Des changements visibles depuis l’espace : Les «ingénieurs» qui façonnent nos paysages sont plus puissants qu’on le croyait

25/02/2025 mis à jour: 13:00
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Le rôle des animaux dans le façonnement des paysages de la Terre est des plus importants - Photo : D. R.

Des zones humides créées par les castors, ou d’immenses termitières visibles depuis l’espace… Une équipe de scientifiques a recensé plus de 600 espèces, genres ou familles d’animaux façonnant les paysages terrestres. L’énergie déployée collectivement par ces «ingénieurs de l’écosystème» dépasserait celle de centaines de milliers d’inondations.

Le saviez-vous ? Lors de leur reproduction («frai») dans les rivières, les saumons déplacent autant de sédiments qu’une crue annuelle, c’est-à-dire dont l’ampleur correspond à une probabilité d’une par an. Ces poissons sont en effet qualifiés d’ingénieurs de l’écosystème : des organismes qui modifient de façon importante leur environnement au point d’avoir un impact significatif sur d’autres espèces qui leur sont proches.

L’un des plus connus est évidemment le castor, dont les barrages constituent et maintiennent des habitats entiers. Au-delà de ces exemples emblématiques, les auteurs d’une synthèse mondiale dans la revue Proceedings of the National Academy of Sciences ont recensé plus de 600 espèces, genres ou familles d’animaux façonnant les paysages de manière «remarquable».

76 000 gigajoules d’énergie par an

Il s’agit non seulement de mammifères et de poissons, mais également d’oiseaux, de reptiles et d’insectes. Les termites du Brésil construisent ainsi de vastes réseaux de monticules couvrant des «milliers de kilomètres carrés», tandis que les fourmis, par leurs «actions minuscules mais innombrables», modifient la structure et le drainage du sol.

Bien qu’ils ne couvrent que 2,4% de la surface de la planète, les écosystèmes d’eau douce, en particulier les cours d’eau et les zones humides, abritent plus du tiers de ces «architectes», souligne l’étude.

En façonnant la surface de la Terre, ces animaux fournissent collectivement quelque 76 000 gigajoules d’énergie par an, soit l’équivalent de plusieurs centaines de milliers d’inondations extrêmes, comparent les scientifiques. Une estimation prudente, puisque les connaissances disponibles sur les régions tropicales et subtropicales souffrent d’importantes lacunes.

30% de ces ingénieurs sont rares, endémiques ou menacés

«Cette recherche montre que le rôle des animaux dans le façonnement des paysages de la Terre est beaucoup plus important qu’on ne le pensait jusqu’à présent», résume la Pr Gemma Harvey, première auteure de l’étude, dans un communiqué de l’université Queen Mary de Londres.

Le risque est toutefois de «perdre» ces processus naturels cruciaux «en raison du déclin de la biodiversité», pointe-t-elle. Près de 30% des espèces identifiées sont rares, endémiques ou menacées, ce qui signifie que les processus qu’elles réalisent pourraient s’interrompre avant que l’on en comprenne toute l’importance.

Or, une telle perte pourrait avoir des «conséquences profondes» pour les écosystèmes et les paysages qui en dépendent, souligne l’étude. Ces travaux pourraient néanmoins offrir de «nouvelles perspectives» pour la conservation de la biodiversité et la restauration des écosystèmes, espèrent les auteurs : les projets de ré-ensauvagement et de réintroduction d’espèces – à l’instar du castor – devraient selon eux contribuer à «lutter contre des problèmes environnementaux tels que l’érosion et les inondations».

 

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