Des millions de Handhala

22/01/2024 mis à jour: 04:10
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Le dessin est émouvant : il montre Handhala, le personnage emblématique du caricaturiste palestinien Naji Al Ali, assassiné en 1987 à Londres, en compagnie d’un autre petit garçon qui, comme lui, est pieds nus et ne grandit pas. Son acolyte est précisément un gamin africain qui se dresse à ses côtés en tendant le bras autour de son épaule dans un geste plein d’empathie. 

Ce dessin, qu’on a vu brandi dans certaines manifs en Europe et qui a circulé également sur les réseaux sociaux, se veut un clin d’œil à l’action éclatante intentée par l’Afrique du Sud contre Israël devant la Cour internationale de justice des Nations unies pour «génocide» en solidarité avec la Palestine. 

En ayant cette audacieuse idée d’ouvrir un front judiciaire pour secourir Ghaza, le coup tenté par le pays de Nelson Mandela a eu un écho retentissant. Quelle que soit la suite qui sera donnée à cette procédure, celle-ci constitue déjà une immense victoire, à la fois politique, psychologique et symbolique. L’action fait déjà des émules. 

Le Chili et le Mexique ont saisi conjointement à leur tour le procureur de la CIJ contre Israël pour «crimes de guerre». 

La Belgique a annoncé qu’elle soutiendra pleinement la plainte sud-africaine. Et ce front judiciaire ne fait que s’élargir. 

Cette initiative montre de façon étincelante qu’avec un peu de volonté politique et d’imagination, on peut apporter une aide concrète à nos frères palestiniens. Tout ne repose pas forcément sur les renforts militaires. Et le moindre geste compte dans cette bataille morale. 

On le voit : les manifestations pro-Palestine se multiplient un peu partout et grossissent dans les capitales occidentales, y compris à Washington, Londres et Berlin. Mercredi dernier, au siège de l’AFP, à Paris, les journalistes de l’agence de presse française ont observé une action de solidarité avec leurs collègues ghazaouis en brandissant leurs portraits. Ils ont exprimé une pensée également pour les nombreux reporters tués à Ghaza depuis le 7 octobre. 

Saluons également cet autre geste symbolique fort : en Jordanie, une rue de la ville d’Al Karak, près de la mer Morte, a été baptisée il y a quelques jours du nom de Hamza Al Dahdouh, du nom du fils du journaliste Waël Al Dahdouh, tué par l’armée israélienne le 7 janvier dernier. La solidarité, on le sait, passe beaucoup aussi par la musique. 

On se souviendra longtemps du soutien indéfectible apporté par Roger Waters, le célèbre chanteur des Pink Floyd, à la Palestine. Signalons dans ce même registre le succès que connaît actuellement dans le monde arabe la chanson Telk Qadeya (Cette cause-là) du groupe de rock égyptien Cairokee depuis sa diffusion fin novembre. D’aucuns l’ont érigée en hymne pour la Palestine dans la mesure où, comme le souligne un papier élogieux que lui a consacré le magazine en ligne Orient XXI, la chanson dénonce «l’indignation sélective et les doubles standards» du monde occidental. Force est de le constater : ces formes de mobilisation commencent à porter leurs fruits. 

Ainsi, après avoir apporté un soutien aveugle à Israël, les gouvernements occidentaux se rappellent l’existence d’un peuple qui s’appelle le peuple palestinien, et qui est privé de ses droits depuis 75 ans. Samedi, le ministre français des Affaires étrangères, Stéphane Séjourné, a déclaré dans un post sur le réseau X : «Les Palestiniens ont le droit à la souveraineté et à un Etat.» 

Le ministre britannique de la Défense, Grant Shapps, a critiqué ouvertement Netanyahu et sa négation arrogante de la souveraineté palestinienne sur Sky News, en faisant savoir que pour le Royaume-Uni, «il n’y a pas d’autre option qu’une solution à deux Etats pour résoudre le conflit dans la région».

Moralité : il faut continuer à parler de la Palestine. Et comme le proclame une campagne de soutien : «Il ne faut pas s’habituer à ce qui se passe à Ghaza». 

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