Avec des précipitations annuelles inférieures à 1 mm, le désert d’Atacama au Chili est l’un des endroits les plus secs au monde. Pourtant, des chercheurs ont constaté qu’il était possible de recueillir jusqu’à 10 litres par mètre carré chaque jour à l’aide de «collecteurs de brouillard».
Alto Hospicio est une ville située dans le désert d’Atacama, l’un des endroits les plus secs au monde. En raison de la croissance rapide de cette municipalité, environ 10 000 personnes vivent dans des «quartiers informels» – autrement dit, des bidonvilles.
Seuls 1,6% de ces quartiers sont reliés à des réseaux de distribution d’eau, et la plupart des habitants dépendent ainsi des camions-citernes. L’endroit idéal, donc, pour tester l’efficacité des «collecteurs de brouillard». Déjà installés aux Canaries et au Portugal, ces dispositifs sont constitués d’un treillis suspendu entre deux poteaux.
Les gouttelettes composant le brouillard se déposent sur le treillis et tombent dans une gouttière menant à des réservoirs. Un système «passif», ne nécessitant aucun apport d’énergie. «Le brouillard peut servir d’approvisionnement complémentaire en eau urbaine dans les zones arides où le changement climatique exacerbe les pénuries d’eau», assure la Pr Virginia Carter Gamberini, première auteure d’une étude publiée dans la revue Frontiers in Environmental Science, dans un communiqué de l’Universidad Mayor (Chili).
Jusqu’à 10 litres d’eau par mètre carré et par jour
Son équipe a constaté que dans une zone de 100 km2 entourant la ville d’Alto Hospicio, entre 0,2 et 5 litres d’eau de brouillard pouvaient être récoltés par mètre carré chaque jour – atteignant même jusqu’à 10 litres par mètre carré et par jour en août et en septembre. Ce potentiel est toutefois limité aux altitudes les plus élevées, en dehors des limites de la ville elle-même, notent les auteurs.
«En démontrant son potentiel à Alto Hospicio, l’une des villes les plus stigmatisées du Chili, mais qui s’urbanise rapidement, cette étude jette les bases d’une adoption plus large dans d’autres zones urbaines où l’eau est rare», a déclaré Nathalie Verbrugghe, chercheuse à l’Université libre de Bruxelles et coauteure de l’article. L’eau recueillie pourrait être utilisée pour la boisson, l’irrigation des espaces verts et la production alimentaire locale, suggère l’étude.
Toutefois, de grands systèmes de stockage, des réseaux de canalisations et des moyens de distribution seraient alors nécessaires. Sur la base d’un taux moyen annuel de collecte d’eau de 2,5 litres par mètre carré et par jour, les chercheurs indiquent que 17 000 mètres carrés de treillis pourraient recueillir suffisamment d’eau pour répondre à la demande hebdomadaire des bidonvilles (300 000 litres).
Seuls 110 mètres carrés suffiraient même à irriguer les espaces verts de la ville pendant un an (100 000 litres). Cette technique pourrait-elle alors fonctionner dans d’autres endroits ? «Les principales conditions préalables sont la densité du brouillard, des régimes de vent appropriés, et des reliefs bien orientés», liste Nathalie Verbrugghe dans le communiqué.
«En outre, comme le brouillard est saisonnier dans de nombreuses régions, cette variabilité doit être prise en compte», note-t-elle. «Nous espérons encourager les décideurs politiques à intégrer cette source renouvelable dans les stratégies nationales de gestion de l’eau», suggère Virginia Carter Gamberini. «Cela pourrait renforcer la résilience des villes face au changement climatique et à l’urbanisation rapide, tout en améliorant l’accès à l’eau potable.»