la reprise ces derniers temps, le conférencier n’a pas omis pas de souligner une «explosion» dans le développement des startups dans les technologies vertes, soulignant que 35% des startups en Allemagne œuvrent dans le développement durable et 45% d’entre elles sont dans l’intelligence artificielle.

Enfin, le représentant de l’association des startups allemandes, qui compte en son sein quelque 1200 membres, a avoué toute la difficulté d’attirer désormais les jeunes talents à cause d’une bureaucratie qui sévit dans les administrations.

Lui succédant, Dr Kilian Bachmair, docteur à l’université de Cambridge et le Dr Nikolas Hoehme, responsable de la transformation numérique chez Hankel, ont tour à tour présenté le processus d’incubation des startups en Allemagne, et ce, depuis la naissance de l’idée innovante à la maturation du projet, puis sa concrétisation et son développement.

Dr Kilian n’a pas omis au passage de citer le projet coopératif algéro-allemand Kassiopeia, qui apporte appui et conseil à l’écosystème des startups algériennes. D’autres projets coopératifs dans le domaine verront le jour, a indiqué de son côté Mattias Shafer, directeur de la fondation KAS Algérie et modérateur de la rencontre. Le cas du cluster énergie renouvelable par le biais de la GIZ a été un exemple de coopération algéro-allemande, a-t-on rappelé.

Le challenge de retenir les compétences

«Si l’Allemagne a des difficultés à attirer des compétences, notre challenge à nous est de les retenir !»  C’est la sentence du Dr Mehdi Omarouayache, président du cluster algérien du numérique.

Dans sa présentation de l’évolution et perspectives de l’écosystème startup en Algérie, le conférencier a estimé que l’Algérie qui connaît une saignée de sa matière grise peut profiter de ses compétences à l’étranger, et ce, par le biais de projets de partenariat et d’un apport efficient et intelligent de sa diaspora.

Mais en dépit de cet exode massif des compétences, le président du cluster algérien du numérique n’a pas tari d’éloges sur l’état des lieux du secteur en Algérie, citant les classements de la Global Startup Ecosystem (qui analyse et classe l’état des écosystèmes de startups dans le monde et classe la ville de Berlin à la 6e position) et dont l’Algérie a gagné plusieurs points dans ses classements de ces trois dernières années, à savoir la 984e place en 2021, la 771e place en 2022 et la 446e place en 2023.

Un classement qui a fait dire au conférencier que l’Algérie est classée première dans l’évolution de son écosystème, citant toutes les incitations et aides des pouvoirs publics pour l’émergence du secteur.

Il citera, à cet effet, le fonds public ASF créé par les six banques publiques et un compartiment à la Bourse d’Alger, tous deux destinés au financement des startups, ainsi que les incitations fiscales pour les entreprises contenues dans la loi de finances 2022 dans son article 171.

Le conférencier a indiqué aussi que sur les 3516 demandes de labels, 951 ont étés attribuées pour un temps moyen de 8,3 jours pour son obtention, «ce qui est loin de la bureaucratie» a-t-il tenu à souligner. La ville d’Alger est première dans la répartition des projets, secondée par la ville de Sétif puis Oran, selon Dr Mehdi Omarouayache.        

Ne s’arrêtant pas au simple constat, il citera Yassir comme une success story algérienne qui pèse 150 millions de dollars avec une visibilité internationale incontournable. Cette startup algérienne spécialisé dans les transports et qui se déploie sur trois continents, selon Dr Mehdi, a fait l’objet d’ailleurs d’un échange de points de vue sur ses tracasseries actuelles avec les pouvoirs publics.

Considérée comme une concurrence déloyale par les taxieurs, Yassir connaît les mêmes problèmes que Uber en France, selon Dr Mehdi, alors que pour la présidente de CARE et avocate de formation, Mme Benmiloud, «il s’agit d’un abus de pouvoir de certaines personnes mais pas de l’Etat», suggérant à l’entreprise de «se défendre» en recourant soit à la justice ou au Conseil de la concurrence.

Enfin, et comme acteur principal dans l’appui à l’innovation par le transfert de technologie et l’incubation, le Dr Fragua Rabah, chef de département ingénierie de management chez l’Agence nationale de valorisation des résultats de la recherche et du développement technologique (Anvredet), s’est longuement attardé sur le fonctionnement et les actions de l’organisation en faveur des incubateurs et porteurs de projets à l’échelle nationale, citant, à cet effet, des cas dans le secteur agroalimentaire et agricole.

Pour le Dr Fragua, «depuis 2020, l’Anvredet a changé de stratégie et accompagne désormais les incubateurs au niveau des universités et à l’échelle locale, et ce, en apportant notre expertise aux porteurs de projets».

         

 

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